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Article rédigé le 18 janvier 2017 à Anuradhapura (Sri Lanka)

 

Fin mars 1978 nous arrivions à Sri Lanka par une chaleur accablante. C’était notre premier grand départ. Nous avions prévu d’y rester six mois. Six semaines plus tard nous reprenions un avion pour la France, malades et amaigris de 6 kg chacun. Depuis je les ai repris et reperdus plusieurs fois. Daniel, lui, les avait perdus à jamais. Nous considérions donc que c’était un voyage raté et qu’il faudrait revenir un jour.

39 ans plus tard nous voici de retour. Beaucoup de choses risquent d’avoir changé. L’une d’entre elles est la difficulté de boire du thé alors qu’à l’époque il n’était quasiment possible de boire que cela. Mais une chose qui n’a pas changé, ce sont les portions gargantuesques de riz qui sont servies dans les restaurants. Une part pour deux personnes suffit amplement. J’oubliais aussi le papier journal - à l’encre bien fraîche c’est encore mieux - en guise de serviettes de table dans les restaurants de rue et le verre qui sert à tout le monde ou qui est reposé parmi les verres propres après utilisation. Les sourires et la gentillesse des Sri-Lankais sont également toujours d’actualité.

 

Vendredi 13 – samedi 14 janvier 2017 – Negombo

Pleine lune sur Negombo. 20 h 30. J’écris sur la terrasse de cette petite pension, en bordure du canal. Une porte en fer forgé nous en sépare. En face, sur l’autre berge, est encore éclairée la boutique d’un tailleur. L’homme, en dhoti blanc et chemisette lâche par-dessus, une toque qui montre son appartenance à la communauté musulmane, coupe du tissu. Je devine, sans qu’il sache qu’il est observé, qu’il taille un pantalon. Devant la boutique est garé son vélo. Une bonne odeur de pain nous chatouille les narines. La circulation s’apaise. Encore quelques vélos et voitures qui passent au ralenti, presque en silence. La soirée est douce et, bien que nous soyons agressés par les moustiques, nous n’avons pas envie de rentrer dans la chambre.

 

Notre maison, toute blanche, est celle d’un docteur ayurvédique. Une inscription sur le fronton de la porte donnant sur le canal l’indique. Dans le salon qui devait autrefois servir de salle d’attente sont accrochés son portrait et celui de sa femme."

Le gardien, gérant, homme de confiance du patron, en dhoti et chemise blancs, nous montra le garage dans lequel ranger nos vélos. Il y a là un minibus qui remplit presque tout l’espace et, sur le côté, une couchette, une moustiquaire et une télévision. « My home, my car » nous dit-il. Il est très serviable, très souriant, peut-être un peu indiscret et collant, comme les Indiens, quand, pendant notre liaison vidéo avec maman, il se colle derrière nous pour voir l’écran. Je fis donc les présentations.

Sur l’immense plage de Negombo chaque matin sont déchargées des tonnes de poissons directement traités sur place, de façon très artisanale. Entreposés dans des barils de sel pendant une journée, puis lavés, ils sont ensuite mis à sécher, certains déjà découpés en filets, pendant deux jours en plein soleil sur la plage. Pas de machines, pas de chariots élévateurs, tout se fait manuellement. Les hommes prennent le sel à mains nues, transportent les paniers de poissons sur leurs épaules, découpent les poissons en gestes précis et rapides à l’aide de tranchoirs. Les scènes sont très esthétiques sur ce bord de mer et les tapis de poissons, du noir au blanc en passant par le rose des filets, brillent sur le sable.

Nous marchions dans des quartiers de maisons de pêcheurs. Nous nous sentions en vacances. L’air était léger et la lumière limpide, une petite brise rafraichissait la température. Les Sri-Lankais allaient et venaient à pied, à vélo, en tuc-tuc ou à mobylette et la circulation restait fluide. Ce 14 janvier était jour de fête chez les Hindous et vers les temples affluaient des femmes et des fillettes habillées en princesses. Quatre religions se côtoient et les temples de chaque communauté se dressent dans chaque quartier. Marcher dans les rues restait agréable. Le commerce local fonctionnait. Il y avait des acheteurs dans les magasins et des consommateurs dans les restaurants et les nombreuses pâtisseries. Dany se trouva enfin un short – il était temps car le vieux étant décousu, si ça continuait on verrait le trou de son… pantalon qui est décousu… ».

Ci dessous les quatre religions présentes sur Sri Lanka et une mariée resplendissante.

Dimanche 15 janvier 2017 – Chilaw – 62 km

 

Sur une route secondaire peu fréquentée nous redécouvrions le plaisir de rouler dans le silence, d’entendre les oiseaux, de sentir l’odeur de l’herbe coupée, de regarder les coquettes maisons entourées de fleurs, de s’arrêter prendre une photo de chauve-souris pendues dans l’arbre au-dessus de nos têtes, ou bien de l’une des nombreuses églises colorées très fréquentées en ce dimanche matin, de répondre aux « bonjour » et aux sourires des locaux. Je me sentais comme une rescapée, évadée de l’enfer qu’est devenue l’ile de Java où nous venons de passer plus d’un mois.

A 8 h du matin nous nous étions déjà arrêtés une fois pour acheter des brioches, une deuxième fois pour acheter un ananas – mais la marchande n’ayant pas de monnaie nous en prenions deux pour faire un compte rond – et une troisième fois pour un rôti canaï. Lerôti canaï est une sorte de crêpe confectionnée à partir d’une pâte solide que le cuistot étale à la main sur une plaque brûlante. Elle est habituellement servie en guise de petit déjeuner avec une sauce curry très relevée. Mais, selon l’habitude acquise au cours de nos séjours en Malaisie, nous la demandions avec du sucre, sans sauce. « Avec du sucre ? Ah non je n’en ai pas » - « Vous servez du thé ? Avec du sucre ? Eh bien mettez du sucre sur nos rôtis ». Ah ! Ça l’a bien fait rire le cuistot. Du sucre sur une crêpe ! Ils sont vraiment originaux ces Occidentaux ! Nous nous sommes régalés. Pour ce qui est du thé, il y a eu maldonne. Au lieu du thé au lait demandé – et nous espérions un thé indien très sucré et parfumé d’épices – arriva une simple tasse de lait.

 

Sur les derniers kilomètres avant Chilaw, la route, très abîmée,  longeait la mer, face au vent. L’océan creusait le rivage par en dessous, le rendant extrêmement dangereux. Nous nous arrêtions dans l’hôtel de la plage, un tantinet vieillot mais avec vue sur la mer. En fin d’après-midi les promeneurs affluèrent sur la plage pour prendre le frais et assister au coucher du soleil. Joli spectacle.

Lundi 16 janvier – Puttalam – 65 km

 

 

Nous quittions la route principale au bout de 20 km pour emprunter des routes secondaires, d’abord à travers des marais puis de belles cocoteraies. Routes en très bon état, même si sur quelques tronçons elles se transforment en pistes tout à fait roulantes.

Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, dans ce pays on sait s’occuper de ses vieux. On les emmène faire leurs courses, chez le docteur ou en balade avec les moyens de locomotion en usage.

Nous faisions une pause dans un village pour manger un petit pain sucré et boire un coca. Pas de coca. Le jeune boulanger me fait signe de le suivre et fonce chez son voisin boutiquier. « Eh l’ami !  Tu as du coca au frigo ? » Pas de coca. Il traverse la rue et fait irruption, moi toujours sur ses talons, dans une autre échoppe. « Eh my friend ! Tu as du coca au frigo ? » Non. Au troisième essai, il me propose du Red Bull ; « Ah non ! C’est du poison » - « Et le coca, ce n’est pas du poison ? » - « Si, mais j’aime ça ». Nous avions un petit public qui s’amusait bien. Finalement je lui lance « Laisse tomber, nous boirons de l’eau. C’est bon l’eau » et ce fut l’éclat de rire général.

En arrivant dans Puttalam nous croisions, dans une rue plutôt étroite, un couple d’Occidentaux de notre âge à vélo, sacoches Ortlieb, enfin tout l’attirail du voyageur. Nous leur lancions un grand bonjour et nous arrêtions, déjà la main tendue. Ils passèrent en nous faisant un petit signe de tête et nous restions comme des couillons, notre main tendue dans le vide. Le soir nous les retrouvions dans la salle de restaurant de l’hôtel où nous étions les seuls convives. Ils nous ignorèrent tout simplement. Pas la peine de demander de quelle nationalité ils sont ceux-là, c’est du H. tout craché.

 

Mardi 18 janvier 2017 – Anuradhapura – 80 km

 

Route facile, bien large et tranquille. Des panneaux   annonçaient des rencontres inquiétantes, mais il n’en fut rien.

Petit aparté pour Jocelyne et Michel qui doivent nous suivre dans quelques jours : au KM 29 on peut manger une crêpe à la noix de coco et pisser.

Nous trouvions à nous loger dans une maison d’hôtes très calme, dans une grande chambre avec un balcon vue sur un lac. Le soir les oiseaux regagnent leur perchoir dans un vacarme digne des étourneaux. Il fait une température très agréable, fraiche le soir et la nuit au point de dormir sous une ample moustiquaire, sans ventilateur, simplement la fenêtre ouverte. Notre hôte, à qui nous disions être venus ici en 1978 nous répondit : « J’avais 19 ans à l’époque et je peux vous dire qu’il y avait en tout et pour tout quatre guesthouses ». Le site de Booking.com propose 155 adresses dans la ville, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas d’autres.

 Nous vous raconterons les ruines d’Anuradhapura plus tard.


Article rédigé le 27 janvier à Dambulla

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous vous avions laissés la dernière fois à Anuradhapura, capitale de l’ile jusqu’au XIème siècle. L’intérêt de la visite du site historique est inversement proportionnel au droit d’entrée. En d’autres termes, pour 25 €, soit plus cher que le site d’Angkor, on a le droit de se promener une journée dans un parc parsemé de quelques bases de temples et quelques dagobas sans intérêt. Sans même avoir pu obtenir un plan au guichet, on tourne, on vire, on se perd car il n’y a aucun panneau d’indication, en espérant toujours découvrir quelque chose qui retienne l’attention. Bref il n’y a quasiment rien à voir et on se sent tout à fait pris pour un pigeon quand on sait que les locaux peuvent aller et venir gratuitement. 

Les trois seuls endroits qui soient vraiment intéressants sont accessibles sans ce fameux ticket d’entrée :

 

-         Le Bo-Tree, bouture de l’arbre sous lequel Bouddha reçut l’illumination, plantée au 3ème siècle. Ce n’est pas tant l’arbre lui-même qui retient que l’affluence et la dévotion des fidèles venus déposer des offrandes et prier ;

 - le petit temple Isurumuniya dans l’enceinte duquel un minuscule musée abrite quelques belles sculptures et notamment la fameuse stèle des Deux Amants. Interdiction de photographier ? Je dépliai mon petit tabouret, Dany s’asseyait sur le carrelage et nous sortions les carnets de croquis. On se serait cru à l’école des Beaux-Arts, le gardien passant de l’un à l’autre comme un prof pour surveiller l’avancement des travaux. Il a dû nous trouver très nuls parce-que,  au  final, il nous a permis de prendre une photo.

es rochers de Vessagiriya et leurs ermitages.

Nous avions prévu le dernier jour de faire l’aller-retour pour visiter le sanctuaire de Mihintale à seulement 17 km. C’était sans compter avec la pluie qui commença à tomber dès 7 h du matin. Après s’être fait rincer sur 14 km nous faisions demi-tour et passions la journée dans notre chambre.

 

Samedi 21 janvier 2017 – Mihintale – 17 km

Nous repartions pour Mihintale mais cette fois-ci avec les bagages, espérant y trouver un logement. Et nous trouvions en effet chez des particuliers qui n’avaient qu’une chambre à louer, tout confort, impeccable. Les ruines d’un hôpital du 3ème siècle ne sont pas impressionnantes. On verra cependant dans le petit musée archéologique que le principe des toilettes sèches était déjà connu et mis en application grâce à un système de jarres percées empilées, avec du sable dans le fond.

 

La colline rocheuse plantée dans une vaste plaine parsemée de nombreux étangs ou réservoirs, est assez belle pour que des dagobas y soient construites depuis les premiers  temps du bouddhisme. On les atteint – pieds nus et sans chapeau – par un grand escalier bordé de frangipaniers. Des travaux en cours nécessitant du sable, beaucoup de sable, les pèlerins sont priés d’en monter un sac en offrande. Le rocher culminant attire les pèlerins qui grimpent pour voir la vue. 

C’est une véritable frénésie de construction qui s’est emparée des différents clergés dans le monde entier, pour affirmer leur suprématie. Pour célébrer la paix retrouvée après la guerre civile qui a fait rage pendant plus de vingt ans – les derniers affrontements violents ne datent que de 2009 -  il a été décidé de construire neuf énormes dagobas. Nous en voyions une à Anuradhapura, les ouvriers faisant la chaîne pour se passer les briques.

La maison dans laquelle nous habitions pour un jour était juste à côté d’une école privée. Les classes étaient en fait des abris enclos de murets de parpaings. Pas besoin de ventilateurs, l’air passe, mais le soleil tape fort sur les toits de tôle. La végétation était abondante alentours et les singes bondissaient de branches en branches, se nourrissant des fruits des arbres – ils semblent affectionner les mangues tout autant que nous – et ne détestent pas non plus visiter les maisons. C’est pourquoi notre propriétaire nous avait recommandé de bien fermer la porte de la terrasse quand nous n’y étions pas et les fenêtres étaient protégées de grilles même au premier étage. Ils ne sont généralement pas loin non plus quand des fidèles font des offrandes de nourriture dans un lieu saint. Rien ne sera perdu.

Coupe d’offrandes préparée par deux fidèles

Il n’y a pas que les singes qui vivent en bandes. Les chiens sont innombrables, en petits groupes ou en véritables meutes, à errer de ci - de là, toujours aussi cons toutes races confondues. Autre bestiole beaucoup plus agréable : les paons sauvages qui se promènent dans les champs, traversent la route et qui poussent leurs cris « léonesques » même la nuit.

Dimanche 22 janvier 2007 – Maradankadawala – 74 km

Il pleuvait au petit matin et il fallut attendre 8 h pour partir, sous des nuées menaçantes. Notre hôte nous apprit qu’il avait très peu plu pendant la mousson et que tout le nord de Sri Lanka connaissait la sécheresse. Les lacs-réservoirs sont aux deux-tiers vides et l’eau est rationnée. La météo annonçait de la pluie pour toute la semaine à venir, ce qui est bon pour le pays mais pas très réjouissant pour nous.

Nous atteignions cependant Maradankadawala sans avoir été mouillés et prenions une chambre pas très propre chez l’habitant. Il était encore tôt et, après avoir avalé deux chaussons aux légumes dans une échoppe, nous partions voir le Bouddha d’Aukana situé à une vingtaine de kilomètres. La route étroite passait dans une campagne verdoyante parsemée de hameaux aux maisons colorées. En tant qu’étrangers, pour voir le Bouddha il faut débourser 7 €, et bien sûr se déchausser et enlever sa casquette. Et l’on se trouve devant ce colosse à l’air boudeur de 15 m de haut, taillé à même le rocher au 5ème siècle. Depuis 1 500 ans il bravait les intempéries sans subir aucun dommage et en 2 015 il fut mis sous tôle. Cela relève un peu de la grand-mère qui met des housses en plastique sur ses fauteuils Louis XV.

 


Mais merveille de la technique, avec PhotoFiltre on peut couper la tôle.

Sur le chemin du retour nous longions un grand lac artificiel (11 km2) creusé également au 5ème siècle et qui alimentait alors la ville d’Anuradhapura grâce à un canal long de 80 km. Belle promenade par des petites routes tranquilles se transformant parfois en pistes.

Lundi 23- mercredi 25 janvier 2017 – Polonnaruwa – 72 km

 

Il semblerait que la saison touristique soit tellement mauvaise que les hôteliers soient prêts à casser les prix. Une vieille femme nous a quasiment alpagués pour nous louer une de ses chambres à 1 500 Rp. Mais elle était tellement possessive que nous nous enfuyions. Nous voici dans une chambre neuve, impeccable, dans un hôtel qui semble bien récent, pour un prix dérisoire, petit-déjeuner compris. Ou bien ils ont vendu la peau de l’ours en construisant beaucoup trop d’hôtels ou bien les touristes boudent Sri Lanka, ce qui ne serait qu’une juste réponse aux prix pratiqués dans les sites à visiter. Nous n’irons pas à Sigiriya où il faut débourser 30 € par personne pour voir les ruines d’une forteresse. Les quelques touristes rencontrés sont unanimes : les tarifs pratiqués sont parmi les plus chers du monde pour visiter des sites d’un intérêt moyen.

 

Il se mit à pleuvoir des trombes d’eau dans l’après-midi au point que nous commandions notre repas à l’hôtel. C’est ainsi que nous goûtions le Kotu. En fait, en fin de journée, les cuisiniers rassemblent les restes - lentilles, pois chiches, pâtes, crêpes, légumes, omelettes ou oeufs durs, etc. – et hachent tout cela menu sur une plaque de tôle ce qui fait un sacré boucan et annonce à la population que c’est l’heure du kotu. Un peu bourratif et là encore une part pour deux suffit.

 

Après 36 heures sans interruption les fortes pluies cessèrent soudain à 7 h du matin mercredi. Sous un ciel très menaçant nous partions  visiter le parc historique de Polonnaruwa, capitale de l’île à la suite d’Anuradhapura, au XI et XIIème siècle. Il n’y avait là non plus pas grand monde et nous circulions à vélo dans les allées détrempées, entre des pelouses transformées en marécages. Un temple avec des restes de peintures très abîmés, un morceau de dagoba, des bases de bâtiments, des bassins, quelques pierres de lune -pierres de seuil sculptées-, deux grands bouddhas sans bras ni tête et surtout le très bel ensemble sculpté dans une roche ocre veinée de gris d’un bouddha assis, un debout et un troisième allongé. Superbe pièce. Mais que se passe-t-il ? La magie des vieilles pierres ne fonctionne pas. Nous restions là devant comme des touristes idiots qui admirent bêtement au lieu de laisser monter l’émotion. Qu’y-a-t-il dans l’environnement qui nous empêche de ressentir quoique ce soit ? Serait-ce la faute à ces horribles toits de tôle censés protéger les vestiges ? Avons-nous vu trop de merveilles ces dernières années et deviendrions nous difficiles à satisfaire ? En tout cas nous nous ennuyions un peu.

Jeudi 26 février 2017 – Dambulla – 70 km

 

Malgré une première ondée à 7 h du matin et un ciel très chargé nous prenions la route direction Giritale, la même route que celle qui nous avait amenés à Polonnaruwa, pendant 15 km. Puis nous bifurquions sur la gauche et longions un grand lac par une petite route en très bon état. A 9h30 nous avions parcouru 25 km et il était l’heure d’une pause crêpe à la noix de coco dans un village à une croisée de chemin. Comme d’habitude, ces sortes d’établissements dans lesquels on peut prendre une boisson ou manger un gâteau sont tout en profondeur, n’ouvrant sur la rue que par un étroit passage. Il y fait donc très sombre et on ne voit rien de ce qui se passe dehors. Je demandais les toilettes à la patronne qui m’emmena tout à fait au fond de la maison. Je traversais une réserve, j’aperçus sur le côté une pièce à vivre quasiment vide – deux femmes discutaient assises à même le sol de béton – et la cuisine dont l’ameublement consistait en un évier, un réfrigérateur, un plan de travail en béton sur lequel une femme confectionnait des friands et, dans une grande cheminée, deux espèces de woks énormes et pleins d’huile au-dessus d’un feu de bois. Les murs gris, le sol gris, ces chaudrons noirs dans cet âtre et la chiche clarté de cette journée très sombre qui tombait sur cette femme créaient une telle ambiance et un clair-obscur presque bleuté que je regrettais de ne pas avoir l’appareil photo. Mais aurais-je osé demander l’autorisation d’un cliché ?

 

Cette pause fut la bienvenue car, tout de suite après, la chaussée bitumée se réduisit de moitié, tellement défoncée que nous préférions rouler sur la banquette sableuse et slalomer entre les flaques. Les nombreux bus et autres véhicules qui fonçaient à grands coups de klaxon ne nous laissaient d’ailleurs bien souvent pas d’autre choix. En fin de matinée nous atteignions un autre village-carrefour. En guise de déjeuner nous mangions quelques chaussons fourrés de légumes alors que nos montures, délaissées, recevaient sans broncher un déluge pendant une heure.

Prêt à croquer, serviette-papier journal en main

 

Lassés d’attendre, la pluie redevenue un peu moins tropicale, nous revêtions les capes et poursuivions notre chemin. Il nous restait à parcours 25 km jusqu’à Dambulla. Aussi trempée sous la cape par la transpiration qu’à l’extérieur à cause de la pluie, je n’avais qu’une envie : prendre une douche, enfiler des vêtements secs et boire un café. Mais la guesthouse où nous nous arrêtions n’avait pas de chambre prête. « Attendez une demi-heure ». Nous en profitions pour aller jusqu’au centre-ville chercher des fruits et un gâteau. Et ce fut un plongeon dans une circulation et un vacarme à l’indienne qui nous acheva. Retour rapide à l’hôtel d’où nous ne ressortions plus, le jeune patron nous ayant préparé un délicieux rice and curryvégétarien.

Il plut encore toute la nuit, puis toute la journée suivante. Tout était trempé et, malgré le ventilateur savamment dirigé vers l’étendoir, rien ne séchait. Tout au contraire s’imprégnait d’humidité, les draps, les serviettes et tout ce que nous avions d’à peu près sec dans les sacoches.

 

Depuis que nous sommes à Sri Lanka nous vivons avec la « lettre à Elise » serinée comme une antienne par les marchands ambulants de beignets et gâteaux. Aussi, réveillés à 6h par la petite musique du marchand de beignets – Ludwig, couché ! -, nous étions de bonne heure dans l’enceinte du Golden Temple gardé par un immense et assez laid  bouddha doré de trente mètres de haut. 

Dans une masse rocheuse impressionnante des baumes furent aménagées en ermitages voici environ 2 000 ans. Armés de nos parapluies nous montions, pataugeant pieds nus dans les flaques,  jusqu’aux cinq grottes décorées de fresques et de bouddhas. Et dès la première ce fut le choc. Les murs et plafonds peints, les statues de bodhisattvas et de pèlerins, les traces noires de fumée des bâtons d’encens allumés, l’ambiance un peu feutrée rappelaient les chapelles orthodoxes grecques ou bulgares, Nous y étions seuls, dans le silence.

Une heure plus tard la magie s’effaçait derrière les groupes de touristes ruisselants de flotte et leurs guides parlant trop fort pour se faire entendre, les bandes de Chinois piaillants. Puis il y eut coupure d’électricité mais avec un téléphone on voit très bien dans le noir et les flashes des appareils photos fusèrent de toutes parts.

Il ne nous restait plus qu’à reprendre les parapluies pour affronter le déluge, récupérer nos sandales et continuer à patauger jusqu’au troquet du coin pour engouffrer des chaussons aux légumes et un mauvais thé en infusettes (dommage qu’ils ne servent pas de Lipton, ce serait meilleur) avant de rentrer dans notre chambre à la forte odeur d’humidité.


Article rédigé à Negombo le 5 Février 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Samedi 28 janvier 2017 – Matale – 50 km

 

Grand soleil, légère brise. En route ! Un petit temple de style khmer, sauvé des eaux par l’Unesco, nous fit faire un détour jusqu’à une presqu’ile ombragée et paisible. A Matale, le temps de chercher une chambre et faire quelques courses il se mit à pleuvoir et nous arrivions une fois de plus mouillés dans une maison bien paisible au bout d’une allée boueuse.

 

Dimanche 29 janvier – vendredi 3 février – Kandy – 28 km

 

Plus nous approchions de Kandy plus la circulation devenait dense et chaotique, les chauffeurs de bus et de tuk-tuk conduisant de façon tout à fait irresponsable.

 

Nous ne retrouvions pas tout d’abord, sur les bords du lac, la vieille maison coloniale dans laquelle nous avions séjourné en 1978, mais, par hasard, nous sonnions à la porte du Lake Bungalow. Une femme très droite et âgée nous fit entrer dans une demeure meublée de bois sombre, de tapis, de chaises cannelées et encombrée d’une foule de bibelots et de photos encadrées, parmi lesquelles je notais celle de Mère Theresa. A l’entrée de la maison trônait le portrait de Saï Baba (voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sathya_Sai_Baba), le réseau wifi s’appelait shianty- paix …Cette femme, très digne, parlait très lentement, en choisissant ses mots. Elle nous montra une chambre coquette donnant sur une varangue confortable. Un petit détail dans la douche : une énorme araignée. J’appelais l’homme d’entretien qui l’attrapa dans un pochon de plastique et la remit en liberté dans le jardin. Je me doutais bien qu’on ne tuait pas les animaux dans cette maison.  Je m’excusais de ne pas pouvoir payer tout de suite car il nous fallait aller à la banque. « L’argent est utile mais ce qui est important, c’est vous », formule toute faite qui me fait toujours doucement sourire.

Un salon central, où trônaient des défenses d’éléphant impressionnantes et un piano, s’ouvrait des deux côtés sur des jardins, les chambres s’organisant autour. L’air pouvait ainsi circuler à loisir et rafraîchir la température. D’un côté vivaient cinq grosses tortues, l’une d’entre elles âgée de 15 ans, de l’autre côté il y avait deux volières avec des mainates et des perroquets. Notre hôtesse nous dit avoir eu un éléphant qui mourut à l’âge de 67 ans. 

Notre chambre donnait sur la cour d’une école maternelle anglaise. Impossible de savoir en quelle langue piaillait tout ce petit monde. Cette école Montessori fut créée voici vingt-sept ans par la fille de notre propriétaire, avec sept élèves dans la véranda. Elle compte maintenant 500 élèves et cent professeurs répartis dans cinq établissements.

Un courriel nous informait que Jocelyne et Michel étaient eux aussi arrivés à Kandy à vélo. Malgré  le décalage horaire et une fin de grippe ils avaient pris cette route difficile qui monte de la côte jusque dans ces montagnes. Ils obtinrent une chambre dans l’annexe de notre maison, dans un petit jardin très au calme, si bien que nous prenions l’habitude, pendant les trois jours qu’ils passèrent avec nous, d’aller prendre le petit déjeuner et le thé de l’après-midi sur leur terrasse.
Nous prenions nos repères en ville et choisissions nos adresses. Dans un salon de thé que nous surnommions « chez Marilyne » à  cause de la décoration, nous déjeunions d’un excellent et copieuxrice and curry pour 1,50 € par personne. Et tant pis si le décor n’était pas très couleur local. Un restaurant indien nous servait desmassala dosa- grandes crêpes fourrées de pomme-de-terre au curry - beaucoup trop copieuses pour le dîner. Le supermarché vit nos visites répétées pour nous approvisionner en curd – fromage blanc un peu aigre – que nous pouvions conserver au réfrigérateur dans la cuisine de la maison.

En rentrant à pied le long du lac je pensais aux promenades nocturnes d’il y a quarante ans. Le trottoir était en terre battue et les locaux nous incitaient à marcher, de nuit, au milieu de la route à cause des cobras. Je ne sais où sont passés les cobras, mais vue cette circulation sauvage il n’est certes plus question de marcher sur la chaussée. Au vacarme des bus et autres véhicules s’ajoute le soir celui des milliers d’oiseaux qui vont nicher dans les arbres sur la rive. Dans la journée il y a toujours quelques varans, tortues, aigrettes, hérons et chauve-souris à observer sur les eaux de ce lac entouré de montagnes.

Nous partions à vélos tous les quatre, dans une circulation aussi dense qu’anarchique, visiter le jardin botanique. Un superbe parc où l’on oublie pour quelques heures le vacarme de la ville. 

Voulant rester sur notre souvenir d’autrefois, sans un touriste, nous ne retournions pas visiter le Temple de la Dent - qui abrite la relique sacrée d’une dent de Bouddha  de la taille de celle d’un buffle. Mais le quartier regroupe en fait plusieurs dieux puisque les petits temples hindous et bouddhistes se rassemblent dans une vaste enceinte auprès de l’église catholique.

Nous passions dans cet ensemble de chapelles dédiées à Ganesh, Vishnou et Bouddha, trois matinées très tranquilles à regarder les fidèles aller et venir, apporter des corbeilles de fruits et de fleurs en offrandes, lire leurs livres de prières à haute voix ou simplement s’asseoir au calme et se reposer. Des femmes tout de blanc vêtues amenaient leurs nourrissons pour l’équivalent peut-être de la Présentation au Temple ou du Baptême.

Le dernier soir notre hôtesse voulut nous offrir un repas. Aussi le couple d’intendants qui logeait sur place nous servit un superbe rice and curry dans la salle à manger. Nous avions cru repérer la maison dans laquelle nous avions logé en 1978. Cela nous fut confirmé. Le cottage situé juste en dessous de notre guesthouse actuelle, désormais un peu caché par la végétation, était bien autrefois une pension de famille tenue par un couple dont le mari était avocat. Le fils Pincho, de notre âge et avec qui nous avions sympathisé, vivait désormais en Allemagne. Le passé n’était pas inventé. Des témoins extérieurs à notre histoire pouvaient nous en parler. J’en avais un peu la chair de poule. Je regrettais de ne pas avoir mon journal de voyage de l’époque avec moi. Il est dans une malle, dans une grange, quelque part dans le Limousin.

Devant la table mise avec notre hôtesse et son intendant

 

Samedi 4  février 2017 – Narammala – 68 km

 

Le 4 février était le 69ème anniversaire de l’Indépendance de Sri Lanka et nous nous attendions à beaucoup de circulation. Il y avait des drapeaux partout mais nous étions plutôt tranquilles sur la route. Et c’est tant mieux car décidément la façon de conduire sri-lankaise est assez spéciale. Jocelyne nous racontait hier soir, lors d’une liaison vidéo, avoir frôlé l’accident. Un tuk-tuk qui voulait la doubler par la gauche, en empruntant la plate-bande, se renversa juste à sa hauteur. La passagère était contusionnée, le conducteur indemne mais le véhicule fichu. Notre amie l’avait échappée belle.

Nous nous arrêtions dans cette bourgade sans aucun intérêt, dans une guesthouse plutôt minable, juste pour couper en deux les 120 km qui séparent Kandy de Négombo.

 

Dimanche 5 février 2 017 – Negombo – 61 km

 

La boucle était bouclée. Nous revenions dans la maison du Docteur (voir notre 1er article sur Sri Lanka). Trois semaines seulement pour se balader sur cette île, c’était bien court.

La route fut bien tranquille, verdoyante, passant par des petites bourgades. Nous l’apprécions d’autant plus que nous roulions très pépères, Dany n’osant pas trop appuyer sur son pédalier très fatigué (le pédalier, pas Dany, quoique ...). Alors que nous nous apprêtions à entrer dans la cour de la guesthouse, un gars à vélo nous héla. C’était l’ami François, déjà rencontré à plusieurs reprises en Thailande les années précédentes, qui passait par là. Rencontres toujours surprenantes, sans rendez-vous pris, quelque part dans le monde. La famille des cyclos est décidément vaste et sympa.

Dans deux jours nous nous envolerons pour le Sud de la Thailande. Réservation est faite pour une quinzaine de jours d’un petit bungalow sur l’une de nos îles préférées, Ko Jum. Il ne s’y passera normalement pas grand-chose d’autre que du farniente, des bons petits plats, des siestes et de la baignade. Donc il n’est pas sûr que vous ayez des nouvelles, notre programme étant surchargé comme vous le voyez.

Vélos emballés prêts à partir vers l'aéroport...

Dommage qu'ils ne soient pas arrivés en même temps que nous en Thailande, ce qui nous causa bien des angoisses.

 

On peut voir nos croquis sur notre sitecroquisdelescampette.jimdo.com


Article rédigé le 27 février de Ko Jum (Thailande)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous arrivions le 8 février à Krabi (Thailande)

Et depuis le 11 nous sommes sur l’ile de Ko Jum. Et ma foi, « mieux serait intenable » (cette phrase n’est pas de moi mais elle est tout à fait appropriée aux circonstances). 

Joelle est venue nous retrouver

Puis est repartie

 

Retour prévu en France le 9 mars.

Le 8 mars nous quittions la Thaïlande, pas vraiment de gaieté de cœur, pour rentrer en France. C'était trop bien, ça aurait pu durer encore un peu. (voir page Sri Lanka et Thailande)

Le temps d'embrasser la famille et les amis et  les sacoches ne seront pas longues à refaire pour de nouveaux voyages dans un futur très proche.

 

Nos croquis sur Ko Jum peuvent être vus sur lescroquisdelescampette.jimdo.com