De plus en plus près du Popocatepetl qui, de ce fait, était de plus en plus haut et crachait de plus en plus fort. A ses pieds, des champs de canne à sucre.

La route, devenue large et très fréquentée maintenant que nous approchions de Puebla, passa devant un village en pleine foire annuelle « en l’honneur de Notre Seigneur Jésus Christ » bien évidemment. Sur un terrain vague se tenait une foire aux bestiaux, ce qui n’empêchait pas les pétards d’exploser bruyamment. Mais, dans ce pays, plus personne ne sursaute pour un pétard, même pas les vaches.

 

Atlixco nous parut coquette, avec sa place centrale fleurie et garnie de bancs couverts de carreaux de faïence. Nous trouvions une vaste chambre dans le patio d’un hôtel à la décoration soignée, beaux carrelages, robinetterie ancienne, quelques beaux objets en fer forgé ou terre cuite. 

Une rue d'Atlixco
Une rue d'Atlixco
une autre rue d'Atlixco
une autre rue d'Atlixco
Le jour du Carnaval, certains s'en mettent plein les yeux
Le jour du Carnaval, certains s'en mettent plein les yeux
Le couvent Santo Domingo d'Atlixco, croqué par Daniel
Le couvent Santo Domingo d'Atlixco, croqué par Daniel

Dans l’église majeure du bourg, des statues de christ souffrant-souffreteux-moribonds-saignants avec des cheveux longs qui lui tombent dans la figure. Jamais vu une religion aussi morbide.

La belle terrasse du kiosque centrale du zocalo pour y boire un café frappé et dessiner.

Café frappé sur le zocalo
Café frappé sur le zocalo

Samedi 13 février - Puebla

 

Il était déconseillé dans le guide du Routard d’arriver le weekend à Puebla sans avoir réservé une chambre. Nous programmions donc un arrêt à Cholula, à 10 km de cette grosse ville d’1,5 million d’habitants. La circulation fut dense et rapide, bruyante, sur une route pas toujours très large. Ca grimpait un peu et nous avions le vent dans le nez. Bref, pas agréable pendant 20 km. Puis nous tournions à gauche, vers les volcans, vers Cholula. L’église San Francisco d’Acatepec nous arrêta net, toute recouverte de carreaux de faïence, les fameux Azulejos ou Talavera. A l’intérieur, quelle surprise ! Le plafond et le chœur sont recouverts de têtes d’anges –parfois un peu bougons – enrubannés de dorures.

Intérieur de l'église San Francisco d'Acatepec
Intérieur de l'église San Francisco d'Acatepec
Intérieur de l'église San Francisco d'Acatepec (détail)
Intérieur de l'église San Francisco d'Acatepec (détail)

L’église Santa Maria de Tonantzintla était tout près. (Tonantzin était la déesse de la fertilité avant l’arrivée des Espagnols). Et là, c’est une exubérance d’angelots coiffés de plumes -sexués d’ailleurs !-, d’évêques, de saints, une multitude de personnages emmêlés dans les dorures, les fleurs et les fruits tropicaux colorés. Cette décoration, réalisée au  17ème siècle par les indigènes, est une merveille et les tristes figures de la Passion, rajoutées par devant, semblent complètement déplacées.

Intérieur de l'église de Tonanzintla
Intérieur de l'église de Tonanzintla

Pas le droit de photographier, aussi ci-dessus une carte postale et ci dessous deux dessins d'un ange indien (voir les plumes)

Nous arrivions enfin dans le centre de Cholula dominé par son énorme pyramide enfouie sous une butte de terre et surmontée d’une église. Le bourg semblait assez joli mais vraiment très animé. C’était la fête ! Et tous les hôtels étaient complets. La visite de Cholula fut dont remise à plus tard. Il ne nous restait plus qu’à poursuivre jusqu’à Puebla, dans les embouteillages.

Je fis une entrée triomphale à Puebla. A un feu tricolore, une voiture me heurta par l’arrière. Doucement certes puisque le trafic redémarrait en première, mais suffisamment pour me faire tomber. Je me relevais aussitôt. Pas de mal. Juste une éraflure au coude. Mais la roue arrière du vélo était complètement voilée. Heureusement cela se passait sous le nez d’un flic qui fit garer la voiture en cause et commença par piquer les papiers du conducteur. Gilberto, j’apprendrais son nom par la suite, était un brave gars en fait, désolé, s’excusant et, peut-être sous la pression du flic, il proposa de payer la réparation du vélo. Laissant Dany avec les bagages sur le parvis d’un centre commercial, je montais dans sa voiture épave, mon biclou dépassant du coffre attaché par une corde. Le contact se faisait à l’aide de deux fils dénudés, la portière du passager n’ouvrait pas plus que la fenêtre et on étouffait là-dedans. Quant à l’état de la carrosserie … J’étais donc partie avec un mec que je ne connaissais pas, pour une destination inconnue, laissant Dany quelque part devant un centre commercial dont je ne savais ni le nom ni l’adresse. Je me rassurais en pensant que mon chauffeur devait revenir de toute façon récupérer ses papiers. Chauffard devrais-je dire et je compris vite pourquoi il m’avait fichue par terre. Malgré les embouteillages, nous grillions plusieurs feux orange, brûlions un rouge et rations une mobylette de peu.  Après une heure de conduite toute en à-coups dans des rues complètement défoncées qui me faisait craindre de perdre ce qui dépassait du coffre, à savoir la roue avant le guidon de mon cher vélo, nous nous arrêtions enfin devant un atelier de réparation de vélos. Le patron diagnostiqua d’abord un changement de roue et annonça le prix : 300 P (18 €). Gilberto blêmit. Il proposa alors de dévoiler la roue pour 150 P (8,50 €). J’étais à moitié satisfaite. Serait-ce suffisant ? Il était 16 h passée. Le vélo serait prêt dans la soirée. OK. J’avisais un hôtel tout près et fonçais demander une chambre. « Complet. Si vous n’avez pas réservé vous ne trouverez pas ce soir samedi dans Puebla ». Gilberto décida alors de faire, à pied, le tour des hôtels du quartier. Trois hôtels, également complets. J’avais soif (rien bu depuis midi), j’étais claquée et je pensais à Daniel qui devait s’inquiéter. Enfin nous trouvions une chambre à 300 m du vélociste, dans un hôtel où l’on pouvait aussi louer à l’heure. Et nous prenions la route du retour. En route Gilberto avait eu le temps de me demander mon nom et mon âge. Quand il connut ma soixantaine passée, il se confondit encore une fois en excuses, s’inquiéta de savoir si je ne souffrais pas de mon coude, me proposa de l’aspirine, etc. Zut ! Il avait renversé une vieille ! Il me donna même son numéro de portable au cas où. Je retrouvais enfin Daniel lui donnais l’adresse de l’hôtel qu’il entrait dans le GPS, saluais Gilberto – brave garçon qui devrait cependant se calmer au volant – et prenait un taxi avec mes sacoches. Rendez-vous à l’hôtel Los Angeles. Bizarrement, malgré la circulation, nous y arrivions exactement en même temps, .
Diné chez le Chinois du coin et au lit de bonne heure.

 

Le dimanche, bon pied bon œil, nous entamions la visite du centre historique de Puebla, classé par l’Unesco ( ?) Eglises, musées, riches demeures aux façades décorées d’azulejos… Mais je commence franchement à avoir une overdose de bondieuseries, de crucifiés sanglants, de statues morbides. Pas un pas dans la rue sans passer devant une vitrine de babioles religieuses, pas une boutique, pas un fronton sans qu’apparaissent un signe, un mot, un Jésus, une Benedition, un Christos, ou autre rappel. 

Effigie géante du Christ devant les manèges d'enfants, Puebla
Effigie géante du Christ devant les manèges d'enfants, Puebla

En arrivant sur le zocalo ou place centrale ce fut l’apothéose. Monté sur un podium, un prêcheur en costume cravate hurlait, vociférait dans un micro pour au moins un millier de fidèles tous habillés de blanc, les femmes un châle sur les cheveux, à genoux sur le bitume ou brandissant des drapeaux. « La Luz del Mondo ». Une lumière qui faisait bien trop de tapage à mon goût. Cette secte Pentecôtiste est née au Mexique dans les années 20 et compte, rien qu'au Mexique, un million et demi de fidèles.

 

Dans les autres quartiers du centre, l’ambiance était plus plaisante. Des groupes de musiciens jouaient sur des placettes ou dans des patios devant de petits auditoires qui parfois se mettaient à danser. Les gens se promenaient en mangeant des glaces. Un dimanche sympa. 

Rue piétonne dans Puebla le dimanche
Rue piétonne dans Puebla le dimanche
Musique dans la rue le dimanche dans Puebla
Musique dans la rue le dimanche dans Puebla
Une rue de Puebla et la cathédrale
Une rue de Puebla et la cathédrale

Le marchand de chapeaux de Cuernavaca
Le marchand de chapeaux de Cuernavaca

Article rédigé le 1er mars 2016 à Mexico

 

Jeudi 18 février 2016 – Cuernavaca (en bus)

 

 

La route contourna le Popocatépetl que nous ne perdions presque pas de vue, dans un paysage uniformément ocre-gris. Trois heures plus tard nous débarquions en gare routière de Cuernavaca, à six kilomètres du centre-ville. Mais c’est était fini des villes plates quadrillées de rues rectilignes ! Cuernavaca est construite sur des collines, avec des rues presque aussi pentues qu’à Valparaiso et une circulation infernale. Au niveau du zocalo l’embouteillage était indescriptible et nous décidions de poursuivre à pied. Était-ce vraiment moins dangereux ? Un bus coinça ma roue arrière entre le trottoir et sa carlingue et le vélo se retrouva par terre, sacoches arrachées. Encore ?! J’étais furieuse ! Là encore plus de peur que de mal mais cela commençait à bien faire ! De vrais abrutis depuis que nous avions quitté la région d ‘Oaxaca, depuis que nous rapprochions de Mexico. 

Cuernavaca est une ville étouffante, très populeuse et nous trouvions une chambre très basique dans un hôtel bruyant. Si je m’étais demandé en arrivant ce que pouvait bien vouloir dire les panneaux « Service urgent – 150 P » à l’entrée des hôtels  de notre rue, l’allure des quelques grosses qui poireautaient sur le trottoir me renseigna vite.

Dès le lendemain matin, avant même l’heure d’ouverture, nous étions devant le magasin Big Bike situé sur un grand boulevard, à cinq kilomètres du centre-ville. Le petit gars responsable de l’atelier s’occupa tout de suite de nous. Roue dévoilée, câbles de dérailleurs graissés, vitesses réglées, freins changés. Il y passa une heure et nous payions à son patron 135 P dont 50 (soit 2,50 €) de main d’œuvre. Il faut qu’il en fasse des heures pour gagner correctement sa vie… Toute contente, je rajoutai 50 P de pourboire.

 

Le palais de Cortès construit en 1530 est aujourd’hui musée de la ville. Le clou de la visite est la superbe fresque murale de Diego Rivera qui nous retint un bon moment.

Nous prenions notre poste d’observation préféré de la terrasse du Burger King. Et j’essayais de croquer les silhouettes des  grosses qui défilaient sous nos yeux, leurs énormes culs et cuisses moulés dans des caleçons taille basse et leurs seins et bourrelets débordants de t-shirts trop courts. Mais décidément, toutes celles que je dessinais étaient plus minces que la vérité. J’aurais dû prendre des cours chez Botero

Et puis après avoir assisté à des rites chrétiens, nous fûmes témoins d’un rite crétin de nouveaux riches. Une grosse bagnole genre Mustang avec un mec à lunettes de soleil et casquette à l’envers au volant. Une passagère grosse et très maquillée qu’il embrasse tout en buvant sa bière au goulot. Beurrk ! Il paye pour que les mariachis (ou musiciens) sur le trottoir lui fassent l’aubade, pour lui, pour eux deux, et la voiture. A aucun moment ils ne sortiront de la bagnole. Le petit serveur fait des allers-retours pour leur apporter bières, chips, etc. « Ah mon amour ! C’est le plus beau jour de ma vie ! » Cela se passait devant chez Burger King, cadre pour le moins idyllique.

L'aubade
L'aubade

Dimanche 21 février au mardi 1er mars 2016 – Mexico

 

 

Nous avions réservé une chambre chez Francisco et Betsy. Nous n’étions pas chez n’importe qui. Il y avait des livres d’art et dans la bibliothèque des auteurs que nous avions lus. Devant un Umberto Ecco nous nous désolions ensemble de sa mort récente. Betsy est conservatrice à la bibliothèque du musée d’anthropologie de la ville et Francisco écrivain. Ils ne pourront pas nous loger pendant tout notre séjour et nous déménagions ensuite dans un hôtel du centre-ville.
Après avoir fait leur connaissance, nous partions à pied dans cette mégapole, la plus grosse du monde – 30 millions d’habitants, 6 000 au km2 -. En fait nous n’allions pas beaucoup sortir du centre pendant ces dix jours. Le dimanche, une partie du centre-ville est réservée aux cyclistes et aux piétons.

Le zocalo nous déçut complètement. La plus grande place du monde, avec 200 m de côté n’est qu’une immense esplanade vide. Au fond la cathédrale qui, à droite, penche à droite, et, à gauche, penche à gauche

Tout le centre-ville de cette mégapole construite sur une lagune penche et oscille en fait, si bien que, au cours de la promenade on a parfois l’impression d’avoir un vertige à la vue d’un clocher ou d’un mur qui semble vouloir vous tomber dessus.

Une église du centre de Mexico affaissée de 3 mètres au dessous du niveau de la rue
Une église du centre de Mexico affaissée de 3 mètres au dessous du niveau de la rue

A L’est du Zocalo les rues deviennent très populaires et populeuses. Chacun s’époumone pour vendre sa camelote, y compris les pharmaciens qui font des rabais sur les médicaments. Vu  -20 % sur l’insuline. Pas de problème, amis Mexicains, buvez,  buvez du coca et manger des sucreries. Le samedi l’animation est à son comble et nous prenions un sacré bain de foule. Impossible de décrire avec des mots cette cacophonie de perruches en folie. Jamais, au cours de nos voyages, nous n’avions entendu autant de cris de vendeurs mêlés. Mais à 20 h, c’est fini. Plus personne dans les rues. Le centre-ville s’endort jusqu’au lendemain 11 h. Seuls les clochers qui penchent veillent pour ne pas tomber.

Dans le parc de Chapultepec, des hommes acrobates font les « voladores ». Ils s’attachent par la taille à une corde au sommet d’un très haut poteau et redescendent au sol en tournant, la tête  en bas. Cette performance impressionnante avait un caractère rituel autrefois chez les Indiens.

Les Voladores
Les Voladores

Nous courions de musées en expos pendant une bonne semaine et nous mettons ci-dessous quelques-uns de nos coups de cœur. Et tout d’abord bien sûr les immenses peintures murales de Diego Rivera

Passé six heures à déambuler dans le musée d’anthropologie qui expose, dans un bâtiment digne d’un hall de gare glacial plein de courants d’air, une très riche collection. Mais impossible de s’arrêter devant une pièce, les concepteurs n’ayant pas jugé utile d’y mettre un seul siège. Nous en ressortions fourbus et avec un bon rhume. 

Visite de la maison de Frida Kahlo, dans le quartier résidentiel de Coyoacan. La maison, toute peinte en bleu à l’extérieur, devait être bien agréable à vivre avec son grand jardin ponctué de sculptures préhispaniques. Cependant on n’entre pas vraiment dans l’intimité de l’artiste, excepté peut-être dans son atelier, et y manquent quelques reproductions de ses fameux autoportraits.

Les deux Frida, par Frida Kahlo
Les deux Frida, par Frida Kahlo

D’autres artistes découverts au cours de nos pérégrinations.

Nous retrouvions à Mexico nos amis Georges et Bernadette qui, ravis après un séjour de six semaines dans le centre et le nord du Mexique, revenaient dans la capitale prendre leur avion pour la France. Bonheur de ces rendez-vous au bout du monde. Nous parlions bien sûr de ce voyage ci, mais aussi des futurs.

Retrouvailles devant la cathédrale de Mexico
Retrouvailles devant la cathédrale de Mexico

« Tu sais, moi je n’aime pas tellement le vélo » Bobet à Anquetil en 1957
« Tu sais, moi je n’aime pas tellement le vélo » Bobet à Anquetil en 1957

Article rédigé le 19 mars 2016 à Guanajuato

 

 

Après dix jours en pleine ville nous étions contents de quitter Mexico. Il nous fallait cependant rejoindre le Terminal de bus situé à six kilomètres de l’hôtel. Surprise désagréable en sortant de l’hôtel : il pleuvait. Les pavés gras et noirs des rues n’en étaient que plus glissants. Circulation dense, grandes voies à traverser… Pas sympa. Ce qui est vraiment agréable en revanche c’est que toutes les compagnies de bus acceptent les vélos dans leurs cales gratuitement. Et nous étions particulièrement contents de ne pas avoir à sortir à vélo de cette mégapole prolongée de banlieues qui n’en finissent pas.

Nous quittions Mexico dans l’idée de visiter quelques–unes des villes coloniales du centre du pays, classées par l’Unesco.

 

 

Il faisait un froid de canard humide à Tepozotlan. Nous y étions venus pour son couvent, véritable dédale de couloirs et de salles transformé en musée. L’église St François Xavier à l’intérieur du couvent est croûtée d’or et d’angelots. Du style churrigueresque. 

Tepozotlan, intérieur de l'église Saint François Xavier
Tepozotlan, intérieur de l'église Saint François Xavier

Le trafic routier étant vraiment trop intense, nous renoncions encore à prendre la route à vélo. Les camions et bus déboulaient sur la six voies, doublant n’importe comment, coupant les files sans prévenir… Bref, de la folie. Nous reprenions donc place dans un bus pour atteindreQueretaro, Cette fois encore nous apprécions le GPS pour rejoindre le centre-ville de la gare routière excentrée.

 

Les hôtels étaient plutôt chers mais nous trouvions  une chambre aux meubles décorés de motifs ciselés et peints, donnant sur un patio tranquille jaune et bleu et aux belles grilles de fer forgé. Des maisons basses et colorées s’alignent le long des rues tirées au cordeau et aboutissent presque toujours à une église et une place ombragée. Les maisons du centre sont assez chics, ainsi que les boutiques et les nombreux hôtels quatre et cinq étoiles. En revanche beaucoup de mendiants sur les trottoirs. Nous faisions le tour des églises, plus élégantes à l’extérieur qu’à l’intérieur, et des couvents transformés en musées. Je continuais à régurgiter les peintures grandiloquentes avec personnages levant les yeux au ciel et les Christ chevelus et ensanglantés. Vu dans l’un de ces « temples » un tirage immense en couleurs d’un accouchement en très gros plan, placenta et sang bien visible ?! De grandes affiches sur la place contigüe nous apprirent qu’il s’agissait d’une propagande anti avortement. Un groupe de femmes priaient pour la cause. Femme enceinte se dit en Espagnol : « Mujer embarazada ». Pas sûr qu’après l’accouchement elle soit débarrassée… Dans les rues pas une femme qui n’ait des gosses accrochés à ses basques, pas une jeune qui n’ait un bébé dans les bras. Jamais vu autant de mômes.

Ras le bol des bus. Nous reprenions les vélos et, pour éviter la route importante n° 57 vers San Miguel de Allende, choisissions une route secondaire (sur la carte !) parCelaya, deux fois plus longue.
Erreur grossière ! Ladite route secondaire est une six voies au trafic intense et rapide. On se croit sur une autoroute sauf que cela n’en est pas une. Les passages sans bande latérale nous mettaient particulièrement mal à l’aise. Un œil au niveau du bitume, car cela a beau être une highway il y a des trous énormes dans la chaussée, et l’autre dans le rétroviseur pour voir arriver les bus et les camions, nous ne voyions rien du paysage. Arrivés en fin d’étape la tête farcie de bruit et affamés. Cette fois encore le Chinois du coin nous sauva des tacos et des quesadillas farcis de rogatons de viande.

 

Nostalgie des petites routes du Lot et du printemps en France. Et puis d’un cabicou avec miel et cerneau de noix…

Arrivée sur San Miguel de Allende
Arrivée sur San Miguel de Allende

Mardi 8  – samedi 12 mars 2016 – San Miguel de Allende – 53 km

 

Quoique fort fréquentée la route fut moins pénible que la veille. Mais ne pas avoir pédalé depuis Puebla, c’est-à-dire depuis deux semaines, nous avait fait perdre notre forme. La moindre côte nous essoufflait. Heureusement, et contrairement à notre habitude, nous avions réservé notre chambre car, si San Miguel de Allende (1800 m d’altitude) ne manque pas d’hôtels ils ne sont certes pas dans nos prix. Nous avions donc une chambre minuscule sans salle d’eau pour trois nuits, puis il nous fallait déménager. Nous trouvions pour les deux jours suivants une chambre chez l’habitant.

 

La ville est classée par l’UNESCO et si parfois les raisons du classement ne sautent pas aux yeux, à San Miguel on ne se pose pas la question. C’est beau. Les rues pavées, au grand désespoir du cyclo chargé, montent et descendent au gré des vallonnements et sont bordées de beaux bâtiments aux façades ocres et rouges. Les clochers et coupoles qui en émergent sont élégants. De nombreuses places proposent des bancs aux dessinateurs affamés de croquis que nous sommes. Dommage que nous soyons tombés en pleine perturbation météo avec orages, vents et fortes pluies. Une surprise nous attendait à San Miguel : des Américains en grand nombre, du troisième âge pour la plupart, qui jargonnent plus ou moins l’Espagnol. Leurs sveltes silhouettes se repèrent facilement parmi les rondeurs mexicaines. Deuxième surprise : les Mexicains d’ici parlent Anglais ! 

Deux Américains au Mexique, vus par Frédérique
Deux Américains au Mexique, vus par Frédérique

l se mit à tomber des cordes dans l’après-midi du mercredi et ce fut une véritable tempête pendant douze heures d’affilée. Le lendemain matin la température avait terriblement chuté et, alors que nous prenions notre petit déjeuné dans le garage glacé aménagé en salle à manger de l’hôtel, je vis le fils du patron courir vers la rue pour voir – la neige ! Mince alors ! Il ne manquait plus que cela ! La giboulée ne dura guère et se transforma vite en pluie. Bientôt un vent glacial chassait les nuages et, couverts de tout ce que nous avions trouvé dans le fond des sacoches, nous sortions pour tenter de faire tout de même quelques croquis.

Histoire de changer un peu du restaurant chinois nous entrions dans un patio, attirés par une annonce de buffet à 50 Pesos. Il était déjà presque 14h. Pourtant le patron du restaurant nous prévint que ce n’était pas encore l’heure de déjeuner mais toujours du petit-déjeuner. OK pour un « petit déj » pourvu qu’il soit copieux. Au menu, à volonté : des œufs brouillés, des spaghettis très légèrement tomatés, des brocolis pas cuits, des courgettes à l’eau, des lentilles et des haricots rouges simplement sortis de leur boite.

Puis il nous fallut déménager. La maison de Javier était un peu à l’écart du centre-ville mais la chambre était spacieuse et claire, avec une salle d’eau privée. Nous étions royalement installés, échappions enfin à la sono de l’hôtel branchée du matin au soir et trouvions de quoi dîner sur le pouce à l’épicerie d’en face. Tout cela pour moins cher qu’un lit en dortoir. 

Promenade dans le jardin botanique en haut d’une colline dominant la ville. Vue sur le paysage alentours. Ce pays est tellement sec qu’il en est gris. Toutefois une belle collection de cactées et le plaisir de marcher sur des sentiers tracés, dans le silence. 

En fait nous commençons à saturer de trafic routier, de villes, de foule, de bruit. Cinq mois au Mexique, c’est au moins un de trop. Et s’il n’y avait des impératifs de dates de visas et de vols de retour non modifiables, nous irions un peu plus tôt vers les USA.

 

Pour rallier Guanajuato nous décidions de ne pas prendre la route directe qui nous aurait obligés à parcourir 90 km d’une traite, mais de passer par Dolores Hidalgo pour y faire étape.

 

Un petit détour par Atotonilco pour admirer les fresques de son église. Là  le prêtre Michel Hidalgo, héros de la lutte pour l’Indépendance, avait enlevé la bannière de la Vierge de la Guadalupe pour en faire son étendard. C’était en 1810 et l’Indépendance du Mexique ne devait être signée qu’en 1821. Il n’en faut pas plus pour que le bon peuple mexicain  vienne se recueillir à Atotonilco et nous y arrivions en pleine foire commerciale où était exposée pléthore de bondieuseries.

Plafond de l'église de Atotonilco
Plafond de l'église de Atotonilco

Dolores Hidalgo quelle foule encore en ce dimanche après-midi, sur la place centrale, dans les snacks, dans les supermarchés… Toutes les petites familles avec des ribambelles de gamins venaient faire leurs courses. A la différence près que personne n’était en  short, on se serait cru un premier weekend d’août à Argeles – enfin j’imagine car je ne m’y suis jamais trouvée et n’en ai aucune envie, Dolores Hidalgo me suffit-. Que de bruit ! Notre « pollo-patates frites-coca » avalé à 2 h de l’après-midi, nous faisions trois courses pour notre dîner –la sempiternelle soupe instantanée ! – et rentrions dans notre hôtel bien calme.

 

Pour atteindre Guanajuato à 61 km (altitude 2 100 m) il nous fallut passer un col à 2600 m. Les pourcentages n’étaient pas très élevés, mais je n’avais rien dans les jambes et j’en bavais dès le départ. Nous faisions de nombreuses et courtes pauses, déjeunions de céréales pain et bananes à plus d’1 h de l’après-midi presque en haut du col alors que les pentes se couvraient de petits chênes et autres feuillus. Le bosquet dans lequel nous nous arrêtions aurait pu être agréable s’il n’avait été jonché de détritus comme le moindre dégagement du bord des routes. Témoins du passage des précédents pique-niqueurs ; barquettes de polystyrène, couverts en plastique, pots de yaourts, canettes et, bien sûr, tessons de bouteilles.

La photo de la maison sur la colline dans laquelle nous avions retenu notre chambre m’avait fait imaginer un quartier résidentiel. Que nenni ! Les trottoirs étaient dans le même état que notre coin pique-nique précédemment décrit. Nous constaterons bientôt qu’il en est de même dans toute la ville. Difficile de s’asseoir sur l’un des nombreux bancs publics sans avoir les pieds dans les détritus secs ou gras et merdes de chiens.
Nous fûmes gentiment accueillis et aidés à monter nos bagages dans notre chambre. Mais en entrant dans la maison l’odeur de pisse de chat me prit à la gorge. Heureusement elle n’était pas entrée dans la chambre. La salle à manger décorée d’une Cène au point de croix, de crucifix, visages de Christ sous verre, chiens en faïence sur un buffet vieillot me firent douter d’être chez un couple de jeunes étudiants. Il y avait une terrasse mais inutilisable et poussiéreuse, réservée à deux caniches dont les pisses constellaient le carrelage. J’en refermais vivement la porte. Toutes les fenêtres étaient fermées d’ailleurs alors qu’il faisait si bon dehors. Enfin s’il avait été précisé qu’il y avait rien moins que six chiens, dont les trois plus gros coincés dans un escalier heureusement fermé par une grille, nous n’aurions pas réservé dans cette maison. Mais nous y étions pour six nuits.

 

 

La ville coloniale de Guanajuato nous a beaucoup moins plu que les deux précédentes visitées, Querétaro et San Miguel de Allende (vraiment superbe celle-là). Elle a beau être bâtie sur un gruyère (reliquat des anciennes mines d’argent) et faire grimper ses cubes de couleurs après les collines, on a vite fait le tour du centre historique. C’est une cité très populaire et populeuse. Deux jours auraient suffi pour se perdre dans les « callejones » ou ruelles reliant des placettes ombragées.

On ne sait trop pourquoi Guanajuato s’est proclamée la ville de Don Quichotte dont les statues ponctuent les places et carrefours et la figure orne les bus. Nous prenions un grand plaisir à la visite du Musée Don Quichotte. 

Le vendredi précédent la semaine sainte est le jour de  Dolores, patronne des mineurs et plus spécialement de Guanajuato. Nous arrivions en centre-ville vers 10 h et, contrairement aux jours précédents, il y avait déjà foule. Tout le monde sortait des églises et s’agglutinait autour des stands de nourriture spontanément sortis de terre. Histoire de participer nous achetions deux chaussons fourrés. Raté. Ils étaient fourrés de nopal et je ne cours pas après. Il y avait aussi des files d’attente devant des autels fleuris avec l’effigie de la Sainte. C’est qu’on y distribuait gratuitement des minuscules godets de glace.  Tout autour du marché les stands de fleurs s’étaient installés et chacun repartait avec des bouquets naturels ou artificiels. La rue principale était envahie de plus d’une centaine de stands d’œufs en plastique contenant… du chocolat ? … même pas – des confettis ! Il y avait aussi des poupées, des gadgets tout juste bons à être mis à la poubelle sitôt reçus en cadeau.
Vers midi la foule devint si dense que nous allions déjeuner chez le Chinois (mais comment nous serions-nous nourris au Mexique s’il n’y avait pas eu de Chinois ?) et remontions sur notre colline. Nous trouvions à la maison notre jeune hôtesse travaillant sur son ordinateur dans la pénombre, toutes portes et fenêtres fermées. Après avoir demandé l’autorisation de nous installer dans le salon – à condition de trouver deux chaises propres non constellées de poils de chat – j’ouvrais d’autorité une fenêtre pour changer l’air confiné de cette belle maison bientôt transformée en taudis.

Aujourd’hui samedi précédent les Rameaux, des petits étals à même le sol proposaient des croix en palmes tressées.

 

Nous allons bientôt poursuivre vers Guadalajara, notre dernière ville coloniale classée, une partie à vélo, le reste en bus. Nous avions dans l’idée de passer par la montagne en trois ou quatre étapes, mais des cyclistes interrogés nous ont vivement conseillé de prendre le bus, la route étant trop étroite et encombrée de camions, bref trop dangereuse.

 

A Guadalajara nous attendrons que les vacances de Pâques finissent et que les bords de mer deviennent à nouveau abordables pour poursuivre vers le Pacifique, la Basse Californie.

fresque d'Orosco à Guadalaraja
fresque d'Orosco à Guadalaraja

Article rédigé le 3 avril à Loreto (Basse Californie)

 

Guadalajara

Autant le dire tout de suite, cette ville « classée par l’UNESCO » elle aussi et dans laquelle nous avions pensé rester une petite semaine – attendant que les Mexicains en vacances quittent le bord de mer - , cette ville donc, nous l’avons tout de suite détestée. Sale, bruyante, grouillante, avec des rues glauques... Même la visite de l’Institut Culturel Cabanas établi dans un ancien hospice nous ennuya au point de se décrocher la mâchoire. Je n’aimais pas la fresque monumentale d’Orozco. Les expositions de peinture me donnèrent tout simplement envie de ne jamais reprendre les pinceaux si c’est pour ajouter des barbouillages à ceux déjà étalés sur les murs.
J’avais mangé un plat trop lourd chez un mauvais Chinois, avais l’estomac chargé et très soif et ne pensais qu’à rentrer digérer dans notre chambre. Mais, bien que propre, confortable et spacieuse pour un prix très très raisonnable, ladite chambre donnait sur un grand boulevard très passager et nous avions l’impression de camper au bord d’une autoroute. Ici pas de double vitrage. Nous demandions à changer de chambre, mais la seule disponible était à louer à l’heure…

Non loin de notre hôtel il y avait un autre Chinois, ou plutôt une Chinoise dont j’ai envie de parler. Une femme ronde et généreuse, au large sourire et de la gaieté dans les yeux qui s’est donné le rôle de « nourricière ». Nous étions allés manger chez elle une première fois et avions assisté à une scène intéressante. Un homme âgé, peut-être pas SDF mais visiblement très pauvre, se présenta à la porte, tendit un billet de 20P (1 €) et s’assit sur le seuil sans entrer dans la salle de restaurant. Elle encaissa l’argent et garnit une assiette en polystyrène de nourriture variée, de quoi tenir deux jours, qu’elle emballa dans un film plastique et lui tendit. Il en avait plus que nous qui payions le prix affiché. Mais peu importe. J’appréciais son geste. Elle ne faisait pas la charité, le vieux n’était pas humilié.

Nous retiendrons autre chose de Guadalajara : des prêtres en soutanes qui recrutaient le chaland en distribuant dans la rue des prospectus comme les rabatteurs de restaurants. En cette Semaine Sainte, sur le grand paseo, il y avait des stands de pacotilles et de sucreries, des joueurs de guitare et des mendiants, des promeneurs qui suçaient leur glace ou buvaient leur cannette, et puis sous un barnum blanc une croix et des chaises et des fidèles qui venaient toucher l’une et s’asseoir sur les autres pour prier. Aux alentours donc lesdits prêtres  incitaient le chaland à « se réconcilier avec le Seigneur ». Des paravents de carton servaient de confessionnaux dans la rue. Ça ressemblait un peu aux stands de vaccination vus les jours précédents. Dans les églises  de la ville les files d’attente s’étiraient pour confesse.

confessionnaux dans la rue
confessionnaux dans la rue

Le crâne fatigué de bruit et de foule nous allions dans une agence de voyage acheter un billet de bus pour le lendemain soir, direction Los Mochis sur la côte Pacifique, à 900 km de là, puis rentrions nous brancher sur Internet pour y réserver une chambre d’hôte.

 

 

Jeudi 24 –samedi 26 mars  2016– Los Mochis (900 km en bus)

 

Le chauffeur du bus a conduit 13 heures d’affilée sans une vraie pause Et il lui en restait encore deux ou trois pour atteindre son terminus. Partis à 19 h mercredi, direction N.O. nous débarquions à Los Mochis à 8 h du matin, dans un paysage plat cultivé de maïs. Nous avions perdu 2 000 m d’altitude en une nuit. Première impression : les rues étaient larges, les maisons basses, la circulation très calme. Nous avions enfin échappé à ces villes étouffantes dans lesquelles nous étions depuis plusieurs semaines.

Sentiment de fin du voyage au Mexique, la Basse Californie qui nous attendait étant une entité à part.

Nous avions réservé chez Luis Henrique. Il est tout jeune, gai, attentionné, et rêve de voyages. Sa grande maison n’est ni jolie ni très confortable mais l’accueil rattrape le reste. Il parle Anglais et la conversation s’engagea à bâtons rompus autour d’un café puis d’une omelette qu’il prépara pour nous trois.
N’ayant pas dormi de la nuit nous passions une partie de l’après-midi à faire la sieste et étudier le guide sur la Basse Californie.

Nous avions changé de fuseau horaire mais ne  comprenions qu’au bout de deux jours qu’il fallait reculer nos montres d’une heure.

 

Luis Henrique est vraiment un garçon charmant. Il nous emmena dans un village à une vingtaine de kilomètres, au pied d’une chaine de montagnes, voir une fête traditionnelle de Pâques, mélange d’après lui de religion précolombienne et chrétienne. En fait il s’agissait d’une kermesse avec moult stands de tacos et de pacotilles, un peu à la mode bretonne. Et, en ce Vendredi Saint, tandis que dans les églises le silence absolu et la prière étaient de mise, à San Miguel c’était plutôt la fête du printemps. Certains s’étaient déguisés et mimaient des danses indiennes en agitant les coquillages accrochés à leurs guêtres et la foule baguenaudait.  

Une cérémonie devait avoir lieu à l’église. Luis Henrique se renseigna et apprit qu’elle était retardée de deux heures. Il nous invita donc à le suivre jusqu’à « une très jolie rivière, la plus grosse du Mexique du Nord-Ouest » (sic) qui coulait en contrebas du village Nous y arrivions par des ruelles de terre battue, poussiéreuses et défoncées et – Luis Henrique fut désolé de nous avoir conduits jusque-là. Les Mexicains étaient venus nombreux avec leurs grosses bagnoles passer la journée, pique-niquer et se baigner. C’était « Dimanche à la Grande Jatte » version mexicaine, c’est-à-dire « dimanche à la grande poubelle ». Cela me rappelait l’ambiance des weekends en Argentine. Notre ami nous dit « J’ai honte. Cela pourrait être tellement beau ici ». J’en profitai pour lui demander si dans les petites écoles une éducation était faite à ce sujet. « Non, répondit-il, même les instituteurs n’ont pas pris conscience du problème des ordures». La berge était cependant plantée de beaux arbres et du sommet d’une petite colline la vue découvrait les immenses cultures de maïs irriguées grâce à cette unique rivière. Après un coup d’œil au coucher de soleil nous ne retournions pas vers la foire, d’accord tous les quatre pour rentrer. Il faisait nuit. Il y avait un monde fou sur l’autoroute.

avec Luis Henrique et Yolanda
avec Luis Henrique et Yolanda

Cette petite balade nous avait permis d’échanger des idées avec notre hôte. Il travaillait dans l’environnement et la tâche paraissait immense. Il n’avait jamais voyagé à l’étranger et je me rendais compte que mes propos sur la France, qui n’ont pourtant pas l’habitude d’être par trop dithyrambiques (sauf au sujet du Lot, mais ça vous le savez), devaient lui donner l’image d’un paradis. Je parlais de sentiers randonnées bien balisés et propres, d’un grand choix de petites routes pour se promener dans la campagne à bicyclette… Et puis je me retins de peur de paraître chauvine ou prétentieuse. Pour l’anecdote il nous demanda si la pomme de terre était bien originaire de France. Nous le détrompions bien évidemment en précisant que la pomme de terre était originaire d’Amérique Latine, du Pérou plus exactement. Il en tomba des nues.

Puis le dimanche après-midi nous chargions les vélos et prenions la direction de Topolobampo, embarcadère pour la Basse Californie. Nous avions vraiment l’impression de quitter le Mexique alors qu’il nous restait encore un mois dans ce pays. Mais prendre le bateau, c’est toujours partir loin, quitter une terre connue pour l’inconnu.

Il y avait du monde dans la salle d’attente où nous passions six heures. Nous tentions de nous isoler dans la lecture au milieu de ce brouhaha percé de cris d’enfants. Vu une femme remplir le biberon de son gamin, de pas plus d’un an, de coca cola. Le midi déjà j’avais vu une mère faire boire du coca au goulot à son bambin assis dans sa chaise haute. Le gamin n’avait pas l’air d’en vouloir d’ailleurs mais elle lui tenait la tête et le forçait à avaler : « bois mon chéri, c’est bon pour toi ». Plus tard il lui dira « merci maman pour mon cancer du foie ».

Lundi 28 – mercredi 29 mars 2016 – La Paz

 

Le ferry appareilla vers 1 h du matin, avec deux heures de retard. Nous avions trouvé un coin de couloir bien tranquille pour dérouler nos matelas et nous installer le plus confortablement possible. Je dormis et rêvais que nous allions débarquer sur une île grecque. Au petit matin l’illusion pouvait être parfaite d’ailleurs à la vue de ces collines désertiques et rosées tombant dans la mer. Des dauphins jouaient devant l’étrave, des frégates nous survolaient et des pélicans gris pêchaient. Nous allions commencer un nouveau voyage.

en vue de La Paz
en vue de La Paz

Nous avions complètement changé de contexte. Nous étions « au pays du bord de la mer », mondialement pareil avec ses hôtels et cabanes à louer, sa promenade avec des statues de pêcheurs et de sirènes, ses restaurants de poissons… Une petite ville balnéaire en fin de saison, bien tranquille. Le soir, à 19 h, alors que nous marchions vers le centre-ville pour aller dîner, les rues étaient déjà désertes. Fini le grouillement et la foule des villes du centre Mexique.

Jeudi 31 mars 2016 – Insurgentes (200 km en bus + 25)

 

Avertis par les cyclos qui étaient venus en sens inverse que la route était étroite et ennuyeuse, nous prenions un bus (encore !) jusqu’à  Ciudad Constitution, ville se trouvant à 200 km de route rectiligne, sans bas-côté, très utilisée par les bus et les camions à travers un désert de caillasse et de cactus. De plus le vent soufflait en rafales. Puis  nous enfourchions les vélos, direction Insurgentes, vent du Nord en pleine face. D’un côté de la route, c’était toujours le désert, de l’autre des plantations et même des vergers d’agrumes. Il y avait là un joli petit motel. En voyant l’alignement des chambres donnant sur une pelouse, avec tables et bancs de jardin, j’eus un doute quant à notre pouvoir d’achat. 300 P ! 16 € ! C’était à peine croyable ! Je crois bien que nous n’avions jamais eu aussi spacieux et confortable. Dommage que le vent fut si frais, nous aurions pu dîner dehors. Je me fis répéter le prix et payais vite de peur qu’il ne change. Juste à côté de l’hôtel, un mini market ouvert 24h/24. « Perfecto ».

Vendredi 1er avril 2016 – Ligui Beach – 88 km

 

 

Vraiment étonnée de ne pas être plus fatiguée que cela. Pour une remise en route cela faisait une longue étape, avec 70 km de montée, douce certes, mais montée tout de même. Et nous traversions un désert d’une aridité impressionnante avant de plonger abruptement sur la Mer de Cortes. La route n’était pas bien large mais il y avait peu de circulation. Un motard ralentit à notre hauteur pour nous donner une bouteille d’eau. Nous en avions suffisamment mais ne jamais refuser de l’eau dans le désert.

Nous nous dirigions vers la première plage indiquée où nous étions accueillis par le Robinson du jour.

dur dur un vélo de 45 kg dans le sable ...

 

Il campait derrière un buisson et voyageait lui aussi à bicyclette. A ma question « Where you from ? » j’étais sûre, vu son teint et sa tignasse, qu’il allait me répondre «  du Japon » ou « de Corée ». Eh bien non. Cudo est un Canadien de Toronto. Ah ma pauv’dame ! Autrefois on savait à quoi s’en tenir ! Les Jaunes vivaient à l’Est, les Noirs au Sud et les Indiens à plumes à l’Ouest. Mais à notre époque on ne sait plus où les gens vivent… En tous cas notre jeune Canadien jaune était bien sympa et nous dit qu’il y avait de la place pour deux tentes à l’abri du vent derrière son buisson. Campement adopté. Nous montions la tente qui n’avait pas été déballée depuis le mois d’octobre, nous installions comme des pachas et passions le reste d’après-midi à écouter la mer et regarder les mouettes, huitriers, vautours, frégates et pélicans jouer avec le vent et pêcher. Au menu du soir : purée instantanée, thon en boite, bananes. Super !

 

Pendant le petit-déjeuner un geyser à l’horizon, entre deux ilots rocheux, nous indiquait la présence d’une baleine.

Samedi 2 – lundi 4 avril – Loreto – 43 km

Peu avant Loreto. Le vent ne se prend pas en photo quand il n'y a pas d'arbre
Peu avant Loreto. Le vent ne se prend pas en photo quand il n'y a pas d'arbre

Nous ne nous pressions pas. Nous n’avions qu’une quarantaine de kilomètres à faite le long de la côte. Une broutille ! C’était sans compter avec le vent fou qui nous fit barrage. Nous atteignions Loreto fourbus, mal aux genoux, aux fesses, aux mains, aux épaules, partout à force de tension. Pas envie de camper avec un vent pareil. Nous trouvions une chambre confortable avec tables et chaises dans un jardin foutoir mais à l’abri du vent. Le patron faisait un prix si nous restions trois nuits. Marché conclu. On reste.


Article rédigé à San Felipe, le 24 Avril 2016

 

Nous nous régalions à Loreto au spectacle des plongeons des pélicans.

Mardi 5 avril 2016 – Playa Requeson – 94 km

 

En vue de cette longue étape nous étions prêts à partir à 6 h du matin, sans avoir réfléchi qu’avec le passage à l’heure d’été qui avait eu lieu la veille, le jour ne se lèverait pas avant 7 h. Moi qui déteste me lever de bonne heure je n’appréciais la plaisanterie qu’à moitié.

 

Grande traversée d’un plateau désertique avant de redescendre vers la mer. 

Croisé :

-        un petit fourgon immatriculé en Grèce. Nous faisions de grands signes bonjour aux passagers qui nous répondirent. Je me voyais déjà sur les Cyclades…

-        un cyclo français bavard comme une pie qui nous résuma sur le bord de la route ses quarante années de vie de routard. Il nous dit également sortir d’un petit restaurant situé à deux kilomètres et nous décidions  de nous y arrêter. Il était 14 h et nous mourions de faim.  Nous nous laissions tenter par un filet de poisson frit. Pas de quoi monter un dossier pour l’Unesco, car saviez-vous que la cuisine mexicaine est classée patrimoine mondial par l’Unesco ? On se demande ce qu’ils mangent les gars, en Unesco.

 

Mais heureusement, il y avait du Catsup

-        en sortant du restaurant, 300 m plus loin, nouvel arrêt pour bavarder avec une cyclo voyageuse brésilienne toute jeune et jolie qui descendait toute seule du Canada. Elle nous donna quelques informations sur ce que nous allions trouver plus haut. Elle avait faim et nous lui indiquions le restau. La doudou, plus habituée aux camionneurs, a dû être bien étonnée de faire manger 4 cyclos en une heure de temps.

Enfin se présenta une plage avec quelques paillottes en contrebas de la route. Ce serait notre étape pour la nuit. Depuis le matin le ciel était couvert. Il n’y avait pas un poil de vent et la mer était un vrai miroir. Avec ces teintes de gris métallique on se serait cru dans un pays nordique, exception faite bien sûr de la température. Autour de nous pélicans, goélands et une espèce d’avocettes. Un petit camping-car habité par un couple de Français vint se poser pas loin de nous dans la soirée.

Mercredi 6-7 avril 2016 – Mulege – 44 km

 

Nous bavardions trop longtemps avec nos voisins de plage et ne prenions la route qu’à 10 h passées. Une route très vallonnée et casse-pattes qui passait de plages en sommets de collines. Ces voyageurs avec leur fourgon confortable ne m’avaient pas fait de bien au moral. Dans une espèce de petit village de vacances nous faisions une pause casse-croûte au bord de l’eau. Il y avait là des petites maisons proprettes et fleuries, avec des terrasses aménagées, quelques bateaux de plaisance. Un homme qui bricolait sur sa barque vint nous saluer. Il était de l’état de Washington, près de la frontière canadienne et restait là avec sa femme d’octobre à juin. L’été il remontait se mettre au frais. Nombreux sont les Canadiens et Américains qui viennent ainsi passer l’hiver en Basse Californie.

 

Le village de Mulege n’arrivait jamais. Ces montagnes russes n’en finissaient pas. Nous aurions pu camper sur une autre plage mais, fourbus, nous espérions tous deux, sans pourtant en avoir parlé, trouver un hôtel pour nous reposer. A L’Hôtel la Terrasse la chambre était à 400 P. « Ah ! Mais vous êtes à bicyclette ! Alors, c’est 350 ». La chambre était grande mais surtout donnait sur une terrasse avec tables et chaises et un comptoir où nous pourrions allumer notre réchaud. 

Vendredi 8 avril 2016 – Santa Rosalia – 66 km

 

Plus nous approchions de Santa Rosalia plus semblait avoir été rejeté dans le désert ce qui encombre en ville : vieux canapés, bouts de pneus, casses de voitures, une prison, un centre de rééducation, etc. La route devint de plus en plus défoncée et étroite, pleine de trous énormes, et la circulation plus dense. Santa Rosalia est un bourg construit là au début du XXe pour héberger les travailleurs des mines de cuivre et de cobalt de la Cie Boleo. Cela donne quelque chose d’atypique au Mexique, avec des maisons de bois colorées, des balcons, des varangues. Beaucoup de bâtiments sont plutôt déglingués, et ceux des anciennes mines carrément en ruines. Mais le bourg vit toujours grâce à la réouverture d’une mine en 2013 qui généra près de 4 000 emplois. Il  y a la boutique de la mine Boleo, la boulangerie Boleo, le centre social Boleo… Et puis il y a la boutique du Chinois dans laquelle nous fut servi un plat trop volumineux malgré notre faim de loup. Dans une sorte de salle des fêtes sont exposées quelques photos des années 1900 montrant des trois mâts amarrés dans le grand bassin du port aujourd’hui à l’abandon. L’église, toute en tôle, aurait été conçue par Eiffel pour l’exposition universelle de 1889 et serait arrivée ici en pièces détachées prêtes à monter, en 1895.

Samedi 9 avril 2016 – Los 3 Virgines – 36 km

 

Départ comme d’habitude au lever du jour

Nous avions été prévenus par les cyclos précédemment rencontrés : une sacrée côte nous attendait après Santa Rosalia. Du 12 – 14 %. 

là, on voit peut-être mieux que c’est raide, non ?

 

 

Pas trop de vent, pas trop de camions… Nous en venions à bout et nous retrouvions sur un vaste plateau planté d’un gros volcan et ses deux petits frères. Andréa, la jeune brésilienne, nous avait dit avoir campé dans le parc des 3 Virgines. Il fallait s’adresser au restaurant. Au km33 nous trouvions l’embranchement comme prévu. Il n’était que 11H. Allions-nous nous arrêter si tôt ? Dany semblait en avoir envie. Nous prenions donc l’allée bitumée qui filait tout droit vers le Nord sur 2 km, poussions nos bécanes sur un sentier sableux et pentu pour arriver devant un bâtiment en bois – le restaurant sans doute ?– au milieu de nulle part. Un pick-up était stationné là, toutes portes ouvertes, radio hurlante. En contrebas une poignée de bungalows, tout autour le désert moucheté de plantes grasses et au fond, la chaine de volcans dans les tons de rose, rouge sombre et gris vert. Superbe. On pouvait planter la tente pour 150 P ou louer un bungalow pour 350. A ce prix-là, nous prenions. Trois jeunes gars bricolaient. Deux grosses de 20 ans, censées faire le ménage et la cuisine, jouaient avec leurs téléphones. L’une d’entre elle envoya l’autre préparer la case, ce qui fut fait en cinq minutes puisque cela consistait à apporter un rouleau de papier toilette. Je réclamai deux serviettes et qu’au moins soit vidée la corbeille des WC, ce qui fit rebouger péniblement l’une des deux grosses. Pas d’électricité – un plomb avait dû sauter…-, un filet d’eau froide à la douche malgré la pancarte « Agua caliente », pas de draps de dessus, mais une terrasse, deux fauteuils et le regard qui pouvait errer au loin : le grand luxe surtout que la radio se tût bientôt et les jeunes s’enfermèrent tous dans la salle du restaurant … pour jouer avec leurs téléphones. Nous ne bougions pas. Bourdonnement des insectes, gazouillis de touts petits oiseaux rouges, bruit du vent sur le désert…

Dans la soirée le vent tourna et ce furent des rafales brutales du SO qui secouèrent notre case toute la nuit. Au matin, il n’y avait plus de volcan. De lourds nuages noirs couraient à très basse altitude

Dimanche 10 – lundi 11 avril 2016 – San Ignacio – 50 km

 

 

Nous hésitions à partir. Le vent était vraiment violent. Mais nous n’avions que 35 km à parcourir – qui finalement en firent 50. Vamos ! La pluie nous attrapa en chemin. Une bonne grosse averse qui noya tout le paysage. La halle d’un hameau de dix maisons nous offrit un abri alors que la pluie redoublait. Un gamin de 7 ou 8 ans buvait son soda et nous regardait avec un petit sourire amusé. Il est vrai qu’avec nos capes noires trempées et nos sur-chaussures nous avions une allure pas ordinaire. Il n’arrêtait pas de parler, de parler, et nous chopions dans son discours quelques mots : pluie, voiture, San Ignacio … Ca ne lui paraissait pas sérieux de faire du vélo par ce temps. A nous non plus d’ailleurs. Ce n’était vraiment pas prévu au programme « Basse Californie ». Le vent et la chaleur, nous les avions redoutés, mais certes pas la pluie. Il ne tombe pas plus de 100 mm d’eau par an dans cette région et il fallait qu’il pleuve le jour où nous passions !  L’averse passée nous reprenions notre route, face au vent, espérant toujours San Ignacio qui n’arrivait jamais. Une file de maisons cubiques en béton s’étira tristement dans la poussière et je crus être arrivée… Quelle drôle de chose de vivre ici ! Mais c’était encore plus loin, et tant mieux finalement. Il fallut quitter la route principale et prendre à droite, vers une palmeraie, traverser un rio large comme un étang – et la vue de toute cette eau douce entourée de verdure était tellement reposante. Des crapauds y faisaient un vacarme ressemblant à des meuglements de bovins. Et puis nous débouchions sur une petite place ombragée de gros arbres, avec une belle église et une terrasse de café-restaurant.

C’est de San Ignacio que l’on part pour aller voir les baleines qui viennent hiverner dans cette région du pacifique. Nous visitions trois agences qui nous annoncèrent toutes le même prix – 50 $ par personne la balade en bateau + autant pour le transport jusqu’à la côte, ce qui nous sembla prohibitif. 60 km ce n’est pas la mer à boire – en fait cela en fera 70 dont 17 km de piste. Nous décidions d’y aller à vélo et de camper sur place.

 

Mardi 12 – mercredi 13 avril 2016 – Lagune de San Ignacio – 70 km

 

Debout avant le lever du jour et rangement de nos affaires à la lumière électrique pour démarrer de bonne heure. Quand il faut tout ranger et démonter la tente, en plus du petit déjeuner, pratiquement deux heures nous sont nécessaires pour être prêts à enfourcher. Quand nous couchons à l’hôtel nous pouvons partir dès l’aube plus facilement.

 

Route facile dans un paysage d’une aridité extrême constitué de caillasses volcaniques. Par endroit même les cactées ne poussaient plus. 

Au km 50 le bitume prit soudainement fin et ce fut de la piste, sable et tôle ondulée. Au bout de 10 km nous atteignions la mer. Il y avait là quelques cabanes à louer, une salle de restaurant et un panneau « Watching whales ». Mais la saison se terminait et les propriétaires étaient en train de fermer. Il fallait aller, nous dirent-ils, jusqu’au lieu d’Antonio, 7 km plus loin. Et ce fut reparti dans le sable et la tôle mais entre-temps le vent s’était levé.

 

Mais où il va comme ça ? Y a rien par là !

 

J'vais voir les baleines !

 Il nous faudra en tout trois heures pour parcourir les 17 km de piste. Nous passions devant un groupe de baraques et vieux camping-cars avec toujours le même désordre alentours et arrivions enfin chez Antonio à 15 h passées.

Nous plantions la tente derrière une salle de restaurant pour tenter de se protéger du vent devenu complètement fou. Puis j’avisai un homme jeune et sympathique qui parlait parfaitement Anglais. Il nous donna l’autorisation de diner et nous reposer dans la salle, nous fournit en eau purifiée et nous invita à rester aussi longtemps que nous le désirions. Rendez-vous le lendemain à 9 h pour aller voir les baleines, à condition que le vent se soit calmé.

 

Le vent, tantôt du Sud tantôt du Nord, s’est déchainé toute la nuit pour ne s’apaiser que vers 11 h le lendemain matin. Il fallut vingt minutes à notre barque pour sortir du chenal et très vite nous les avons vues. Il y  avait au moins une dizaine de grosses baleines, chacune accompagnée de son petit. Ca soufflait devant, à droite, des dos sortaient à gauche, et puis là tout près, passaient sous le bateau. 

950 baleines grises ont été recensées l’hiver dernier dans le coin, venues d’Alaska et de la Mer de Béring pour se reproduire. Des bêtes de 16 m de long, 40 à 50 tonnes pour les plus grosses. La plupart étaient déjà reparties mais celles qui ont eu leurs petits le plus tardivement étaient encore là pour quelques jours, voire quelques semaines. Les petits, qui ingurgitent quotidiennement 50 litres d’un lait maternel épais comme du yaourt, seront prêts à faire le voyage. La saison d’observation des baleines devait se terminer le 20 avril. Nous avions donc de la chance.

 

Jamais je n’aurais pensé un jour caresser une baleine. Quand je raconterais ça le dimanche à la table familiale, on m’enlèvera mon verre c’est sûr. « Tata Fred boit trop ».

J’ai trouvé cette vidéo sur Internet. C’est exactement ce que nous avons vécu ce mercredi 13 avril. Pour la voir, cliquer ci dessous

http://www.maxisciences.com/baleine-grise/une-incroyable-rencontre-avec-une-baleine-grise-et-son-petit_art34230.html

De retour au campement il était trop tard pour reprendre la route. Et puis nous avions un coup de barre. Le soleil, le vent et l’excitation du vécu. Nous déjeunions d’une soupe de nouilles, regardions nos photos, faisions un peu de courrier par Internet et restions un bon moment sur le mirador à rêver en regardant la mer.

Puis le vent du Nord se remit à souffler.

 

Jeudi 14-vendredi 15 avril 2016 – Retour à San Ignacio – 67 km

 

Nous arrivions vers 17 h claqués au village et, au lieu de retourner au camping pourtant sympa, nous offrions une chambre, avec deux fauteuils sur une terrasse à l’ombre. Partis plus tard que d’habitude nous avions pris le soleil et le vent toute la journée et ne rêvions que d’un coca bien frais – et tant pis si c’est de la cochonnerie.

 

Samedi 16 avril 2016 – Viscaïno – 76 km

76 km de désert. Vu un bâtiment au km 30 avec une pancarte « Restaurant », au milieu de nulle part. Il était 9h30. Nous faisions une pause-café accompagnée detamales (viande de bœuf et purée de maïs cuits dans une feuille de maïs). Nous roulions bon train. La route étant facile, quand soudain, à 11 h exactement, le vent se déclencha, comme si quelqu’un avait actionné une vanne. Nous l’avions de face évidemment.

Nous savions un hôtel au km75. En fait c’était un vrai bourg qui s’étirait le long de la route. Une halte à camions avec 6 hôtels, des mini-market, une boite de nuit, des gargotes. Déjeuné d’un demi-poulet - frites et d’un coca avant de nous chercher une chambre à l’écart de la route principale. En cette fin de semaine, les voitures aux pots d’échappement trafiqués et musiques hurlantes tournèrent dans le patelin toute la nuit.

 

Dimanche 17 avril 2016 – Guerrero Negro – 79 km

 

Encore et toujours du désert. Peut-être encore plus aride que la veille. Nous rencontrions sur la route un jeune français très sympathique qui roulait lui aussi vers le Nord . Mais, c’est sûr, on n’a pas le même rythme à 20 ans qu’à 60. Nous le retrouverons à Guerrero Negro où nous n’aspirions qu’à une bonne sieste alors que lui allait continuer encore un peu pour faire au moins ses 120 km quotidiens.

Guerrero Negro est une ville toute en longueur qui s’étire sur au moins 3 km. Le sable et les salines viennent lécher le mur des maisons et envahirent la rue. Nous pensions y rester deux jours, mais la ville nous parut bien trop ennuyeuse pour s’y attarder.

 

Depuis nous avons encore bien avancé mais pas eu le temps de trier les photos et mettre le texte à jour. Ce sera pour ces jours prochains...

 

Place centrale de Villa Jesus Maria
Place centrale de Villa Jesus Maria

Article rédigé le lundi 25 avril, à San Felipe

 

Lundi 18 avril 2016 - Villa Jésus Maria – 40 km

 

Un patelin improbable planté au milieu de rien, dans le sable. Un bâtiment en béton avec trois portes et trois fenêtres. Nous en concluions que c’était l’hôtel annoncé. Après quelques recherches nous trouvions le patron à la taqueria (endroit où l’on mange des tacots) sur le parking du poste essence.


Mardi 19 avril – Cruce Punta Prieta – 98 km

 

En arrivant au lieu dit Rosarito, pause quesadilla à la viande séchée et coca. Les serveuses étaient tout juste aimables. Encore deux que nous dérangions alors qu’elles jouaient avec leur téléphone. Car il s’agit bien du jouet des adultes, de leur nounours même. Pas un qui ne l’ait à la main et quand on entre dans une boutique ou un restaurant, on voit bien qu’on dérange. Si bien que même les Mexicains qui auraient eu tendance à être aimables sont désormais à peine polis. Et s’il n’y avait que les Mexicains…

 

Nous atteignions Punta Prieto en début d’après-midi, complètement desséchés par le vent et la chaleur. Nous commencions par vider une bouteille d’un litre et demi d’eau fraiche puis mangions nos céréales assis sur une dalle de ciment, à l’ombre. Il y avait dans le supermarché une client grosse !, mais grosse comme je n’en avais jamais vu. Au jugé, dans les 200 kg. En short très court. C’était monstrueux. (Pas osé faire la photo). Jeune, la trentaine, et assez jolie de visage. C’est sûr, elle ne se ridera pas en vieillissant. Elle nous confirma qu’on pouvait camper à l’embranchement de la route de Bahia de los Angeles et qu’il y avait un restaurant. Elle y habitait. C’était 13 km plus loin. A Cruce de Punto Prieta un panneau « caravane » indiquait un campement à moiité abandonné, à moitié décharge publique. On nous héla de la buvette de l’autre côté de la route. Le propriétaire allait venir. Nous choisissions un emplacement à l’ombre d’une paillotte cassée, le moins encombré d’épines de cactus et de bouts de verre. Il y avait des toilettes. Le vieux était plutôt sympa et nous donna un galon d’eau potable. Au restaurant nous retrouvions notre affable monstresse et une autre fille un peu moins obèse mais moins souriante. Nous fut servie une soupe grasse qui eut du mal à passer. Bizarrement, après cette journée difficile avec presque rien dans le ventre nous n’avions pas faim. Mais soif, seulement soif. Il était 19 h quand nous nous écroulions sur nos matelas. Les grosses, elles, se maquillaient et se préparait à un boulot qui n’avait rien à voir avec la cuisine. 

 

 

 

 

 

.

 

 

 

 

Mercredi 20 avril – Coco’s corner. 77 km

 

Au km 55 nous atteignions Chapala, le carrefour de la route n°1 et celle de San Felipe. Depuis le matin nous n’avions vu aucune présence humaine, si l’on excepte les flics et la dépanneuse autour d’une voiture qui venait de se payer un rocher quelques instants auparavant, sortie de la route en pleine ligne droite.

 

Nous pensions trouver un hameau avec un mini market à Chapala mais il n’y avait qu’une gargote pompeusement appelée « restaurant » où nous mangions une omelette. Il était midi, il faisait très chaud. Nous avions lu qu’il était possible de camper près du restaurant, mais outre que le lieu n’était pas idyllique, la cantinière était si peu aimable que ça ôtait l’envie de lui demander quoique ce soit. Nous la laissions donc, elle aussi, en compagnie de son téléphone et continuions notre chemin, plein Est, vers la Mer de Cortes. Et c’est bien d’un chemin qu’il s’agissait, ou plutôt d’une piste complètement défoncée par les camions et autres engins qui travaillaient à la construction d’une route neuve parallèle. En comparaison la piste empruntée voici quelques jours pour aller voir les baleines, c’était du nougat. Et nous battions notre record de lenteur sur piste : 4 h pour parcourir 20 km.

Un pick up venant en contresens s’arrêta à notre hauteur. Le conducteur nous demanda pourquoi nous allions vers le Nord alors que tous les autres cyclistes descendaient vers le Sud. « You are the wrong way ». Je ne voyais pas en quoi la piste était moins caillouteuse dans l’autre sens. Il allait déjeuner à Chapala et reviendrait ensuite par le même chemin. Il pourrait alors nous emmener jusqu’à « Campo gaz »( ?). il y avait tout là bas, un bel endroit pour camper, un vrai supermarché… Je me voyais déjà le cul dans une bagnole mais heureusement que nous continuions tout de même à pédaler car nous ne devions jamais revoir passer la voiture. Un Américain nous donna de l’eau. Sympa. Les Mexicains vous font des signes bonjour, vous klaxonnent, mais ça ne va jamais plus loin.

 

Nous arrivions enfin au Coco’s Corner, lieu bien connu des cyclovoyageurs puisque Coco, handicapé de près de 80 ans, tient buvette en plein désert et propose des vieilles caravanes comme gite gratuit pour la nuit. La décoration de son lieu est complètement déjanté et d’un goût douteux. Coco n’était pas là et les caravanes en plein soleil étaient de vrais fours. Cependant le couple qui nous reçut à sa place nous proposa de camper gratuitement. Ils n’avaient pas d’eau à vendre mais en faisant attention nous devions pouvoir atteindre l’étape suivante du lendemain. A noter que ce coin risque de disparaître à courte échéance, la route neuve passant bien à l’écart.

Coco's corner
Coco's corner

Alfonsina Gonzaga – 41 km

 

 

Il restait encore 15 km de piste, soit 2h30 à peiner. Le décor avait complètement changé. C’était toujours le désert mais nous étions entourés de gros rochers roses. Tout en choisissant à chaque coup de pédales où poser ma roue, quel caillou éviter, mon esprit s’évada vers Perros guirec. Et alors, un terrible doute me perturba. Sur quelle plage mémée avait-elle appris à conduire ? Perros Guirec ou Pen Trez ? Ca devait se passer dans les années 1920. Même qu’il fallait faire attention aux vaches affalées sur la plage. Mince alors ! On me l’avait pourtant souvent raconter ! Perros Guirec ou Pen Trez ? Et c’est ainsi que parfois, lors de longues heures de pédalage, des questions existentielles, fondamentales, vous tarabustent. Si quelqu’un de la famille a la réponse, qu’il m’écrive car je suis complètement perturbée.

Et c’est ainsi que nous avons retrouvé le bitume, Ouf !, et bientôt la mer. Encore 20 km et il y eut un supermarché à gauche, une station essence à droite et une piste qui partait vers la plage. C’était peut-être ça « Campo Gaz » … Nous louions, pour le prix d’une chambre d’hôtel confortable, l’ombre d’une paillotte. Pas de douche, pas d’électricité, un trou puant pour toilette. Un barril d’eau non potable pour 4 € de plus. Mais nous allions enfin pouvoir nous laver en nous arrosant mutuellement à la casserole. Une journée de repos fut votée à l’unanimité et nous restions scotchés à notre plage. Levers de soleil et de lune sur la mer. Le vendredi soir arrivèrent quelques campeurs en pick-up et motos, puis bien tard, une petite famille qui vint s’installer tout contre nous, alors qu’il avait tant de place et de paillottes libres sur cette immense plage. Et ils mirent un générateur en marche pour alimenter une ampoule qui éclairait le BBQ. Nous avons eu de la chance, le bois apporté était sec et prit vite et à minuit, leur repas étant consommé, le générateur s’arrêta. Mais le lendemain, en voyant la taille de l’enceinte apportée pour égayer leur week end, je frémis à la pensée de ce que la nuit aurait pu être. Il était temps de quitter les lieux.

Puertocito – 78 km

 

 

Lever à l’aube : 5 h du matin. Les trente premiers kilomètres furent avalés rapidement puis ce fut une bataille contre le vent. Le décor était devenu complètement minéral, de couleur rouge-orangée. Sur les plages, des campements épars de vacanciers, en plein cagnard et plein vent. Nous arrivions devant un petit supermarché isolé en début d’après-midi où nous faisions quelques achats – y compris d’insolites gants de laine qui manquaient à Dany pour si un jour nous trouvions la fraicheur… Puertocito, c’était là, juste en bas. Il fallaitreprendre la route sur un kilomètre et nous trouverions l’embranchement qui mènerait dans le centre du village et au camping. En contrebas en effet il y avait deux tentes et des voitures sur une petite plage d’où nous arrivaient de la musique et des cris. Trop fatigués pour supporter cela toute la soirée – et peut-être une partie de la nuit – nous poursuivions notre route jusqu’à une espèce de hameau de cabanes et de caravanes. Il y avait là un troquet dans lequel ça baragouinait plus l’Américain que l’Espagnol.  Le patron nous apprit bien vite qu’il avait une fois rejoint Panama à vélo, trouva que notre chargement était bien trop lourd, et nous dit que nous pouvions planter la tente où on voulait sur son terrain et profiter des toilettes. Nous étions en plein Far West avant même d’avoir passé la frontière. Des Américaines à la retraite étaient venues boire leur bière du soir. Nous buvions notre deuxième coca de l’après-midi en nous forçant un peu, bavardions avec un gars de Seattle qui venait passer ses hivers dans ce désert depuis seize ans, ne parlait pas l’Espagnol et ne connaissait rien du Mexique. Puis, pensant avoir assez donné dans les mondanités, allions dîner d’une soupe instantanée et nous retirions sous notre tente, au calme, vue sur le désert parsemé de tessons de bouteilles et d’emballages plastique.

Dimanche 24 – Lundi 25 avril – San Felipe – 88 km


Encore du désert. A mi-chemin, rencontre dans une buvette de bord de route de deux couples de Français qui voyagent avec des campers 4X4 depuis deux ans, d’Ushuia à Vancouver. Et puis arrivée, par une route bientôt revenue à son état primitif de piste, à San Felipe. Nous espérions une jolie petite ville comme Loreto. Ce n’est qu’une station balnéaire laide et idiote et chère. Une bonne journée de repos néanmoins nous permit de dormir dans un vrai lit, faire la lessive et prendre un billet de bus pour Mexicali, ville frontière 200 km de désert plus loin.

 

 

Nous allons mettre le cap sur le Grand Canyon. Nouveau pays, nouvelles mœurs. La prochaine fois qu’on vous écrit ce sera de l’Ouest Américain.

Dans l'attente du bus à San Felipe
Dans l'attente du bus à San Felipe