Pluie, vent et froid sur la Patagonie Chilienne

 

Le 29 décembre nous entamions donc le troisième chapitre de ce voyage en passant la douane chilienne peu avant Chile Chico. Juste avant la petite cité nous nous arrêtions au premier camping, sans voir qu’il y en avait un autre peut-être mieux juste à côté. Mais ça ne faisait rien. C’était un peu cher à première vue pour l’infrastructure quasi inexistante (un trou dans une cabane pour toilettes, un point d’eau potable et la douche chaude dans la salle de bains de la propriétaire). La tente plantée dans le verger, entre pommiers et poiriers, bien à l’abri derrière une haie de peupliers gigantesques, nous faisions la lessive avant d’aller faire un « tour en ville ». Chile Chico est un petit port sur cet immense lac, le plus grand lac d’Amérique du Sud après le Titicaca, dont les rues transversales bordées de maisons plutôt coquettes, buttent toutes sur le rivage. Le coin s’est voué à la culture des fruits à tel point que les avenues sont bordées d’abricotiers surchargés de fruits hélas pas encore tout à fait mûrs. Quelques courses au supermarché et l’achat d’un short pour remplacer le mien qui partait en lambeaux nous firent saisir le coût de la vie au Chili. Il n’allait pas falloir faire trop d’écarts.

Maria, la propriétaire du camping, nous invita à  venir faire cuire notre repas dans sa cuisine. J’y apportais donc ma gamelle de pommes de terre. Une belle tortilla aux herbes restait au chaud sur le coin de la cuisinière à bois. « Vous en voulez un bout ? » - « Pourquoi pas ». Aussitôt trois couverts furent mis sur la table, une brique de vin « Et on va boire un verre ! » et je compris que nous étions invités. Nous apportions notre poulet rôti et nos cerises. Maria, âgée de 55 ans, vivait seule et notre présence lui procurait un peu de compagnie et bien qu’avec une conversation très limitée par notre ignorance de la langue espagnole, ce fut une agréable soirée et un vrai repas de bienvenue au pays. Nous aimions beaucoup la pièce dans laquelle nous étions reçus, une cuisine peinte en vert et bleu, avec des placards de bois, une cuisinière à bois au milieu qui donnait une douce chaleur, une table couverte d'une  toile cirée et un bon fauteuil. Toute une vie se racontait là avec sa télévision et son poste de radio, les photos de famille accrochées aux murs, une vraie cuisine de campagne.

 

Mardi 31 décembre – Cerro Castillo

 

 

 

 Le ferry largua les amarres et ce fut vraiment encore un départ. Autant je déteste mettre les vélos dans un bus, autant j’adore les mettre sur un bateau. "Prendre le large!", moi qui suis malade à la moindre vaguelette. Le soleil éclairait doucement les volcans de la rive d'en face et ces deux herres de ferry allaient nous éviter quelque 300 km de piste pour contourner le lac. Nous enfourchions les vélos à Puerto ibanez sous le soleil mais face à un bon vent et avec promesses de bonnes averses. La route montait sans cesse, doucement mais sûrement. Pique nique contre un talus à l'abri du vent. Les volcans couronnés de neige fraîche nous entouraient et les nuages filaient à grande vitesse au ras des crêtes. Les éclairages complètement fous changeaient sans cesse. Et puuis la pluie nous arriva dessus, faible d'abord, mais bientôt froide et cinglante. La vallée était plongée dans l'obscurité à 4 h de l'après-midi. Nous avions rejoint cette fameuse Carretera Austral qui traverse toute la Patagonie chillienne, parallèle en somme à la Ruta 40 argentine. A l'abri sous un auvent de bois pour nous protéger de la pluie horizontale et glaciale nous patientions en rêvant peut-être d'une chambre d'hôtel quand une jeune femme sauta  d'une voiture pour nous proposer un camping. Nous la suivions pour arriver au fond du village dans une espèce de ranch. Cinq ou six tentes étaient déjà montées dans la prairie. Deux WV, deux douches, c'était un peu succint mais il y avait une cuisine à disposition. Un réveillon se préparait. Devant la cheminée où brûlait un grand feu étaient embrochés deux moutons écartelés pour l'asado. Un groupe de marcheurs avait monopolisé la cuisine et la salle à manger mais nous nous faisions une petite place pour manger nos restes de poulet et de pommes de terre. gentiment ils nous invitèrent à rester avec eux pour la soirée mais nous préférions nous retirer et manger notre dessert au lit : cerises du pays alors que les montagnes alentours étaient enneigées à très basse altitude. La dernière nuit de l'année ne serait pas bien chaude.

 

 

Le lendemain nous roulions par un vent glacial, heureusement presque toujours dans le dos. Depuis la veille, en 35 km nous étions passions de 250 m d’altitude au bord du lac à 1 150, c’est dire la difficulté du col. Mais quel décor ! Chaque virage nous proposait un nouveau volcan, un nouveau point de vue, de nouvelles pentes vertigineuses et crêtes rocheuses de teintes noires, vertes, roses, ocre ou brunes. La route était difficile, nous étions gelés mais le spectacle en valait la peine. Rencontre d’un jeune couple de Suisses qui venait en sens inverse, donc vent de face. Nous savourions notre avantage, ignorant que cela n’allait pas durer. L’étape se termina dans un camping géré par les gardes du Parc National qui allumèrent un feu pour chauffer l’eau de la douche. Se mettre à poil par ce froid ? Il n’en était pas question ! La température baissant rapidement, nous nous glissions dans les duvets avec pull, chaussettes et caleçon dès 20 h.

 

 

Jeudi 2 janvier 2014 – Cohayque – 61 km

 

 La température frôlait  0° quand nous nous levions et nous partions avec toute notre garde-robe sur le dos. Du coup les sacoches étaient légères. Au camping nous avions échangé quelques informations avec un couple de cyclos néo-zélandais  qui descendaient vers le Sud, puis sur la route avec une jeune femme qui avait commencé sa virée en Colombie. Quelle belle leçon de vie ces voyages en solitaire qui doivent permettre de se connaître soi- même, connaître ses capacités morales et physiques.  Les vingt premiers kilomètres furent aisés, en descente et vent dans le dos. Nous quittions le domaine des volcans, puis la route prit franchement Nord Ouest et nous pénétrions sur un vaste  plateau vallonné mais balayé par un vent fou que nous prenions ou de face ou de trois quarts, ce qui n’était pas mieux car il nous faisait faire de sacrées embardées. Mains crispées sur le guidon, nous étions frigorifiés et ne trouvions à nous abriter dans un arrêt de bus pour déjeuner qu’à 14 h passées. Le bruit du vent dans les oreilles était également fatiguant. Nous en avions ainsi pour 40 km et avancions parfois dans les côtes à 4 km/h. Dans l’après-midi nous croisions notre jeune couple de Suisses avec leurs deux gamins dans la carriole rencontrés dans la région des lacs argentins deux semaines plus tôt. Ils avaient passé la frontière chilienne plus au Nord et continuaient à descendre. Une barre rocheuse et une clue nous indiquèrent la fin du plateau et l’approche de Cohayque. Cette arrivée en ville, alors que nous étions si fatigués (nous avions pédalé près de huit heures avec seulement deux pauses d’un quart d’heure) nous parut infernale. Depuis combien de temps ne nous étions-nous pas trouvé en ville avec une telle circulation ? Depuis San Juan sans doute voici un mois. Les voitures étaient énormes et récentes – pas de vieilles guimbardes comme en Argentine. Nous avions remarqué avec plaisir tout au long de la route depuis trois jours que les maisons étaient plus coquettes, peintes de couleurs, avec des rideaux de dentelles derrière les grandes baies vitrées. Pour l’instant le Chili nous paraissait moins sinistre que son voisin.

Epicerie de village

 

Vendredi 3 janvier

 

La température, très fraîche au lever, était bien remontée et, à l’abri du vent dans le jardin où la tente avait été montée la veille, il nous sembla que nous pouvions nous habiller plus légèrement. Dès le premier virage cependant le vent toujours aussi froid et violent nous cueillit et il fallut bien revêtir toutes les épaisseurs, y compris les bonnets. Nous déjeunions, encore dans un abri de bus, en haut d’un petit col, puis la route redescendit au niveau de la rivière, plus ou moins abritée du vent, et nous roulions beaucoup plus aisément. Les rayons du soleil alternaient avec des menaces d’averses et même quelques gouttes. Plus nous descendions plus nous pénétrions dans une forêt luxuriante. Les fossés et bas côtés foisonnaient de fuschias en fleurs, digitales, marguerites, genêts, fougères. Nous avions retrouvé également les lupins qui bleuissaient des prairies entières, mais au dessus de nos têtes les montagnes étaient coiffées de neige. Dans le camping tenu par les gardes du parc nous montions la tente dans un vaste refuge prévu à cet effet, avec une cheminée, des tables et un banc, la lumière et une prise électrique. Que pouvions-nous souhaiter de mieux par cette soirée humide et ventée que d’être au coin du feu et  coucher dans une tente sèche, un bon toit au-dessus de la toile ? Au menu : pâtes aux fruits de mer, pain grillé à l’huile d’olive et au miel.

 

Home, sweet home

 

Samedi 4 janvier – Puerto Aysen – 44 km

 

La vallée du rio Simpson s’est bientôt élargie et nous nous trouvions au milieu de prairies avec des maisons de bois colorées. Nous arrivions à Puerto Aysen, ancien port important désormais encombré d’alluvions (trop d’essartage pour  gagner des terres arables) à l’heure du déjeuner. Ayant lu que de nombreux magasins fermaient du samedi après-midi au lundi matin, nous allions tout de suite au supermarché acheter du ravitaillement. Il y avait de tout, assez cher certes, mais nous nous laissions tenter par une petite bouteille de wodka et un poulet grillé. Les gâteaux de Pâques (allez savoir pourquoi on en trouve partout à cette saison), espèces de pains d’épices aux fruits secs très nourrissants, allaient devenir notre goûter quotidien. La diversité des produits faisait contraste avec la pauvreté des rayons de supermarchés argentins. Nous repartions de là chargés comme des baudets avec trois jours au moins de nourriture d’avance.  Le camping était un morceau de prairie en pleine nature à 5 km de piste de la ville. Une petite famille pique-niquait là et, alors que nous nous apprêtions à goûter, les femmes vinrent nous apporter leurs restes d’agneau grillé et de pommes de terre en papillotes ainsi que trois oranges confites en  dessert. La grand-mère tint à m’embrasser pour me souhaiter la nouvelle année. Cette fois-ci nous avions à manger pour tenir un siège.

 

P.S. Petite déception : notre Smirnoff était un vulgaire jus de citron pour aromatiser un verre de vraie Wodka et ce que nous avions pris pour des oranges confites n’étaient que des tomates soigneusement pelées. Cela ne fait rien, la viande était délicieuse.

La piste ou ripio

Sur la rive du Pacifique

Bel été patagon

Puerto Cisnes

Nous sommes aujourd'hui encore un peu plus au nord, à Puerto cisnes où nous arrivions hier soir par une piste et une pluie battante. Histoire de s'offrir un peu de confort nous avons pris une chambre d'hôtes pour deux jours. Thé, canapé et poèle ronflant ...

 

Aujourd'hui, il fait plutôt moins mauvais

A Puerto Cisnes il y a tout ce qu'il faut pour les vacances : la plage, un maitre nageur et un baigneur

 

L'été est tombé un week end

 

Samedi 11, Dimanche 12 janvier

Réveil avec un grand ciel bleu, bien propre. On n’imaginait plus que cela pouvait arriver dans cette région, et surtout durer toute la journée. Nous rejoignions la Carretera qui, juste à cet embranchement, perdit son bitume.

 

C’en était fini de la facilité. Désormais ce serait trous et caillasses. Cet axe unique Nord-Sud, encore appelé N 7, n’est plus par endroit qu’un chemin forestier trop étroit pour que deux véhicules puissent se croiser. Et pourtant la circulation est, sinon intense, tout de même importante. Nous y verrons  même de gros semi-remorques. Et des cyclos. Rien moins qu’une dizaine aujourd’hui qui, tous bien sûr, descendent vers le Sud. Un col sévère où il nous fallut pousser par trois fois nous fit grimper vers des sommets enneigés tandis que la piste restait bordée de grandes feuilles de nalcas, de fougères géantes et de fuchsias hauts comme des arbustes.

Les grandes feuilles de nalcas

A noter que pousser les vélos n’est pas une solution de facilité. On pousse quand vraiment on ne peut plus hisser le vélo à la force des mollets. Et les bras qui prennent le relais n’en reviennent pas du poids de l’engin. Chaque fois que je dois pousser cette brouette, qui au total ne pèse pas moins de 40 kg, je me demande ce que j’ai bien pu fourrer dans mes sacoches, ce que je pourrais laisser dans le fossé. Mais la seule chose qui pourrait être superflue est l’ordinateur, ce petit engin qui nous relie aux amis – et à la banque. Difficile maintenant de s’en passer. Et dans cette caillasse les pieds dérapent et l’on n’a qu’une hâte, c’est de tenter de se remettre en selle.

 Par deux fois Dany viendra m’aider à atteindre le sommet d’une côte en poussant par derrière. La montée dura 7 ou 8 km, mais la descente ! Nous en avions les mains douloureuses, crispées sur les manettes de freins et plaignions sincèrement les cyclos en contresens. Et le paysage était toujours aussi grandiose : forêt, rivières, neige et glaciers en hauteur.

Le Glacier Suspendu et ses cascades de 300 m de haut

 

Dans le parc du Ventisquero Colgante, encore appelé « le glacier suspendu », nous campions dans un grand morceau de nature. Le grondement des blocs de glace qui tombent de 300 m de haut se répercutait dans la montagne. Les cascades, énormes, dégringolent dans le petit lac couleur de menthe au lait. Depuis que nous sommes au Chili c’est décidément un émerveillement chaque jour, malgré les conditions climatiques parfois difficiles.

 

Lundi 13, mardi 14 janvier 2014 – Puyuhuapi

 

« L’été est tombé un week-end ». Cette phrase n’est pas de moi et a déjà servi, mais elle pouvait vraiment s’appliquer au cas présent. Lorsque nous nous levions le lundi matin nous constations non sans tristesse que les nuages avaient réinvesti les sommets et la grisaille la totalité du ciel. Et nous reprenions la piste sous un crachin breton, longeant la lagune, pour une courte étape jusqu’à Puyuhuapi. Un cyclo venant en sens inverse s’arrêta à notre hauteur : « Français ?  Moi aussi » Il était bavard l’animal ! Et nous apprenions en une demi-heure sur le bord de la route qu’il avait commencé un tour du monde à pied, interrompu par quelques sections à vélo. De France jusqu’en Chine en poussant une carriole, Bolivie, Perou, Chili de la même façon.  Cela faisait 20 ans qu’il bourlinguait. Oublié de lui demander son nom et ses coordonnées.

Le petit port de Puyuhuapi, fondé par des Allemands en 1935, s’est reconverti dans le tourisme et pour 500 habitants, il n’y a pas moins d’une vingtaine de chambres d’hôtes et d’hôtels. Le lieu est assez beau mais les maisons auraient bien besoin d’un coup de peinture fraîche. Le camping Adonaï était tenu par un couple de retraités vivant dans une cabane sans charme et tout de guingois. Une extension pour faire une salle d’eau, un hangar de bois, tôle et plastique au sol tapissé de cartons et de planches où monter la tente. Sur le coup, malgré l’aspect un peu sordide des lieux, nous fûmes contents de camper à l’abri. La cuisine à disposition nous plut beaucoup, avec vue sur la lagune et les montagnes et nous y prenions le thé puis notre souper. Mais  bientôt arrivèrent des jeunes Israéliens et, même quand il parut évident qu’il n’y avait plus de place dans le hangar, notre propriétaire continua à les accepter et encaisser la monnaie. Conclusion, là où on aurait pu dresser trois tentes il y en eut cinq et la cuisine même servit de  dortoir. Leur sans gêne et l’état des lieux après leur passage nous fit comprendre pourquoi certaines auberges de jeunesse affichent : « No Israéliens », ce qui peut paraître  choquant au premier abord.

Non loin était garé un gros camping-car habité par Anne-Marie et Gabriel (lestrotteurs.eklablog.com) « Vous voulez un café ? – Volontiers » et nous nous racontions nos voyages. A la retraite depuis juin dernier, ils ont acheté cet énorme bahut et, après l’avoir mis sur un cargo, ont pris l’avion en septembre pour Buenos Aires. Leur programme : remonter jusqu’au Canada en deux ans. Ils sont avides de rencontres et invitent volontiers d’autres voyageurs à partager un repas ou un bout de route. Invités  à dîner à leur table, nous passions une agréable soirée. Le lendemain ils repartaient vers l’Argentine avec quatre jeunes auto-stoppeurs comme passagers.

Jeudi 16 janvier

40 km de fous, dans la caillasse, les  galets et le sable. Par moment on croirait rouler dans le lit du Verdon, camions et engins de chantier en plus. C’est qu’on est en train d’élargir et de refaire la Carretera Australe, et nous regrettions la piste qu’elle devait être avant. Très vite Daniel se cassait la figure. Il s’est fait mal au coude. « Mais qu’est-ce qu’il fiche ? Il ne tient pas debout ! C’est un peu dure mais pas au point de tomber ! » Dix minutes plus tard, je m’affalais. A la fin de la journée nous étions à égalité : deux à deux (chutes). Dany y laissera un bout de peau au coude, moi un bout de short au genou et, beaucoup plus embêtant, le porte-bagages avant, cassé net. Alors que nous étions arrêtés dans une pente pour souffler, un camionneur nous tendit deux berlingots de jus d’orange – pas frais, pas bons, trop sucrés, mais pleins de vitamines C d’après l’étiquette. « Muchas gracias ». Huit heures pour parcourir 40 km. Nous faisions halte vers 17 h au bord d’une grosse rivière où nous puisions généreusement l’eau pour cuisiner. Un brin de toilette dans l’eau glacée. La tente fut montée dans un pré à vaches, avec des vaches justement que l’on entendra brouter, souffler, et plus, tout près de notre couchage.

 

Vendredi 17 janvier

 

Toujours cette « piste de merde »(sic). Cette fois-ci ce n’est plus le lit du Verdon mais la plage d’Etretat : un mélange bien épais de galets et de sable. Nous poussions la moitié du trajet. Rencontré au niveau d’un pont Claudine et Marcel, 60 ans, lui à la retraite, elle en année sabbatique, qui se font un Lima – Ushuaia (http://cyclodineetmarcel.overblog.com). Puis, quelques kilomètres avant Santa Lucia, ce sont Fred et Ophélie qui arrivent en sens inverse sur leurs vélos couchés. Ils sont fatigués, excédés, par le câble de dérailleur pété dans l’après-midi, par cette « piste de merde »(sic), par un col trop difficile –  que nous aurons demain-, par les taons agressifs qui les rendent fous. Quand ils apprennent de notre bouche ce qui les attend, ils décident de faire demi-tour et de venir camper avec nous. Nous bivouaquerons tous les quatre dans un bel endroit au bord de la rivière. Toilette dans l’eau glacée, un petit verre de Pisco pour nous réchauffer. Si la fatigue est toujours présente, la mauvaise humeur de chacun s’envole. Ils nous parlent de leur plaisir avec leurs vélos couchés, de leur traversée des Etats-Unis d’où ils gardent les meilleurs souvenirs, de l’Amérique du Sud. Ils ont beau avoir la moitié de notre âge, nous sommes sur la même longueur d’ondes et Le lendemain matin, nous reprendrons nos chemins divergents, eux vers le Sud et nous vers le Nord.

Bivouac avec Fred et Ophélie (leur blog : http://partirlespiedsdevant.com)

 

Samedi 18 janvier

A notre tour de passer le col annoncé, en poussant beaucoup car si les pentes sont raides, ce sont surtout les caillasses qui en rendent l’ascension et souvent la descente impossibles. On dérape, le pneu arrière patine. A notre tour également les taons énormes qui nous tournent autour. On a parfois l’impression de rouler dans un rucher. La forêt est belle, tropicale, mais les yeux fixés sur le sol devant la roue, nous n’avons guère le loisir de l’apprécier. Partis sous un crachin breton, le ciel se dégagera vers midi et, avec le beau temps, s’exciteront encore un peu plus les insectes. Un pont enjambe le lago Yelcho et d’un coup c’est le bitume. Nous en avons les jambes coupées. On a l’impression de rouler dans du mou. Voici 250 km que nous ne savions plus ce que c’était. Nous décidons de faire encore 20 km. Mais déjà, au premier virage, la vue d’une pente « droite comme le nez » nous fait hésiter. Un panneau « camping » nous sape le courage. Il est 16 h, nous sommes fatigués et avons envie d’un thé. Nous n’irons pas plus loin aujourd’hui. Le pré dans lequel nous plantons la tente donne sur une montagne couverte d’un glacier et une falaise vertigineuse entaillée d’une brèche faite par l’épée d’un géant. Soirée passée à nous battre contre les énormes taons.

 

Dimanche 19, lundi 20 janvier – Chaïten

 

Route toute neuve par un temps d’été dans un superbe décor montagneux. Nous buvons du petit lait, retrouvons le plaisir de tenir le guidon d’une main pour relaxer l’autre, de regarder le paysage. Aux cyclos que nous croisons nous avons envie de dire « bon courage ».

La Carretera Austral ou transpatagonienne ou encore appelée Nale 7

760 km parcourus depuis notre entrée au Chili. C’était superbe, grandiose, mais pas facile. Voilà, c’est fini et nous poussons un « ouf ! ». Les difficultés de la semaine passée se font sentir et soudain nous sommes claqués. Mal partout, aux cervicales, aux épaules, aux avant-bras, aux mains, aux genoux. Le programme d’aménagement de la Carretera Austral prévoit quelle sera asphaltée d’un bout à l’autre d’ici 2 018. Projet ambitieux et peut être un peu présomptueux. Mais quelle formidable balade ce sera sur plus de 1 000 km à travers ces montagnes couvertes de forêts et de glaciers. Il pourrait bien y avoir alors autant de vélos que le long du Danube. Et les vieux cyclos-routards prendront l’air dégoûté pour dire : « Peuh !, moi, p’tit gars, j’l’ai faite alors qu’c’était qu’du ripio la Carretera ! Et c’était aut’ chose que c’t’autoroute ! »

 

Chaïten, petit port sur le Pacifique juste en face de l’île de Chiloe, renaît à peine de ses cendres, au sens littéral. Le volcan que l’on voit là, tout près, avec sa pente rouge et son nuage de fumée, entrait en éruption début mai 2 008 et ensevelissait le village sous une bonne couche de cendres. Les habitants avaient été évacués à temps et ils revinrent sur les lieux, malgré les mises en garde des autorités, en 2 009. Un travail phénoménal a été entrepris pour reprendre une vie normale. Des habitations ont été restaurées, beaucoup sont entièrement neuves ou en construction. Ca scie, cloue et tape à tous les coins de rues. Les maisons sont pratiquement toutes construites de la façon suivante, dans cette moitié sud du Chili. On fabrique d’abord la charpente de la demeure entière, intérieur compris, et l’on dirait une de ces cages à poules dans lesquelles nous grimpions quand nous étions mômes. Puis, sur ce quadrillage de bois sont clouées les parois en aggloméré. Un habillage de gros lambris ou de bardeaux ou encore de tôle sera rajouté à l’extérieur. Au coin de certaines rues et aux extrémités du village ont été stockés des monticules de cendres après le nettoyage du village. Il semblerait bien aussi que la mer ait reculé devant les rejets du volcan et ne vient plus aussi près qu’auparavant. Sur la bourgade plane une odeur de souffre plus ou moins forte suivant les vents.

Une maison de Chaïten pas dégagée des cendres

 

Il plut toute la journée du lundi que nous passions moitié à lire et dormir dans la tente, moitié dans un café à répondre à nos courriels et regarder nos photos. Le soir, au moment de faire cuire nos pâtes, notre propriétaire  nous ouvrit un gîte en construction pour que nous puissions y cuisiner et prendre notre repas au sec. Joyeux anniversaire Dany ! Au menu : pâtes aux petits pois ! On essaiera de faire mieux ces jours-ci. Vers 22 h, alors que nous étions en train de lire dans nos duvets, la tente secouée par de fortes rafales de vent et de pluie, la voisine nous apportait des petits pains tout chauds sortis du four et fourrés de jambon. Malgré l’assiette de pâtes nous ne les refusions pas.

 

P.S. Nous publions ce texte alors que nous venons d'arriver sur l'Ile de Chiloe, en face de Chaïten. 4 heures de bateau pour arriver toujours sous une bonne pluie et un ciel très bas. A 8 h du soir, pas de courage pour chercher un camping et remonter la tente trempée. Nous voici donc dans une chambre d'hôtes dans une maison tout en bois, basse de plafond et poele allumé en plein été. Cette ile est réputée pour n'avoir que 50 jours de soleil par an, comme en Bretagne quoi !

 

 

Que d'eau, que d'eau sur Chiloe

 

Nous restions trois jours à Quellon

 

 

De la tente nous avions vue sur la baie et les bateaux de pêche, les collines verdoyantes qui tombaient doucement dans la mer. La Bretagne ? L’Irlande ? En toile de fond vers l’Est, les Andes enneigées et le volcan Corcovalo dépassant les 2 000 m d’altitude. En ville nous fûmes surpris de voir autant de petits magasins, un marché aux poissons et coquillages, c’est-à-dire trois vendeuses avec trois caisses chacune. Etaient également en vente des paquets d’algues grosses comme de la couenne et d’autres enroulées en cakes noires. Qu’en font-ils ? Des courts bouillons ? Cela changeait de tous ces villages traversés depuis des semaines. Mais nous n’avions pas tellement le temps de flâner car il nous fallait trouver l’atelier où l’on pourrait souder mon porte-bagages en aluminium.  A force de demander, d’atterrir dans des ateliers qui ne pouvaient pas le faire mais nous redonnaient une nouvelle adresse et des explications à l’appui que nous ne comprenions pas, nous finîmes au bout de deux heures par trouver. Le gars en eut pour cinq minutes et ne nous demanda que 3 €.

Nous nous étions promis un repas de fruits de mer et entrions dans un restaurant très simple du front de mer. Décoration basique, chants traditionnels chilotes accompagnés à l’accordéon un peu trop fort, mais la Paila de Marina, espèce de soupe de coquillages servie dans un toupin de terre, fut aussi délicieuse que copieuse. Le pain chaud et croustillant avec une purée de piment doux et la petite bouteille de Cabernet Sauvignon nous laissèrent bien repus. Nous nous promenions ensuite sur le port, du côté des bateaux de pêche qui déchargeaient des monceaux d’énormes palourdes. Mais le vent était vraiment trop glacial pour se mettre à dessiner et c’est de l’unique café-restaurant avec vue sur la baie que nous faisions un croquis. A noter que, pour répondre à notre demande d’un café, nous fut apporté un pot de Nescafé et le garçon attendit que nous nous soyons servis pour verser l’eau chaude de sa bouilloire électrique dans nos tasses, exactement comme à la maison.

Une moule aussi nourissante qu'un oeuf sur le plat

Un soir vers 10 h arriva un couple qui planta la tente puis alluma le BBQ, et le temps que les braises soient à point et que la viande soit cuite, je les vis manger debout et chaudement habillés à minuit passée, alors que je sortais pour me soulager. Si je cite ce fait anodin c’est parce qu’il est typique du pays. Nous sommes vraiment aux antipodes et l’on vit à l’envers ici.

Samedi 25 janvier – Lac Natri – 40 km

Temps couvert et gris. Route en travaux sur les dix premiers kilomètres. Résultat : pistes, engins, poussière. Puis belle route bitumée, mais utilisée par beaucoup trop de camions. Nous devons être fatigués. Nous n’avons aucune patience. Pas de patience pour le ripio, pas de patience pour les camions qui nous envoient des nuages de poussière, pas de patience pour la pluie, pour la météo (à 12 jours !) qui annonce du grand beau temps alors que nous sommes trempés de pluie. Pas de patience avec les chiens qui gueulent à notre passage et qui hurlent toutes les nuits. J’ai compté dans une rue de village pas moins de 3 chiens par maison. Dans le monde le nombre de chiens atteint la démesure. Pourtant le paysage est joli, très doux et vert, très breton, avec des collines tombant doucement dans des rias. A l’est, de temps en temps, le Corcovado encore, en plein soleil.

Arrêt au bord d’un lac aux rives zonardes jonchées de détritus dans un camping pourri et très cher, mais la propriétaire affable ayant embrassé Daniel, nous n’osons pas en repartir – un pigeon à ce prix là, ça vaut une bise !-.

Marre aussi de voir des grosses. Envie de confort et de repos. Marre quoi. Il y a des jours comme ça.

Dimanche 2- janvier – Chonchi – 28 km

Encore une route en chantier, sous un bon crachin et avec des côtes impensables. Des murs ! A part ça, et avec tout ça, on se croirait vraiment en Bretagne. Ne manque même pas la foire expo à l’entrée du village, prairie imbibée d’eau transformée en parking, exposants gelés sous leur barnum, odeur de grillades et frites et musique traditionnelle.

Chonchi se prend pour San Francisco avec ses rues en pentes qu’il est farfelu de vouloir monter à vélo. Même en descente je préfère y aller à pied. Il y règne une atmosphère particulière avec toutes ces grosses maisons de bois vieillottes et aux couleurs fanées. Le port, c’est encore la Bretagne avec des bateaux de pêche, une jetée à marée basse, les promeneurs du dimanche. Et soudain j’ai une envie de crêpes !

A défaut de crêpes, la propriétaire du camping où nous sommes installés nous apportera quatre beignets. Le camping, c’est, en plein centre-ville, quatre emplacements dans le jardin derrière une maisonnette jaune «construite il y a 70 ans ! » nous est-il précisé, une véritable antiquité donc. Quatre emplacements sur lesquels nous nous retrouverons une vingtaine car ici non plus on ne sait pas dire « complet ». Pourtant il n’y a toujours que deux WC et une douche payante dans la maison du propriétaire. Nous sommes les uns sur les autres. Prenons cela pour de l’ethnographie. De nombreuses boutiques ou maisons particulières vendent des vêtements d’occasion. Outre que les fringues sont très fatiguées, parfois même reprisées, je ne trouvais rien qui me convienne, les tailles étant énormes. Au marché artisanal des femmes tricotent et vendent leur production plutôt moche. Nous nous ennuyons un peu. Allons manger une assiette de saumon au restaurant. Après les efforts et les paysages grandioses des semaines précédentes, notre voyage connaît une légère dépression. Nous ne rencontrons plus de cyclos. Soudain les amis nous manquent.

 

Une rue de Chonchi

Mardi 28, mercredi 29 janvier – Huilinco – 15 km

 

Il y a des jours comme les précédents où l’on voit tout en négatif et puis un matin le soleil nous réveille, on pédale sur une bonne petite route sous un beau ciel bleu. Dans un camping au bord d’un lac on est accueilli avec jovialité. On se promène, croque une église trop mignonne. Tout baigne à nouveau. L’été ne durera qu’une journée. Le lendemain c’est à nouveau pluie et vent, mais c’est un bon repas qui nous sauvera de la morosité. Les gars du camping nous annoncent un curanto préparé dans la tradition. Repas prévu à 14 h 30. Nous traînons un peu dans le village avant notre deuxième petit-déjeuner, histoire de caler l’estomac jusque là.

Préparation du Curanto

Vers 11 h le feu fut enfin allumé dans une légère cavité du sol. Quand il commença à y avoir un peu de braises il fut recouvert de galets qui allaient ainsi prendre toute la chaleur pendant une bonne heure. Puis sur les galets seront mis, dans l’ordre suivant : une couche de moules géantes, une couche de palourdes énormes, des gros morceaux de petit salé, puis de poulet (moins géant), des pommes de terre colorées de Chiloé, des feuilles de nalca, puis des petits pains de farine et de pomme de terre. Le tout sera recouvert à nouveau de grandes feuilles puis de mottes de terre et d’herbe. Une heure et demi à deux heures plus tard on découvrira la nourriture bien cuite. Ce plat traditionnel de Chiloé n’est ni relevé ni très savoureux mais naturel et nourrissant, c’est le moins que l’on puisse dire. Et nous passions une partie de l’après-midi dans la salle du restaurant, près du poêle, ce qui tombait bien vu la pluie qui cinglait les carreaux et menaçait de durer toute la soirée.

 

Jeudi 30, vendredi 31 janvier – Cucao – 35 km

 

Nous avons bien cru que la journée d’aujourd’hui allait se passer à lire sous la tente pendant que la pluie continuerait à tomber. Il avait plu toute la nuit avec un grand vent étonnemment doux. Vers midi pourtant les nuages s’élevèrent un peu et la situation sembla s’améliorer. Nous emballions toutes nos affaires, avalions un encas et prenions la route vers l’ouest.

Le Pacifique à Cucao

Cucao, où nous arrivions sous un grand ciel bleu, est un petit bout du monde battu par les vents et les rouleaux du Pacifique. Un lac et une rivière se jettent dans l’océan à cet endroit. Un groupe de maisons semblent perdu dans une terre désolée mais le nombre de restaurants et de campings témoigne de l’affluence des touristes et vacanciers. Dans chacune de ces maisons, comme dans toute la Patagonie chilienne, un feu brûle à longueur de journée et d’année, si ce n’est pour lutter contre le froid à cette saison, c’est pour empêcher l’humidité de s’installer. Si l’on considère que la cuisine – qui consiste essentiellement à faire griller de la viande- est également préparée au feu de bois, la quantité de stères débitée est  phénoménale.

Dès 18 h les nuées avaient reconquis les cieux et il fit froid. Mais aussi étions-nous prévenus. Il tombe sur Chiloé plus de deux mètres d’eau par an et trois mètres dans cette microrégion de Huilinco et Cucao. Les températures moyennes sont de 18° en janvier, c’est-à-dire en été, et 8° au plus fort de l’hiver, soit en juillet. Quand on demande aux locaux quelles sont les prévisions météorologiques, la réponse est invariablement « no se ». Le flash télévisé météo ne fait pas autant d’audimat qu’en France où chacun le consulte comme l’horoscope. Ce qu’ils savent c’est que le temps est imprévisible, qu’il va probablement pleuvoir mais que le ciel peut tout aussi bien se déchirer et le soleil apparaître pendant une ou deux heures. Gare alors aux coups de soleil, la couche d’ozone étant bien mince par ici. De toute façon l’asado se fera, dehors ou sous abri.

 

Giono raconte s’être enthousiasmé à la lecture d’une publicité qui disait à peu près ceci : « Ici il pleut 360 jours par an mais notre hôtel est confortable et possède une bibliothèque de plusieurs milliers de livres » (je cite de mémoire). Eh bien je parierais bien que cet hôtel était situé sur l’île de Chiloé et je voudrais avoir sous la main « Noé » de Giono pour vérifier. Pour l’instant, la pluie est bien présente, mais les livres et les lecteurs ont l’air rares. Dany me faisait remarquer également qu’on ne voit pas de parapluies. Ni dans la rue ni dans les magasins. Ce qui évite finalement de se prendre une baleine dans l’œil. (Des restes de baleines en revanche, on en voit par-ci par-là dans les jardins, leurs os servant de décoration).

Un sentier heureusement aménagé mène dans la forêt humide, basse et impénétrable qui borde le lac. Tout baigne dans l’eau, les troncs sont moussus à souhait, fougères et nalcas gigantesques. Curieusement on y voit bien peu d’oiseaux. Alors qu’on se croit au fin fond des bois tourbeux, on tombe sur une maison de bois avec quelques tables dehors, la viande qui cuit devant le feu et on peut y prendre un café. Auront-ils du monde pour leur asado ? Pourquoi pas ? Il n’est que midi et demi et d’ici 14 h qu’il soit prêt, d’autres promeneurs viendront bien jusqu’ici.

 

Dimanche 2, lundi 3 février – Nercon

Villipuli et son église

Nous reprenions notre montée vers le Nord. Arrêt pique-nique sous le porche de l’église de Villipuli où nous avalions un énorme empanadas fourré de viande, oignon et œuf tandis qu’un chien dodu nous faisait les yeux doux, en vain. Il y aura encore l’église de Nercon avec ses saints naïfs qui rappellent leurs homologues bretons sculptés au XIXè siècle. Ces églises chilotes tout en bois sont classées patrimoine de l’humanité par l’Unesco.

Une église de Chiloe

Si nous nous sommes gavés de beautés de la nature depuis notre arrivée en Argentine, nous commençons à avoir une fringale de beautés culturelles. Pour ma part je me ferais bien un musée des beaux arts. J’en ai assez de ces campings taudis dans lesquels nous nous arrêtons trop souvent, de ces maisons entourées de déchets, bagnoles déglinguées, bouts de bâche et de tôles, bien qu’il y en ait moins au Chili qu’en Argentine. J’aspire à un peu de coquetterie et m’aperçois que je ne peux pas vivre dans le foutoir. « Le décor d’abord » disait Cocteau.

 

Castro est  la capitale de Chiloe. En arrivant sur la place centrale nous fûmes tout éberlués par le monde, la circulation, le bruit… Je vais faire sourire bien des gens si je compare l’intensité de l’animation à celle du centre de Souillac par exemple. Pour nous qui avons complètement perdu l’habitude d’être en ville, c’est déjà beaucoup. Nous trouvions facilement un vélociste qui puisse changer le pédalier du vélo de Daniel.

Je suivais un panneau « Money exchange » jusqu’à une maison de bois rouge et sonnais comme indiqué. Une femme m’ouvrit la porte et me fit passer dans un petit salon meublé de trois banquettes couvertes de couvertures de laine au crochet. Mes yeux firent le tour de la pièce avant de trouver dans un angle un minuscule guichet fermé d’une vitre et derrière, enfermée dans ce cagibi, une vieille et grosse femme (comment avait-elle fait pour entrer là dedans ?) qui m’annonça un taux de change si bas que je remerciai et pris la fuite.

La cathédrale de Castro

Sur la place de Castro trône une espèce de château guimauve à la Walt Disney, jaune citron et mauve : c’est la cathédrale. Ca se détache bien sur ciel gris. L’intérieur soulage. L’architecture de cet édifice tout en bois est superbe. Les statues de saints, sinon ravissantes, sont amusantes bien qu’elles transforment un peu à mon avis la religion chrétienne en religion de pacotilles. Les visiteurs s’y promènent avec leur chien, se prennent en photo devant l’autel ou dans la chaire. Cela ne me parut pas très respectueux mais il n’y a pas pire que les athées pour demander plus de mysticisme aux croyants.

Remarquez le brochet qui lui sort de sous les jupes

St Antoine de Padoue et le baigneur

Côté mer les maisons de pêcheurs sur pilotis alignent leurs couleurs vives. Nombre d’entre elles sont rénovées, voire abattues et reconstruites suivant des plans très contemporains. Il parait évident que le quartier est en train de se transformer en coin chic et branché, joli certes mais sans doute plus pour la bourse des familles de pêcheurs. Nous déjeunions sur le port d’une assiette de fruits de mer puis tentions un croquis par un vent glacial.

Les maisons sur pilotis de Castro

La pluie se mit à tomber en fin de soirée et il plut toute la nuit. Ce qui n’empêcha nullement un groupe de campeurs de discuter et rire dehors autour de leur BBQ jusqu’à 2 h du matin. Ils avaient anoraks et bonnets de laine, car la température descend ces jours ci autour de 5° la nuit et ne dépasse pas le jour les 14° (sous abri évidemment).

Une rue de Castro

Aussi aujourd’hui mercredi 6 février  nous sommes nous offert une chambre d’hôtel et je mets ce texte en ligne à 16 h bien au chaud sous la couette.

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PS. On parle de nous sur  partirlespiedsdevant.com :

On croise alors un couple de français à vélo, ils nous disent que la piste est horrible après. On décide donc de retourner à Santa Lucia avec eux, on se trouve finalement un super spot en bord de rivière et on passe une super soirée qui nous fait oublier cette journée trop dure et trop toanesque.

Comme souvent quand des français bivouaquent ensemble, y'a apéro : Pisco pur et saucisson. Frédérique et Daniel sont des baroudeurs très attachants ayant fait des choix de vie pour le moins intéressants. D'abord employé de banque tout ce qu'il y a de plus assommant, ils sont vite devenus conférenciers pour allier voyage et travail  puis gérants de chambres d'hôtes pour voyager 6 mois par an. Aujourd'hui, ils ont vendus tous leurs biens et comptent bien pouvoir voyager avec l'équivalent d'un SMIC pour 2 pendant les 20 prochaines années. Ils auront alors 80 ans ! Bravo les amis, quelle énergie !

maillet et tabouret pliant, génial

 

Patagonie, suite et fin

La dernière fois que nous vous avons écrit, nous étions sous la couette dans une chambre d’hôtel. Puis nous avons repris la route, toujours vers le nord, par un matin nuageux, mais sans pluie. Et, juste la veille de quitter l’île de Chiloé, il nous est arrivé quelques chose de merveilleux : un matin, il a fait beau. Et ce fut l’été, et cela a duré exactement 8 jours ! Car aujourd’hui, 9ème jour, il pleut un peu, juste un peu.

 

A Chacao, nous arrivions dans un camping chez l’habitant où une jeune femme nous accueillit avec force embrassades. Je crus qu’elle nous prenait pour quelqu’un d’autre, mais non, c’était sa façon d’accueillir le campeur. Chacao est situé tout à fait au nord de l’île de Chiloé et c’est là qu’on prend le bac pour le continent dont on voit les falaises. La tente était plantée à côté de la serre où sont plantés des pieds de tomates  tout juste en fleurs. Les tomates ne viendront pas avant le mois de mars qui correspond à peu près à notre mois de septembre. La ciboulette pointe tout juste son nez.

 

Dimanche 9 février – Chinquihue – 60 km

 

Camping sordide et nous sommes les uns sur les autres. !

Que je souffre de la promiscuité!

 Les bacs qui relient Chiloé au continent font le va et vient continuellement. Pendant les vingt minutes de traversée nous fûmes absorbés par les plongeons de nombreux phoques tout près du bateau. Pour clore la croisière, spectacle de l’un d’entre eux jouant la petite sirène sur un rocher près de la plage.

Une autoroute est en construction de Parga (l’embarcadère) à Puerto Montes et nous empruntions la voie bitumée encore interdite à la circulation qui fit une superbe piste cyclable pendant plus de 40 km. Il faisait beau, c’en était fini des côtes à 15 et 17 % de Chiloé et nous pédalions facilement et grand train, ce qui faisait énormément de bien à mes genoux fatigués. C’était bon de se diriger à nouveau vers la Cordillère, de retrouver les montagnes. Nous avions l’impression de venir de très loin en ayant quitté Chiloé.

Le temps de faire un gros ravitaillement dans un supermarché et nous quittions la ville laide  de Puerto Monte à midi passé. La consommation de sacs en plastique dans ces magasins est effarante. Devant chaque caisse un employé emballe les articles des clients par catégories dans des sacs en double. Et pour trois articles on peut quasiment repartir avec six sacs. Pas besoin d’acheter des sacs poubelles mais parfois nous étonnons grandement l’employé – souvent un petit jeune – en refusant de participer à cette débauche.

A Puerto Monte nous avions retrouvé le béton et les tags et regrettions déjà les petites maisons de bois de l’île de Chiloé. La route était à trois voies « réversibles « , la voie du milieu devant être utilisée dans un sens de 7 à 9 h, dans le sens contraire le reste du temps. Bonjour les cartons à – 5 et + 5 minutes ! Tous à vos montres ! Mais au fait, s’agit-il de 7 h du matin ou du soir ? Pas précisé.

Puerto Varas est une station balnéaire au  bord du lac de Llanquihué. Le genre d’endroit où l’on se demande ce qu’on est venu faire. Les mômes se baignent dans le lac juste à l’arrivée des égouts tandis que les parents se vautrent sur le sable au pied des bagnoles. Oui, mais avec, en toile de fond, le superbe volcan Osorno (2 700 m chapeauté de neige). Un vrai Fuji ! Le Chili ne compte pas moins de 2 000 volcans pour lui tout seul dont 150 en activité. Aussi je surveillais les fumerolles qui pourraient s’échapper des sommets alentours. Voisin de l’Osorno, le Calbuco (2 000 m) a la couleur brune de ses coulées de lave.

Mardi 11 février – Ensanada – 45 km

Jolie route le long du lac, hélas sans accès public aux rives, tout étant privé. Devant nous, l’Osorno pointant son cône glacé au-dessus des nuages, de plus en plus impressionnant au fur et à mesure que nous en approchions.

Fin d’après-midi dans le silence et au soleil. Apéritif sur la plage, face au volcan, les fesses dans le sable noir. Todo va biene… jusqu’à ce que l’ambiance musicale commence dans la maison voisine du camping pour une nuit rythmée jusqu’à 2 h du matin, et puis les petites familles de campeurs encore plus proches de nous qui discutent et s’interpellent tard dans la nuit. Aussi nous extasions nous plutôt bruyamment au lever du soleil sur la belle journée qui s’annonçait, la joie de voir le volcan bien dégagée, le plaisir de préparer notre petit déjeuner. Ouahou ! Que la vie est belle le matin de bonne heure ! Debout bande de fainéants !

 

Mercredi 12 février – Las cascadas – 45 km

L’épicier chez qui nous achetons du pain ne comprend rien à ce que je lui dis. Ca fait deux fois que je lui réitère ma demande … en grec ! Lapsus très révélateur.

Nous pédalions bon train par un temps estival vers Pétrohué, « un hameau minuscule au bout d’une route goudronnée » (dixit Le Routard) et au bord d’un superbe lac. En route ! Nous avions de la nourriture pour plusieurs jours pour le cas où nous voudrions y rester. A mi-chemin arrêt pour voir les chutes de Pétrohué. Parkings bondés de voitures et bus, droits d’entrées, on piétine derrière des touristes qui se conduisent comme des vieux avant d’en avoir l’âge … Mais dans quelle galère sommes nous venus nous fourrer ? Bon, les chutes taillées dans la roche noire au pied du volcan sont superbes. On fait la queue pour prendre sa photo et on se tire. Tellement agacés de voir les gens se faire tirer le portrait que quand une femme nous tend son appareil pour que nous la prenions en photo, nous répondons : « Non, non, merci ». Enfin, les toilettes sont gratuites et ça, moi, je ne laisse jamais passer l’occasion.

J’oubliais. Au pied des chutes on peut s’offrir un frisson en faisant un tour de « jet boat ». C’est du tourisme à la chinoise si je ne me trompe. Un panneau d’informations m’interpelle et m’inquiète : A Pétrohué on peut faire du jetsky, du windsurf, il y a des piscines, restaurants et des excursions organisées… Est-ce bien un endroit pour nous ? Quand nous nous apercevons que la fameuse route goudronnée ne l’est plus et qu’il reste six kilomètres de piste à se taper, avec des fous au volant dans les deux sens nous faisons demi tour. Pas le courage. Depuis que nous avons quitté la Carretera Australe, rien que le mot « ripio » nous donne des boutons.

Et nous suivons, bien pèpères, les bords du lac, le volcan à notre droite par une belle route,  dans un paysage de morceaux de lave griffus et de végétation arbustive.

 

 Nous continuions jusqu’à Puerto Octay au bord du lac Llanquihue. Il y avait bien longtemps que nous n’avions vu un village dominé par son clocher. L’église, toute couverte de tôle n’est pas jolie mais les voûtes de bois de l’intérieur sont belles et rendent l’endroit chaleureux. Les cloches nous annoncèrent la messe quotidienne et cela aussi nous plut bien. Le village établi par des colons allemands affiche sa germanité à tous les coins de rues (nom des avenues, des hôtels et restaurants, des bâtisseurs des maisons de bois) et l’on est tout étonné d’entendre parler Espagnol.

Le camping aussi nous parut sympa. De beaux emplacements ombragés, des sanitaires propres. Alors que nous nous installions à l’heure du goûter,  c’était pour les Chiliens l’heure d’empaqueter leurs affaires, démonter les tentes et quitter les lieux. Les prochains occupants arriveront vers 21 h. Nous vivons vraiment décalés. Nous décidions d’y rester deux nuits, nous régalions de prunes noires et goûtions les premières mûres

 

Samedi 15 février – Entrelagos – 60 km

 

Nous décidions de tenter une piste loin de la circulation qui devait nous épargner une cinquantaine de kilomètres pour atteindre le lac de Puyehué. Mais au bout de 5 km de ripio quelle ne fut pas notre joie de retrouver le bitume ! J’aurais embrassé le Président chilien, le Directeur de la DDR s’il existe, le chef des Travaux Publics tandis que Dany gueulait de plus belle contre ces faignants qui n’étaient pas allés au bout et avaient abandonné le boulot 5 km avant la fin.

Nous traversions une plantation d’eucalyptus puis une campagne vouée à l’élevage avec de grandes prairies plantées de beaux arbres. Sur le bord de la route, une petite église en bois toute neuve était entourée d’une belle pelouse dans laquelle broutaient des lamas. Beau temps d’été, route facile et plaisante avant d’arriver sur les rives du lac de Puyehué avec baraques à frites, familles en vacances et campings bondés.

 

Dimanche 16 février – Rio Bueno - 57 km

Nous avons voulu continuer à aller de lacs en lacs par une route secondaire. Mais cette fois-ci le miracle de la veille n’a pas eu lieu. Piste dès le début, piste jusqu’au bout. Notre carte indiquait 28 km, avec une simple erreur de 10 km. En fait, nous nous taperons 40 km de piste ce jour là. Leurs pistes sont des routes d’avant l’automobile et je pensais tout en roulant –quand les yeux, les jambes et les mains font instinctivement leur travail pour choisir où poser le pneu, on peut rêvasser – je pensais donc aux gens entassés dans les malles-poste ou diligences à roues de bois d’autrefois, attelés à des chevaux lancés au galop. Il y avait des ressorts, certes, mais cela devait faire un joli tape-cul quand même. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise piste. Une bonne piste est une route goudronnée. Bref, en retrouvant le bitume nous nous faisions la promesse de ne plus prendre les routes secondaires chiliennes. « Je hais les départementales ! » Et le soir dans la tente cela empestait le Baume du Tigre. Il va falloir penser à un petit voyage vers Bangkok pour renouveler le stock.

Alors que nous approchions d’une petite ville, un couple en grosse bagnole s’arrêta à notre hauteur pour nous demander si tout allait bien. Nous en profitions pour nous enquérir d’un camping ou d’un hôtel. Il n’y avait pas de camping, mais ils nous proposèrent tout de suite de venir camper dans leur jardin. La voiture était arrêtée en haut d’une côte sur une route passagère, même pas garée, mais cela ne semblait pas les inquiéter. Les vélos et bagages furent chargés à l’arrière du pick-up et nous prenions place à côté de deux enfants en bas âge.

Nous plantions donc la tente dans leur jardin (un terrain de quelques 5 000 m)  derrière leur maison contemporaine. Nous ne saurons rien d’eux car ils nous laissèrent l’usage de leur maison, cuisine et salle d’eau, et partirent retrouver des amis avec qui ils devaient dîner.  Le lendemain matin, vers 10 h, alors que nous partions, personne n’avait encore bougé et nous laissions un petit mot de remerciements sur la table de la salle à manger.

 J’espérais faire un petit voyage en Araucanie, juste au nord d’Osorno, afin de saluer mon pote illuminé, Antoine de Touneins, Roi d’Araucanie, prétexte à me raconter une fois de plus l’histoire de ce périgourdin un peu fou. Mais il était dit que nous n’irions pas en Araucanie. ,(voir :  http://wikipedia.org/wik/antoine de tounens ( si ça ne marche, chercher antoine de tounens sur goolge)

En effet les échos que nous pouvons avoir sur les transports pour rejoindre Santiago à la fin du mois (rappelez vous que nous sommes ici comme au mois d’août) nous inquiètent un peu. Pourrons-nous nous caser, nous et nos vélos, dans un bus alors que ce sera le retour des vacances ? D’autre part, si nous apprécions le paysage des volcans au bord des lacs et ce temps estival, il est clair que nous nous ennuyons un peu depuis que nous avons quitté Chiloé. En fait, le gros morceau, le plus beau, ce qu’il fallait voir dans le sud du Chili, c’est la partie de la Caressera Austral. Depuis, nous n’avons plus vraiment la pêche. Nous changeons donc nos plans et achetons un billet pour Santiago.

Départ en bus ce soir, mardi 18 février, et arrivée demain matin.

Un autre volet du voyage commence. Nous vous raconterons.

Mais avant d’éteindre votre ordinateur, SVP, allez lire l’histoire d’Igmar, écrite par un copain cycliste. Même si vous n’avez jamais pédalé au Chili, même si vous ne montez jamais sur un vélo, je suis sûre que cette histoire vous divertira un moment et vous instruira de surcroît. (partirlespiedsdevant.com - lincroyable-histoire-digmard-washboard/)faites un copier coller chez google , le lien ne marche pas.

D'une maison bleue accrochée à la colline

Mercredi 19 février -  Samedi 22 février 2014 – Santiago – 1 000 km en bus

 

Les vélos sont arrivés aussi fatigués que nous ayant été enfournés à force dans la cale du bus par un véritable sagouin d'employé.

Pas mécontents de retrouver la chaleur : 30°.

Nous trouvions rapidement dans un quartier très calme une espèce d’auberge de jeunesse pas chère du tout, très bordélique mais tenue par un patron sympa et anglophone qui nous promit une chambre dès que l’actuel occupant – un Allemand qui prenait le bus le soir même – aurait fini de retirer ses affaires. Nous attendions près de deux heures, buvant un jus de fruits frais maison et bavardant avec un jeune couple de Français, puis prenions une douche, puis attendions encore une heure. Quand je m’aperçus que ledit Allemand était en train de se préparer à manger, je lui demandais à quelle heure il se proposait de nous laisser la chambre. Et je me fis alors envoyer sur les roses comme jamais. Ce grand escogriffe, certainement à moitié Autrichien, me répondit, du haut de son mètre quatre vingt cinq : « j’en ai pour plusieurs heures. vous n’avez qu’à attendre. J’ai besoin de manger»  Je le remerciai vivement pour son amabilité et nous pliions bagages. Il était 17 h passé et les trois autres adresses relevées n’avaient plus de place qu’en dortoirs. Nous finissions donc dans un dortoir de huit lits en haut d’un grand escalier dans lequel il fallut monter les vélos jusqu’à la terrasse du deuxième. On s'en serait passé après une nuit blanche dans un bus.  Une soupe de haricots et maïs (un porotos )et une assiette de légumes au petit restaurant de quartier à l’angle de la rue et à 20 h nous étions couchés. Et contre toute attente, la nuit fut d’un calme absolu, notre voisin de chambre ayant sans doute autant besoin que nous de récupérer. Le lendemain matin arriva tout un groupe d’Indiens qui avaient apparemment voyagé de nuit. A leur costume nous déduisions qu’ils venaient du Nord. Les femmes portaient toutes la jupe plissée large, les nattes nouées dans le dos et le baluchon de toile rayée très coloré. Et envie à nouveau d'aller vers le Nord, vers le Pérou, la Bolivie. Ce sera pour un prochain voyage.

Le quartier Brazil dans lequel nous logions est composé de maisons plutôt basses, dans des rues ombragées et avec très peu de circulation. C’est la première impression de Santiago que nous avons eu et qui perdure. Rien à voir avec la fièvre et la saleté de Buenos Aires. Nous entrions dans un supermarché. Bizarrement tous les produits d’hygiène sont derrière des comptoirs, avec des vendeuses auxquelles il faut demander l’article désiré. « Une brosse à dent, SVP. Non, pas celle-là. Celle-ci plutôt. Puis-je voir de près ? Vous n’avez pas plus souple ?... » Perte de temps infini. Ayant enfin choisi, on reçoit un ticket pour aller payer à la caisse où l’on doit à nouveau attendre son tour. La caissière nous remet alors un autre ticket avec lequel on se dirige vers un autre comptoir où une hôtesse nous remet notre brosse à dents soigneusement emballée dans un grand sac en plastique étiqueté. Conclusion : on aura fait trois fois la queue, on n’est même pas sûr de partir vraiment avec l’article choisi, mais on a fait vivre trois employés, ce qui fait autant de chômeurs en moins.

Jeudi soir nous étions attendus par Monserrat et son frère, membres de Warmshower. Monserrat – Monse pour les intimes – est une jeune femme de moins de trente ans qui travaille pour Amnesty internal,  vit avec son frère Felipe et son  chien, Simon, dans une grande maison toute en travaux en banlieue ouest de Santiago. Bien qu’ils en aient les mêmes horaires – nos hôtes vont faire les courses à 21 heures pour le repas du soir qui n’est pas pris avant 22 ou 23 h –  ils ne vivent pas typiquement à la mode chilienne. Ils n’ont pas la télévision, ne mangent pas de viande, ne boivent pas de bière ni de soda. Nous passerons deux soirées bien calmes avec eux à discuter en Anglais. Monse, qui s’est absentée du Chili pendant sept ans, a trouvé un pays qui change, des créations artistiques qui renaissent, une opposition politique forte. Alors que nous parlons littérature elle déplore les difficultés qu’elle a à s’approvisionner en livres et leur coût. Le fait est que nous avons vu bien peu de librairies dans le centre de la capitale et elle doit parfois commander ses livres d’études à Buenos Aires ou aux USA. Nous verrons à Valparaiso une librairie qui vendait des livres d’occasion en Anglais et en Français plus cher que l’exemplaire neuf en France. Ils accepteront de garder nos vélos pendant une semaine, le temps de notre escapade à Valparaiso, puis encore quinze jours pendant notre séjour sur l’Ile de Pâques.

D’une façon générale, Santiago nous parut moins sale et moins glauque que Buenos Aires, bien que nos hôtes nous aient mis en garde contre les vols et agressions dès qu’on s’écarte du centre.

 

 

Samedi 22  à vendredi 28 février - Valparaiso - 120 km en bus

 

Valparaiso ! Un nom qui sent les grands voyages en mer et le bout du monde, les marins du port et la flibuste. Une ville qui sent la merde de chiens. Il est courant que la brume monte de la mer au lever du jour et ne se dissipe qu'en début d'après-midi. Le soleil est doux, tempéré par une brise rafraîchissante avec une température de presque 10° de moins qu'à Santiago. Nous logions à la Maison de la Mer, une maison d'hôtes tenue par un expat français. La ville, c'est en bas, près de la mer justement, entre le port et le marché, et nous débarquions dans des avenues et des jardins publics populeux en pleine effervescence ce samedi après-midi. Nous mangions nos empanades sur un banc tandis qu'à nos côtés un bonimenteur vantait dans un micro ses chaussettes étalées sur le sol, des enfants faisaient du vélo, des étals de bric à brac s'étalaient sur le bitume, une grosse femme en robe de vooile orange chantait dans un micro en se trémoussant. Les piétons piétinaient, la circulation automobile circulait ... un bain de foule. Nous nous sentions comme en vacances, comme dans un encart du voyage avec nos sacslégers sur le dos pour tout bagage. Puis nous prenions une rue extrêmement en pente, tellement en pente que assis on est toujours debout (comment aurions nous pu pousser les vélos chargés dans des côtes pareilles ?) et arrivions devant cette "maison bleue accrochée  à la  colline" où nous avions réservé notre chambre. L'intérieur est un petit coin de France et bernard, le propriétaire, testa tout de suite notre honnêteté en nous demandant dans quelle région se trouve le Mont St Michel. Il est sûrement normand nous disions-nous et donnions la bonne réponse. Ouf ! Acceptés ! Nous nous installions dans notre petite chambre et prenions un café dans le jardin en terrasses. La salle à manger est spacieuse et lumineuse, le petit déjeuner copieux. On peut cuisiner son dîner. Contrairement à ce qui était prévu, nous ne changerons  pas d'hôtel et y prendrons nos habitudes pendant une petite semaine.

 

 

Ca grimpe tellement que, même assis, tu es encore debout

La Sebastiana, l'une des maisons de Pablo Neruda, est à deux pas de notre hôtel. Sur 4 niveaux avec de grandes baies vitrées donnant sur le port et le Pacifique, c'est une maison chaleureuse où l'on s'installerait bien, une fois déblayée la collection d'objets un peu trop envahissante. J'aurais bien vu un atelier de peinture au dernier étage. Si vous ne lisez pas de poésie, ne manquez pas son autobiographie : "J'avoue que j'ai vécu" en format de poche.

Vue de chez Pablo Neruda

Nous flânions dans le labyrinthe de ruelles pentues, de collines en collines, entre des petites maisons bariolées, des fresques et des tags, des palais rénovés et des bâtisses croulantes. Il y avait ce dimanche après-midi une course de vélos casse-cou dans les ruelles et les escaliers.

Ce sera mon dernier saut

La plupart des maisons sont recouvertes de tôle peinte de couleurs vives. Ces tôles ondulées, qui protègent les murs de pisée des intempéries, proviennent, pour les plus anciennes, des containers débarqués au port qui autrefois étaient en bois doublé de tôle.  La tôle est, pour les plus pauvres, l'unique cloison qui les protège de l'extérieur. De tous ces points de vue et terrasses, le regard se perd dans ces collines recouvertes de cubes colorés.

Maisons recouvertes de tôle peinte

 

Le Musée des beaux Arts occupe un palais blanc à l'allure quelque peu mauresque. Nous y passions un bon moment en compagnie de peintres fin XIXème et début XXème - notamment Paul Désiré Trouillebert (allez percer avec un nom pareil !).

Le cimetière raconte l'histoire de la ville. Les inscriptions sur les plaques tombales du XIXème siècle, désignent Untel né à Glasgow - mort à Valparaiso-, Unetelle née à Londres - morte sur le navire en vue de Valparaiso -, tel jeune officier de marine né à Hambourg - tué à Valparaiso. Il y a encore des caveaux portant les noms des matelots morts ou disparus lors du naufrage de leur navire dans la baie. 

A une demi-heure de marche du centre ville, en direction du Nord, est situé le port de pêche, toute petite pêche artisanale en fait. Le déchargement des barques était terminé lorsque nous arrivions mais des hommes vidaient des seaux de déchets au pied de la jetée où attendaient une douzaine de loups de mer de belle taille, habitués de la soupe populaire. Présents aussi de nombreux pélicans gris et des nuées de mouettes bien sûr. Spectacle qui nous retint un bon moment.

Nous allions déjeuner d'un chorillo, plat typique de Valparaiso, dans un restaurant non moins typique. Il s'agit tout simplement d'une assiette de frites surmontée de quelques bouts de boeuf bouilli dans une espèce de brasserie qui se veut musée et qui n'est qu’encombrée d'un amas de bibelots sans grand intérêt. C’est à peine propre, même à l'heure de l'ouverture. C’est bruyant et quand le guitariste ne passe pas de table en table, les clips vidéo hurlent et envahissent l'écran géant. Bref, c'est un endroit idiot.

Nous montions ensuite voir la vue du port de la terrasse du musée maritime, puis décidions de ne pas redescendre dans la ville basse mais de tenter de rejoindre notre hôtel en coupant à travers le labyrinthe de rues, de colline en colline. Mal nous en prit. Nous nous perdions et, au coin d'une descente déserte, Dany se fit soudain attaquer. Ils étaient trois jeunes. L’un d'entre eux, le plus grand, attrapa Dany par l'arrière pour lui arracher son sac à dos, ce qui le fit tomber.  Rien de grave. Il n'y avait ni passeport, ni appareil photo, ni carte de crédit, ni argent dans le sac. Seulement des carnets de croquis et des lunettes de vue solaires. Dany s'en tire avec quelques égratignures car vous pensez bien qu'il ne s'est pas laissé faire sans résister !. Alors que nous retournions sur nos pas, une femme comprit la situation et appela la police qui arriva sur les lieux en moins de dix minutes. Et c'est en voiture grillagée que nous étions ramenés à l'hôtel. Nous remercions le flic qui m'embrassa chaleureusement. Chacun son étreinte ce jour là. Il n'y avait plus qu'à faire la queue pour racheter crayons, carnets et sac (voir la brosse à dents un peu plus haut), mais pour ce qui est des croquis de voyage, il faudra faire une croix dessus. Nada ! Tout de même ça fauche pas mal à Valparaiso. Sur la dizaine d'hôtes que nous sommes à la Maison de la Mer, il n'y a pas eu moins de trois vols en trois jours, les autres ayant eu moins de chance que nous puisqu'il perdirent argent et papiers d'identité.

Malgré cette anecdote plus que désagréable nous avons bien aimé notre étape d'une semaine dans cette ville, dans cette grande maison très calme, bleue et jaune, qui nous changea de l'inconfort et du bruit vécus dans les campings les semaines précédentes.

Et dans deux jours, ultime épisode de notre voyage, ce sera l’envol pour l’Ile de Pâques !

 

Rapa Nui, l'île aux mille Moaïs

 

Voici d'abord la réalité, les autres moaïs de cet article seront passé par le filtre de notre interprétation

Dans les années 90 nous avons eu l'occasion de voir, dans un musée de Bruxelles, une expo consacrée à l'Ile de Pâques. Un grand moai était présenté dans une petite pièce bleu nuit, avec le bruit de la mer en bande son. Et je nous revoie tous les deux, assis à même le sol devant le géant de résine, nous perdant dans un rêve. L'Ile de Pâques, à peine vraie, inaccessible, nourrissant notre imaginaire. Et nous y sommes. Il suffisait de prendre un billet d'avion et de planter la tente sur le terrain de camping de Roger et Martha.

L'avion atterrit sur l'une des pistes les plus longues du monde (construite par la NASA). Nous étions attendus avec un collier de fleurs et réalisions alors que nous étions en Polynésie. Il a plu tout de suite une grosse averse, puis il s'est mit à faire chaud, une chaleur tout à fait supportable rafraîchit par une petite brise. Des moaïs, il y en avait partout, des vrais, des faux, des vieux, des neufs, avec ou sans chapeau. Nous repérions vite les plus authentiques, les plus cassés étant bien sûr nos préférés.

Les moaïs, on s'y attendait, on était venu pour cela. Mais ces collines verdoyantes, ces pics acérés de lave sur lesquels le Pacifique vient briser ses rouleaux, ces gros oiseaux de mer (des frégates ?), cette petite ville jardin avec ses murets de latérite brune, ses hibiscus et bougainvillées et ses palmiers, ses maisons coquettes et ses rues propres ... Quel plaisir ! Quelle détente ! Les installations du camping même étaient plutôt propres avec à disposition un salon et une cuisine bien équipée. A 3 700 km du Chili, un peu plus de 4 000 de Papeete, ce bout de terre volcanique de 12 km sur 25 est l'île la plus isolée du monde, perdue au milieu du Pacifique, avec pour plus proche voisin, Pitt Cairn, à 2 000 km, un îlot encore plus petit habité par une cinquantaine de descendants des révoltés du Bounty.

Le jour ne se lève ici pas avant 7 h 30 et le soleil sort en même temps que nous, à 8 h. Nous sommes quasiment seuls à cette heure pour le petit déjeuner, et c'est tant mieux. Si quelques campeurs sont levés et boivent leur café, ils préfèrent rester à l'intérieur de la cuisine communautaire et la terrasse face à la mer est pour nous. Sur le terrain de l'hôtel mitoyen il y a une espèce de cabane et quelques tables sur une petite terrasse fermée sur trois côtés par des bâches. A cette heure là des tasses et des bouteilles thermos attendent les clients, des locaux qui arrivent en voiture ou à mobylette. La patronne, véritable Doudou  antillaise coiffée d'un foulard et vêtue d'un tablier à motifs très colorés, les attend, affalée dans son fauteuil en plastique. Elle parle un mélange d'Espagnol et de Pascuan. Une radio diffuse de la musique folklorique. C'est chaque matin un petit moment de Polynésie. A l'heure de notre thé, au retour de balade, il n’est pas rare que des Chiliens se fassent des steaks à la poêle. L’odeur en est immonde et nous allons en apnée chercher tasses et eau chaude dans la cuisine. Tout au long de la nuit aussi il se font cuire de la viande et que ce soit à minuit ou à 4 h du matin, une odeur de graille plane sur tout le terrain. Mais le soir, c'est comme le matin : nous sommes seuls sur la terrasse pour regarder le coucher de soleil.

La température est idéale : 25° dans la journée, 20° la nuit, avec une petite brise et des nuages pour tempérer l'ardeur du soleil et nous permettre de dessiner. Car pas question de chercher l'ombre d'un arbre dans les sites. L'île est nue comme la main, excepté près des habitations. Voici belle lurette que la forêt qui la couvrait n'existe plus. A la place, c'est une herbe drue très verte avec de grandes bandes jaune d'or de fleurs sèches en cette fin d'été. Certaines des nuées qui filent à vive allure nous lâchent des bruines aussi cinglantes que courtes. Et puis parfois encore le vent, que rien n'arrête sur cet océan, se lève en tempête et ce sont des trombes d'eau qui noient l'île.

Sur nos VTT de location nous parcourons tout le territoire, pédalons avec bonheur sur les petites routes de campagne, restons des heures à dessiner les trombines  de ces géants de pierre au garde-à-vous, ventre en avant, menton volontaire relevé. On dirait une revue militaire.

Les plateformes de cérémonies se succèdent tout le long de cette côte rocheuse inabordable, véritablement hérissée de chevaux de frise naturels.

Des moaïs isolés, ventrus et courts, aux visages à demi effacés, semblent se résigner à recevoir le vent et la pluie jusqu'à la fin des temps.

 

Certains sont tombés d'épuisement de tout leur long. Boum!

Et puis il y a ces alignements de 8 ou 10 statues énormes, tombées elles aussi, face contre terre. Feu ! Et les dieux sont morts.

Leurs chapeaux rouges ont roulé au pied de la plateforme. Nos repères culturels qui nous ramènent aux Celtes face à ces formes primitives ne fonctionnent pas. Ces descendants de nos menhirs n'ont pas plus de 5 ou 600 ans. Et il y a quelque chose de pathétique dans cette poignée d'humains complètement isolée en plein Pacifique qui fabrique et dresse des géants tournant le dos à cette mer la plupart du temps furieuse, comme si rien ne pouvait venir du large. Regards tournés vers l'intérieur de l'île, vers eux-mêmes, les hommes.

Sur la côte Nord est une plage de sable étrangement blanc dans cet univers de lave noire. Elle est bien abritée du vent et on y accède en traversant une palmeraie aménagée pour le pique-nique. Et là, dos à la mer, six moaïs - dont quatre dignement chapeautés de fez de pierre rouge - se dressent sur leur plateforme.

De jour en jour le camping s’est vidé, surtout des Chiliens pour qui la saison des vacances estivales se termine. Et nous n'en sommes pas mécontents. La cuisine en sera peut-être plus propre et les lieux plus calmes. L’ambiance devient bien tranquille autour des fourneaux. Suisses, Français, Allemands et Japonais ont remplacé les Chiliens.

Un matin, surprise, un bateau de croisière mouille tout près de la côte. Les minibus défilent pour aller cueillir les croisiéristes au quai. En fin d'après-midi, alors que nous regagnons le camping après une journée de vélo, de soleil et de vent terminée par une bonne averse, nouvelle surprise : un deuxième paquebot est arrivé. 

La surprise du lendemain matin fut beaucoup moins plaisante. La tente était déchirée, crevée, sur un bon mètre de long ! Les chiens qui se sont battus cette nuit tout près de nous ? Le cheval qui vient brouter et se prendre les sabots dans les ficelles toutes les nuits ? Dire que nous eûmes un début de journée contrarié est un doux euphémisme. Roger, le propriétaire du camping, est venu avec du ruban adhésif pour réparer la formidable déchirure. Tout en y travaillant il nous informe que la loi chilienne interdit de donner des coups de bâton  à un chien et même de le chasser à coups de pierres, ce qui est passible d’amende. Je vais me gêner ! « Il y a trop de chiens sur l’île »  reconnaît-il mais le sien ne peut bien évidemment pas être mis en cause ! Le responsable, c’est l’autre. Son chien qui erre en liberté jour et nuit ne va jamais faire de bêtises chez les voisins ! L’histoire fait le tour des campeurs et quand j’ose dire que les chiens en général sont toujours prêts à faire la connerie qui se présente, je passe pour une vieille fasciste,  pour un bourreau d’enfants –pardon de canidés. Les gens deviennent vraiment cons.

 

Il y a également beaucoup de chevaux en liberté sur l’île, plus d’un millier assurément, ce qui est pas mal pour une population de 3 000 habitants. Ils appartiennent à des propriétaires qui les laissent se reproduire et ne s’en s’occupent pas, n’en font même pas l’élevage. C’est très beau de croiser ces troupeaux de chevaux sur les petites routes. Mais là comme pour les chiens, les îliens ne gèrent rien et n’ont trouvé comme solution que de charger deux employés municipaux de repousser les animaux vers la campagne quand ils arrivent en ville. (Information sous toute réserve donnée par Roger).

Nous quittons l’Ile de Pâques après un séjour de deux semaines. Nous étions venus pour voir des moaïs et nous en avons pris plein les yeux. Rien d’autre à rapporter de cette Ile finalement sans exotisme où le mode de vie et de nourriture sont les mêmes que sur le continent, sans surprise. Mais on s'est bien amusé avec nos crayons !

Santiago, le bus pour Buenos Aires et puis ce sera l’avion pour Marseille. Votre feuilleton préféré connaîtra une brève interruption, mais n’en doutez pas les « aventures de Lescampette » reprendront bien vite.

Petit bilan du voyage

 

Certains voyageurs ont, sur leur blogs ou sites bien structurés, pas comme le notre qui vise au plus simple, une rubrique matos. Je voudrais cette fois-ci faire un petit bilan matériel, car, si aucun problème n'est   grave, l'accumulation de petits détails énervants finit par nous faire sourire, voire rire carrément. Ce qui suit n'intéressera sans doute que les campeurs et cyclorandonneurs bien peu nombreux parmi nos lecteurs amis.

Colonne débit :

La tente :

C'est déjà la deuxième en un an. Vous vous souvenez que la première fuyait par toutes ses coutures. Nous avions rajouté un peu de sous pour avoir un modèle plus performant, plus résistant, plus spacieux ..., une Exped III. Un vrai petit chez nous que nous n'arrivons plus à fermer depuis déjà un mois. Au bout de 3 mois d'utilisation les fermetures éclair se sont grippées. Ca ne monte plus ni ne descend, c'est coincé. Jamais vu des fermetures éclair si rapidement usées - heureusement qu'il ne s'agit pas de celles de nos shorts que nous n'avons pas quittés pendant 5 mois de voyage. catégorie Usure précoce)

D'autre part, si vous avez bien suivi nos péripéties, vous savez donc qu'elle a été déchirée sur un bon mètre (catégorie accident)

Les matelas : achetés chez Decathlon, moins chers c'est certain que des Thermarest, ils se dégonflent au point qu'il faut les regonfler toutes les deux heures. Deux solutions : se réveiller, sortir du duvet et souffler 4 fois par nuit ou se résoudre à dormir à la dure, ce qui est de plus en plus la solution adoptée. (catégorie usure précoce)

Les oreillers gonflables : achetés je ne sais plus où, mais dans le même état que les matelas (usure précoce également)

Cela ne fait pas des nuits très sympas tout ça.

Les vélos :

Ils ont besoin d'une bonne petite révision. Nous sommes toujours ravis de nos Giant achetés en Chine. Ils se sont comportés comme de bons petits robustes sur la Carretera Austral, mais les accessoires ont dégusté.

Nous mettrons dans la catégorie accident le porte bagages avant et le rétroviseur cassés, dans la catégorie sabotage (par les bagagistes sagouins des compagnies de bus) le garde-boue complètement tordu, catégorie usure normale le cale-pied qui ne tient plus que par des bouts de ficelle. Si vous vous faites une image du vélo, il est un peu  fatigué quand même ...

 

Dans la catégorie pertes et vols entrent les lunettes de vue solaires et lunettes de lecture de Daniel, ses carnets de croquis, son matériel de dessin et peinture, un trépied pour l'appareil photo, et, panique à bord !, son tabouret pliable chinois !

 

Colonne crédit :

 

Des rencontres : de voyageurs qui nous ont donné une sacrée pêche et envie de continuer à nous balader. Ils s'appellent Régine et Michel (à vélo), Patrice et Marie (à vélo également), Fred et Ophélie (à vélo couché) - lisez donc leurs derniers articles sur leur blog partirlespiedsdevant.com, Les Trotteurs Anne-Marie et Gabriel en camping-car qui sont partis pour deux ans et ont initiés leurs parents de plus de 90 ans à Internet pour pouvoir communiquer avec eux.

Peu de rencontres de locaux en revanche. C'est souvent comme cela, le voyage provoque la rencontre de voyageurs, ce qui n'est déjà pas rien. Et puis, au moins, on se comprend.

Des paysages : grandioses, surprenants, inoubliables, gagnés à la force de nos mollets.

Et un amour du silence toujours plus fort, ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans ce monde de fous abrutis de bruit dans lequel nous vivons.

Et nous comment on va ? Bien, merci, en pleine forme,  prêts à continuer la balade. Même pas eu une tourista.