Article rédigé à Ubud (Bali) le 21 novembre 2016

 

Mercredi 16 novembre 2016 – Aéroport Kuala Lumpur

 


Bienvenue en Asie. Des fontaines à eau sont disponibles partout dans l’aéroport, l’ambiance  est calme, pas d’annonce vigie pirates toutes les cinq minutes, les chariots sont nombreux et gratuits pour porter les bagages, des employés sont partout pour vous aider, vous guider, ouvrir des portiques spéciaux pour passer avec les vélos emballés, les monter dans le train qui relie les deux aéroports, et tout cela avec le sourire. Et l’on me demande pourquoi nous aimons revenir en Asie ?

 


 

Un thé glacé à l'aéroport de Kuala Lumpur (Malaisie). Complètement zombie au bout de 30 h de voyage. N'en reste plus que 5 pour arriver sur Bali...

 

Jeudi 17- vendredi 18 novembre – Kuta (Bali)

 

Arrivée à 2 h du matin à l’aéroport International de Denpasar. Il fait très chaud. J’ai l’impression de passer devant des manches à air chaud qui me souffleraient dans les jambes. Ce n’est que le bitume humide qui fume. Bien entendu le taxi réservé par Internet n’est pas là mais qu’à cela ne tienne, une ribambelle de chauffeurs sont prêts à nous emmener. Il fait un froid glacial dans la voiture avec la climatisation trop poussée. A côté du volant un écran vidéo diffuse un film. Ainsi il peut suivre son feuilleton en conduisant. Il l’arrêtera cependant dès le départ (je suis mauvaise langue). Nous avons l’impression de tourner en rond dans cette ville toute en sens uniques et cela dure tellement que je me félicite d’avoir un prix fixé à l’avance et non pas au compteur. A 3 h du matin nous nous écroulons sur nos lits et sous la clim, au bout de 35 h de voyage.

Petit déjeuner de fruits frais et d’une crêpe au miel puis nous réorganisons nos sacoches – pulls, gants et chaussettes épaisses au fond. Il faudra encore déballer les vélos et les remettre en état de marche. Si les emballages sont abîmés, le matériel n’a pas l’air d’avoir souffert.
Notre arrivée commence plutôt mal. Le distributeur de billets dans lequel nous introduisons notre carte décompte la somme demandée (1 500 000 !) mais ne la délivre pas. Nous recommençons l’opération et cette fois ci notre carte est refusée, bloquée par le service des fraudes. Cependant sur notre compte le Million et demi de roupies est débité (ce qui ne fait tout de même  que 100 €). Heureusement le service HSBC 1er est là pour s’occuper de ses clients et la chose se règlera par téléphone. (Si je continue à leur faire de la pub je demande une carte gratuite)

En fin d’après-midi nous ressortirons, l’esprit plus libre, pour flâner et découvrir la ville qui se révèle sans intérêt particulier. Une station balnéaire comme on en voit partout dans le monde, avec ses restaurants, troquets et shopping mall le long de la mer. Un couple de jeunes mariés chinois se fait prendre en photo sur la plage –robe à traîne et costume blanc. Le mariage à Bali c’est chic mais pas très exotique. S’ils ont assez de sous, l’année prochaine ils iront se marier à Santorin. Un grand Occidental blond se fait alpaguer par une petite Chinoise. Est-ce qu’il veut bien se laisser prendre en photo avec elle ? Elle se blottit contre lui comme s’il était son petit ami tandis que sa copine fait le cliché. Toutes contentes elles le libèrent et il reprend sa promenade solitaire. Les nuées orageuses sont belles au soleil couchant (oublié l’appareil photo à l’hôtel).

 

 

Nous retrouvons avec plaisir les frangipaniers en fleurs, les offrandes de fleurs et d’encens sur les seuils des boutiques et devant les autels particuliers, les temples de briques et de pierre noire gardés par des monstres grimaçants, le cri du tacot - gros lézard à ventouses scotchés sur les poutres.

Offrande du matin, tout ira bien.

 

Achat d’une paire de tongs. Aucun prix n’est affiché et il semble qu’il faut marchander pour tout. Le vendeur nous voit venir et demande trois fois plus que le prix raisonnable. Il va falloir jouer serré pour les achats. En revanche nous dînerons d’un très bon Nasi Goreng (ou Fried Rice ou encore riz sauté) pour 1,50 € chacun. Petite pensée sans nostalgie aucune pour la « bouffe » mexicaine.

 

Nous faisions l’aller-retour jusqu’au Temple Luhur Uluwatu. Bonne occasion pour tester la circulation. Dense est un mot faible. Et pourtant c’est peut-être moins pire qu’au Vietnam (surtout le Sud, voir page Vietnam décembre 2014). Enfin il faut tout de même avoir les yeux partout, même si le flot de voitures et mobylettes s’écoule sans accrocs ni trop de vitesse. Je déteste par-dessus tout devoir tourner à droite. Si je pouvais je ne tournerais qu’à gauche mais risquerais fort de tourner en rond un certain temps… (rappel : en Indonésie, on roule à gauche).

 

 

C'est quasiment Versailles !

 

La route qui mène au temple monte par endroit terriblement. Il fait une chaleur incroyable et nous sommes trempés de sueur, liquéfiés et abrutis de bruit au bout de ces 20 km. Je crois bien que nous venons de perdre en 2 heures les 2 kg pris pendant nos 3 mois en France. Le temple lui-même n’a pas grand-chose à nous offrir d’autre qu’une promenade dans un jardin au bord de falaises impressionnantes.
De retour à l’hôtel nous profiterons de la piscine avant de nous effondrer sur nos lits pour une sieste.

Le temple de Luhur Uluwatu est perché sur belles falaises

 

C’est décidé, nous quittons le coin demain, direction le centre de l’île. Le voyage va enfin commencer. Nous mettons le réveil à sonner à 5h pour partir avant la chaleur.

 

Samedi 19 novembre – Mengwi – 57 km

 

En partant à 6 h du matin nous croyions être matinaux. En fait près du marché l’ambiance est déjà au top. Sur la route nous aurons une demi-heure à peu près calme, puis le flot continuel de circulation reprendra. Nous sommes quasiment continuellement en ville et pourtant longeons de temps à autres des trouées de rizières, comme si l’on avait oublié de construire là.

En début de matinée les travailleurs sont dans les rizières, pieds nus dans l’eau, cassés en deux vers le sol pour repiquer les jeunes plants – et je me demande toujours comme ils font pour se redresser. Ceux qui labourent pataugent dans la boue jusqu’à mi- mollet. Un autre fait le tour de la rizière avec une espèce de moulin à prières. Fait-il du bruit pour éloigner les oiseaux ou les démons ? Pour éloigner les oiseaux il y a des espèces d’épouvantails et des bandes de tissu attachées à des perches de bambou. Contre les démons il y a des offrandes aux génies sur des autels en plein champs. Nous verrons sur le bord de la route des magasins où acheter des autels et des statuettes en ciment. Et puis il y a des temples, un nombre incroyables de temples, beaucoup privés, dans les jardins.
Nous voulions visiter le temple de Thana Lot et rations l’embranchement. Demi-tour ; cela ne fera que quelques kilomètres de plus. « Pour y être seuls, allez-y le matin » informe le Guide du Routard. Apparemment tout le monde arrive en même temps que nous, dès 8 h. Je n’ose imaginer la foule au couchant !  Là encore il s’agit surtout de se promener dans un jardin, mais la position du temple principal sur son ilot de pierre noire frappé par une forte houle est vraiment belle. 

Les dalles de la promenade au temple joliment gravées de feuillages

 

Laissant passer une averse tropicale nous reprendrons la route pour nous arrêter tout de suite dans un petit restaurant. Il est 9 h 30 et nous avons faim. Une assiette de riz chacun avec des œufs et des beignets de soja et un coca : 1,50 € à deux ? Une pensée pour les gens qui travaillent dans les rizières.

Mengwi nous pensions visiter le temple également mais arrivons dans un tel état de fatigue à cause de la chaleur – dès 7 h du matin chemises et pantalons (sans parler des sous-vêtements) sont à tordre et la sueur salée nous coule dans les yeux (ça pique !) – qu’il nous faut trouver un hôtel rapidement. Mais comment font donc les Balinais pour ne pas avoir de vilaines auréoles  sur leurs T shirts ? Nous tournerons pendant près d’une heure sans rien trouver et nous rabattrons finalement sur l’adresse donnée par Josée et Jean Robert qui étaient là il y a deux ans. 700 000 IDR (50 € !) Glupps ! Nous ne sommes pas venus dans l’un des pays les moins chers du monde pour payer une chambre 50 € ! Après marchandage, nous l’obtiendrons pour 35 € mais sans petit déjeuner. Et alors nous découvrons les lieux. C’est absolument superbe ! Grand luxe. Pour le prix d’un camping sans douche en Californie. C’est tellement beau que nous ne ressortirons pas de l’après-midi. Tant pis pour le temple.

Vue sur la route une Vierge à l'enfant un peu spéciale...

 

Dimanche 20 novembre – Ubud – 17 km

 

Une toute petite étape et dès 8 h 30  nous cherchions un logement. On trouve à partir de 10 €, très correct, mais nous nous décidions pour cette GH à cause de la décoration, de la clim, du balcon privé très aéré, de la vue sur la végétation… Bref, nous réservions pour cinq nuits. Il est pourtant encore tôt mais nous devons déjà nous changer, la sueur nous coule du menton et du bout du nez. Nous sommes accueillis avec tant de gentillesse, un petit déjeuner d’accueil offert. (On se croirait en Grèce …) Nous nous installons. Doucement. Il faut y aller doucement. Nous ne sommes arrivés qu’il y a trois jours.

Entrée de notre maison d'hôtes à Ubud

 

Ubud, je vous raconterais la prochaine fois. Désolée, c’est l’heure du goûter. Dany nous a préparé un fruit du dragon.


chacun sa charge
chacun sa charge

Article rédigé le 28 novembre 2016 à Amed (Bali)

 

Nous vous avions laissé à Ubud où nous restions plusieurs jours.

 

Chaque  matin une femme faisait le tour de la maison et du jardin en déposant des offrandes de fleurs et d’encens un peu partout. Parfois il ne s’agit que de quelques grains de riz sur petit bout de feuille de bananier qu’elle coince dans l’entrebâillement ou dépose carrément dans le milieu de la rue, face à la porte. Pendant leur temps libre, les hommes jouent avec leur téléphone tandis que les femmes tressent des petits paniers à offrandes, comme maman prendrait son tricot. 

Tout est signe, tout est symbole. Ce que nous prenons pour de la décoration a un sens divin : des drapeaux de couleurs au bord de la terrasse, des bandes de tissus autour des piliers de soutien, des pliages de fibres ou de papier. La maison de nos hôtes se compose de plusieurs bâtiments éparpillés dans une cour, salles à vivre, chambres, cuisine, certaines d’entre elles fermées de portes surchargées de moulures et de dorures comme des temples. La moitié de la cour est une enceinte sacrée réservée au temple privé de la famille et dans lequel on ne pénètre pas sans y être invité. Comme dans toutes les demeures, Ganesh veille et il y a des petits autels, des statuettes, des plantes en pots, tout cela relié par un labyrinthe d’allées très étroites. C’est un peu étouffant tout cela.

Dans le jardin de notre maison d'hôtes

 

Les seuils des demeures, la porte qui donne sur la rue, souvent haute et peu large, ressemble à s’y tromper à des entrées de temples, surchargées de monstres et d’entrelacs en pierre ou ciment et, dès passé ce seuil, on se heurte toujours à un obstacle, muret, Ganesh en personne, végétation. Les mauvais génies, méchants mais très bêtes c’est bien connu, n’auront pas l’idée de passer sur les côtés. 

Pour dîner nous avons définitivement élu une gargote tenue par des Indiens musulmans. Les assiettes sont copieusement garnies et nous nous en sortons pour 1,50 € par personne.

Dany nous avait concocté pour ces quelques jours de sédentarité des balades dans les environs d’Ubud avec des pourcentages impressionnants,  des côtes de 25 à 28 %. Evidemment, même sans bagages, dans ces conditions nous poussons. Mais nous passions ainsi dans des vallons touffus et des rizières plantées d’autels à offrandes et de petits temples.

A environ 5 km du centre d’Ubud, au beau milieu des rizières, est une frise gravée dans la roche volcanique. La couleur noire de la roche tranche sur le vert cru des rizières. Sur 25 m de long on retrouve des scènes du Ramayana indien sculptées au XIIIe siècle. Des femmes aux seins nus et pieds tournés sur le côté, un cavalier sur son cheval semblent tout droit sortis des toiles de Gauguin. La ressemblance avec son cavalier blanc sur la plage est d’ailleurs troublante. 

Nous remarquons d’ailleurs dans la rue nombre de visages qui auraient pu servir de modèles à Gauguin. Dans l’après-midi nous allions jusqu’au Neka muséum d’Ubud voir la tendance de la peinture balinaise. Que le monde balinais est dense ! Dans la réalité, les maisons s’entassent et se serrent, les routes sont surchargées de voitures et mobylettes, les porches et temples de monstres et autres dragons, la végétation ne laisse pas de vide. La peinture est l’exact reflet de cette surenchère d’éléments. On a toujours l’impression que le peintre n’a cessé, tant qu’il y avait un petit espace libre sur sa toile, de rajouter un petit quelque chose. Même les cieux et les eaux sont pleins de lignes enroulées, de cercles ou d’orbes censés représentés l’onde ou les nuages. On se noie, on étouffe. 

Une salle retiendra toute notre attention : celle dédiée à Arie Smit, peintre néerlandais qui passa la majeure partie de sa vie à Bali et est mort récemment à l’âge de 99 ans. Il a tout à fait su traduire cette surcharge des éléments et la chaleur du climat par des couleurs chaudes et des surfaces pleines, mais sans tomber dans l’illustration comme ses contemporains locaux. Nous avons beaucoup aimé son travail.

Nous allions à Tirta Empul pour la source sacrée d’une rivière dont l’eau est censée purifier l’âme et donner la longévité. On n’y entre pas sans avoir revêtu le sarong.

Le sarong te va si bien mon chéri !

 

 Quelques touristes se trempaient dans un bassin, mais dans un autre l’ambiance était beaucoup plus spirituelle et les dévots priaient et se passaient l’eau sur le visage et la tête. Une scène très indienne. 

Ci-dessus racines d'un arbre gigantesque dans le temple

 

 En quittant le temple peu après midi nous nous réfugions 500 m plus loin dans un petit restaurant alors que le ciel noir d’encre ouvrait ses vannes. Il allait pleuvoir tout l’après-midi. Retour sous une pluie battante, comme les jours précédents.

Vendredi 25-samedi 26 novembre 2016 – Padang bai – 38 km

 

 

La pluie a menacé dès le matin et nous avons même eu quelques gouttes sur la route. C’était jour de fête un peu partout  et les villages étaient décorés de grandes perches de fibres avec des rubans et des petites niches tressées pour recevoir les offrandes. Des processions de femmes avec des corbeilles de fleurs et de fruits se dirigeaient vers les temples.

Nous entrions dans le centre-ville de Semarapura pour prendre de l’argent dans un distributeur automatique et là, par contre, c’était ville morte. Pause chez un Chinois pour boire un thé et un café glacé, puis nous repartions, cape de pluie sur le dos.

Au bout de 40 km dans cette circulation dense et bruyante on en a plein la tête et nous étions contents de trouver, à Padang Bai, un logement à l’écart de la rue principale. C’en est fini du grand confort et de la clim nous disions-nous et options pour une chambre avec ventilateur et douche froide. L’endroit nous avait paru calme au premier abord mais nous n’avions pas remarqué l’école de musique traditionnelle en plein air située juste de l’autre côté de la ruelle. Et le samedi soir, c’est jour de répétition. Concert gratuit donc, de notre chambre. Le mainate du logis avait beau les siffler, les joueurs s’en donnaient à cœur joie sur leurs gamelans. Nous ne sommes pas qualifiés pour juger du niveau des joueurs, mais tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que cela fait beaucoup de bruit.

 

Une demi-journée à Padang bai aurait suffi. Nous marchions vers l’Ouest jusqu’à une plage de sable noir puis vers l’Est jusqu’à un lagon où des baigneurs nageaient munis de masques et de tubas. Mais la barrière d’immondices à franchir, flottant près du rivage, nous ôta toute envie de prendre un bain. La seule particularité du coin est la forme des bateaux de pêche à balanciers et flotteurs de bambous.

C’est de Padang Bai que partent et arrivent les ferries et les fast boats pour Lombok où nous pensions d’abord aller passer quelques jours mais la difficulté du relief sur cette ile vérifié sur Internet nous fit changer d’avis. La chaleur nous épuise. Nous continuerons donc notre tour de Bali en petites étapes.

 

Dimanche 27 novembre 2016 – Amed – 47 km

 

J’en étais à me dire au bout d’une vingtaine de kilomètres qu’il n’y a franchement pas grand-chose sur cette route quand le volcan Agung (3117 m) s’est dressé sur ma gauche.

Et c’est dans ce genre de moment que l’on se dit que notre sueur valait vraiment la peine.

Les paysages de rizières dans cette région sont superbes, puis il y eut une grande descente sur une belle vallée avant d’arriver àAmed, station balnéaire touristique mais beaucoup plus agréable que celle de Padang Bai. Nous étions trempés de sueur, nos liquettes étaient à tordre. Nous trouvions rapidement une chambre dans nos prix. – Avec ventilateur ou « air con » ? – Avec ventilateur devait suffire, conformément aux bonnes résolutions prises la veille. La douche, une bonne assiette de riz+légumes+œuf et nous nous affalions pour la sieste. La chaleur était tellement intenable que, dix minutes plus tard, nous allions payer le complément pour avoir l’ « air con ». Depuis que nous nous baladons à vélo, c’est la première fois que nous avons aussi chaud. Et je comprends pourquoi les Balinais ne descendent que très peu de leur mob. En roulant, on se fait de l’air.


la plage d'Amed et le volcan Agung dessiné par Daniel
la plage d'Amed et le volcan Agung dessiné par Daniel

Article rédigé le 6 décembre à Pemuteran

 

La plage de sable noire d’Amed, pleine d’embarcations à flotteurs, est dominée par l’imposante masse du volcan Agung, la plupart du temps couronné de nuages. A 7 h du matin nous assistions à quelques retours de pêche. Lorsqu’un bateau atteignait le rivage il se trouvait toujours quelques gars pour aider à le tirer sur la plage. Ils repartaient alors avec deux poissons chacun, le tarif paraissant immuable d’une embarcation à l’autre. Les maquereaux semblent composer la majeure partie de la récolte mais il arrive qu’un gars ramène un gros barracuda comme ce matin-là. Le soir les jeunes pêchent à la ligne de la plage, sans beaucoup de succès semble-t-il.

Nous prenions les vélos pour pousser un peu plus loin sur la côte. Mais, outre la circulation de mobylette incessante, les côtes démentes, la chaleur vinrent à bout de notre courage au bout de 5 km. A 10 h du matin c’était déjà la sortie de l’école pour une foule de collégiens, en chemise blanche et short ou jupe bleu marine ; qui rentraient chez eux dans un flot de mob. D’après ce que nous voyons depuis que nous sommes dans l’ile, à 5 ans les enfants jouent sur leur tablette et Internet et à 10 ans ils ont leur mob. Il existe tout de même un ramassage scolaire.

Tulamben n’est qu’une station de plongée sur une plage de galets noirs. C’est là, à quelques 30 m du rivage, qu’est échoué un cargo américain pris pour cible par des sous-marins japonais dans les années 40. A faible profondeur il attire les poissons venus se nourrir des coraux qui se sont accrochés à la carcasse, et les plongeurs qui veulent voir les poissons.

 

Mercredi 30 novembre – Lovina – 72 km

cérémonie sur la plage de Lovina
cérémonie sur la plage de Lovina

Vendredi  il nous fallut donc nous rendre pour la seconde fois au bureau de l’immigration, pour être pris en photo nous avait-on dit mardi. Nous décidions d’y être à l’heure d’ouverture pour ne pas attendre : 7h30. Le bureau était ouvert mais visiblement personne n’était à son poste, bien que la télévision ait été allumée. Puis j’avisai un jeune employé et lui demandai si quelqu’un allait venir pour les extensions de visa. Oui, mais ils allaient d’abord faire leur gymnastique. Nous pouvions participer si nous le désirions. Une enceinte fut installée sur le seuil de l’établissement, tournée vers l’extérieur. La prof arriva et les employés se mirent à gesticuler derrière elle sur une musique au volume à la limite du supportable.

 

Nous participions dix minutes puis abandonnions. Cela devait durer trois quarts d’heure. Enfin, chacun prit son poste, sauf celui qui nous avait reçus mercredi et qui était censé s’occuper des passeports étrangers. J’allai voir son collègue qui me répondit qu’il allait venir mais « pour l’instant il prie »… Il arriva une bonne vingtaine de minutes plus tard, prit nos récépissés et disparut. Une bonne demi-heure plus tard, il réapparut et nous dit que maintenant nous pouvions nous rendre à la caisse pour payer. 25 € chacun. Je m’attendais à plus, donc pas de surprise. Puis il fallait aller attendre pour être pris en photo. Or, depuis que nous étions là la file d’attente n’avait pas bougé d’un poil. Quelle ne fut pas ma surprise de nous entendre appeler presque aussitôt ? Photo, prise d’empreintes, répondre à quelques questions sur le pourquoi de notre séjour, la suite de notre voyage et nous fûmes conviés à revenir chercher nos passeports et visas mardi prochain. Tout s’était passé avec le sourire. Rien à voir avec les visages fermés et regards autoritaires des Officers américains (cf. voyage du printemps dernier). Comme la veille nous avions observé un petit moment de la vie balinaise.

La gym matinale des employés du Bureau de l'Immigration de Singarya (Bali)
La gym matinale des employés du Bureau de l'Immigration de Singarya (Bali)

Il nous restait encore trois jours à attendre mais nous déménagions. Ce n’était pas si mal chez Gede mais notre bungalow était un peu près du restaurant et de la télévision et la crêpe du petit déjeuner n’était vraiment pas bonne. Nous faisions donc nos sacoches pour aller nous poser deux kilomètres plus loin, dans une petite structure de trois bungalows (où soit dit en passant, la crêpe du petit déjeuner n’est pas meilleure). 

Nous y étions les seuls clients. Cette fois-ci encore la ruelle, perpendiculaire à la route très passante, est bordée d’hôtels déserts en cette saison et aboutit en cul de sac à une plage sans intérêt. Nous allions le matin découvrir les alentours et nous enfoncions, par de toutes petites routes étroites, dans une végétation dense de bananiers et palmiers jusqu’à la montagne.

C’est sous cet ombrage un peu étouffant que les villages s’étirent, avec des maisons parfois assez jolies. Dans des cours de ferme picorent poules et canards et sont attachées deux ou trois vaches. Une maison sur deux possède une minuscule boutique sur le devant, proposant boissons, bonbons et chips ou des téléphones portables et accessoires informatiques. Certaines font laveries et affichent leur prix : 4 000 IDR le kg, soit 0,30 €.

 

A noter qu’il fait nettement moins chaud que les jours précédents, le ciel étant la plupart du temps couvert et menaçant.

Et c’est au son du muezzin que j'ai mis cet article en ligne. Nous venons d'arriver à Java, le plus grande région d' Islam du monde, 135 millions d’habitants, une des plus fortes densités de population de la planète. Autant dire que nous ne serons pas souvent seuls. On vous racontera.


Article rédigé le 15 décembre 2016 à Batu (Java)

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi 7 décembre 2016 – Banyuwangi (Java) – 38 km + bac

 

De nombreux bacs font la navette et vadrouillent  entre Bali et Java, ne tenant pour certains que par la peinture. Contents que la traversée ne dure que vingt minutes. 

Dès les premiers tours de roues nous notions des changements par rapport à Bali. Tout d’abord, il y avait des cyclopousses. Ensuite la circulation était beaucoup plus rapide et les chauffeurs se servaient volontiers du klaxon. Et bien sûr, les muezzins déclamaient à cœur joie, en même temps, des textes différents.

 

 

Nous avions repéré un hôtel vraiment pas cher  à 4 km du port. Il s’avéra que les chambres  étaient des cellules sans fenêtres, tout près de la route très passante. L’hôtel voisin avait l’air un peu trop classe pour nous. Nous y demandions tout de même le prix : 17,50 € avec petit déjeuner. Les terrasses, le jardin et la piscine avaient grande allure mais la chambre était un peu défraîchie. Je n’étais pas sûre non plus que les taches sur les draps soient des taches propres et demandais à ce qu’ils soient changés. Retrouvée aussi la petite flèche verte au plafond des chambres qui nous indique la direction de La Mecque.

Repos du cyclo

 

Réveillés à 3 h du matin par le muezzin. Un jour en France il faudra peut-être s’habituer aussi…

 

Jeudi 8 décembre 2016 – Kalibaru – 63 km

 

 

Beaucoup de monde sur la route, beaucoup de camions aussi. Les agglomérations se succédaient sans beaucoup d’espaces de nature entre elles. Impossible de voir les volcans noyés dans la grisaille.

A l’entrée de Kalibaru on peut monter son ménage. Les boutiques de gamelles s’alignent le long de la route et l’on entend par derrière, dans les ateliers, le martèlement des ferblantiers.

L’orage se déclencha en milieu d’après-midi et il plut toute la soirée. C’est sous un déluge et en plongeant les pieds dans d’énormes mares que nous allions diner au restaurant le plus proche.

 

Vendredi 9 décembre 2016 – Jember – 47 km

 

 

Réveil à 5 h. Il pleuvait.  Le temps de nous préparer les nuages se soulevaient comme des paupières lourdes après la nuit et nous partions pour notre première  grimpette dans la forêt humide jusqu’à des plantations de café. 

route dans les plantations de café
route dans les plantations de café

Marchand de bananes sur le bord de la route

 

Le long de la route se succédaient des abris dans lesquels on devait pouvoir, à certaines périodes de l’année, acheter des grains de café fraichement récoltés, mais pour l’heure il n’y avait apparemment rien à vendre et des femmes, qui n’avaient vraiment pas l’air de rouler sur l’or, faisaient des signes aux véhicules, sans succès. Pour faire la manche ? Nous n’avons pas compris. En haut du col on pouvait boire un café, mais connaissant déjà ce breuvage insipide servi en Indonésie, nous entamions la descente sans faire de pause-café. Les meilleurs cafés bus au cours de tous nos voyages en Asie restent le vietnamien et celui du Laos. Je croyais qu’en Indonésie nous boirions de l’excellent thé puisque le pays en est aussi producteur. Râté. Il n’a que le goût d’eau sucrée.

Troquet du bord de la route

 

 

Pour ce qui est de faire la manche elle est très organisée dans la plupart des bourgades que nous traversons. Des haut-parleurs hurlent du bla-bla-bla religieux tandis que des gens ralentissent la circulation en tendant des récipients pour récupérer des dons. D’après les affiches et la proximité systématique d’une mosquée non terminée, j’en ai déduit qu’il s’agit de récupérer des sous pour la construction de bâtiments religieux.

L'une des nombreuses mosquées en construction

 

Nous atteignions Jember vers 10 h, à la sortie des écoles. Vu que nous les voyons tous les jours se rendre à l’école vers 7h je n’ai pas l’impression que les enfants soient écrasés par les heures de cours.

 

Dans les zones rurales, seul 60% des élèves d’écoles primaires vont à l’école, malgré les 9 années obligatoires. L’école pour tous n’existe pas en Indonésie et l’éducation nationale est un vrai business en dehors des grandes villes. Il y a beaucoup de frais à la charge des parents (matériel, uniforme…), impossible à payer par les familles les plus défavorisées. Vous verrez donc beaucoup d’enfants travailler avec leurs parents lors de vos vacances à Bali. 
Les nombreuses absences des professeurs et leur incompétence affaiblissent encore un peu plus le système. Seulement la moitié des professeurs Indonésiens ont les diplômes nécessaires pour enseigner, les autres n’en ont pas ou ont acheté leur diplôme. C’est une pratique très répandue en Indonésie.
Il y a beaucoup de triche en Indonésie, tous les élèves ou presque valident leurs examens (99,9 %), et ce, bien souvent grâce à des méthodes de tricherie. Les élèves trichent sans complexes, ils savent que c’est monnaie courante et qu’ils ne risquent rien. 
Les enseignants sont parfois complices : dans certains établissements, les professeurs, glissent les réponses de l’examen avec le sujet, ou écrivent même directement les réponses au tableau. (http://www.balipassion.net/fr/blog/l-education-en-indonesie/)

Quels embouteillages ! Dans le flot de véhicules à moteur se faufilaient des cyclo-pousses trimbalant des mômes en costume d’écoliers ou des femmes revenant du marché. Ils nous ouvraient la route, à condition bien sûr d’aller au même endroit qu’eux. Cela me rappelait le quartier chinois de Saigon… Il nous fallut tourner à droite. Je l’ai déjà dit : j’ai horreur de tourner à droite. Or cette fois-ci, étant sur la file de gauche et vu le torrent de mobylettes qui déboulait, c’était mission impossible. Nous tentions de traverser à pied. Au bout d’un certain temps qui nous parut fort long, un gardien de parking armé d’un sifflet vint à notre secours et arrêta de façon autoritaire la circulation pour que les deux touristes puissent passer. « Terima Kasi » (merci). Sans lui nous y serions peut-être encore. Mais j’ai compris. Moi aussi j’ai un sifflet et à l’avenir, je saurais m’en servir.
La douche, une assiette de riz, la sieste et nous ressortions « voir la ville ». Eh bien il n’y avait rien à voir. Et une fois de plus, comme à  Saigon, comme à Salt Lake City, nous étions les seuls piétons. Nous tombions en arrêt devant des drôles de fruits à peau de lézard au goût de pomme citronnée : des salaks. Si l’un d’entre vous connait un mot un peu plus français pour désigner ces fruits, nous sommes preneurs.

Alors que le muezzin venait de se taire notre oreille fut surprise par des sons de cloches. Une église ? Il y en avait une en effet tout près de notre hôtel.

Une sirène hurle soudain au-dessus de nos têtes. Que se passe-t-il ? Où est la voiture des flics qui fait ce vacarme ? Nous n’y sommes pas du tout. C’est simplement le feu vert qui prévient qu’il passe au rouge. Conclusion : il ne fait pas bon habiter au-dessus d’un feu rouge en Indonésie.

 

Samedi 10 décembre 2016 – Lumajang – 77 km

 

 Nous quittions la Nale 3 beaucoup trop fréquentée pour une route secondaire passant plus au Sud, par des villages agricoles, des rizières mais aussi des champs de canne à sucre et de maïs. Les grains séchaient en tapis d’or dans les cours et jusqu’au bord de la route et je me demandais ce qui allait se passer quand l’orage de l’après-midi allait se déclencher. Nous franchissions de nombreuses rivières torrentueuses et boueuses et les habitations étaient la plupart du temps séparées de la chaussée par un canal d’irrigation très profond – ce qui laisse imaginer la quantité d’eau qui peut couler en pleine mousson. Des femmes lavaient leur linge dans le canal.

Nous sommes salués de toutes parts de « Hello ! », « Good Morning !, « How are you ? », « Where you go ? » et d’autres exclamations que nous ne comprenons pas  Mais nous, polis, nous répondons toujours par un signe de la main et un sourire.
Ne pas « causer javanais » nous réserve parfois des surprises. Par exemple quand on commande n’importe quoi au restaurant en se disant « on verra bien ». Mais parfois elle est bonne. Ainsi Daniel a commandé un jus de fruit au pif et s’est retrouvé avec un délicieux jus de goyave. Ah ! Ce mot-là, je m’en rappellerais ! Euh … ça se dit comment déjà ? Pour continuer sur le chapitre culinaire, le vrai voyageur ne doit jamais avoir l’air étonné et à la question « Pour le petit déjeuner, vous préférez du riz ou des nouilles ? », il répond, très à l’aise et au courant des choses : « des nouilles ».

 

A l’heure redoutée (à cause des embouteillages) de la sortie des écoles nous nous arrêtions dans un petit restaurant  ouvert sur l’extérieur pour manger une assiette de nouilles de riz et boire un coca. Nous étions aux premières loges pour voir les enfants en tenue marron rentrer chez eux à vélo. 

C’était la première fois que nous voyons autant de vélos. Etait-ce un fait de la ruralité ? Si les gamines portent toutes l’ample jupe longue et le foulard pour aller à l’école, dans la rue en revanche les femmes et jeunes filles « en cheveux » ou « en foulard », en jupe informe ou en jeans, se mélangent, y compris à ce qu’il nous parut dans une même famille.

 

Le premier hôtel visité à l’entrée de Lumajang fut le bon. Chambre avec ventilo et douche à la casserole pour 8 €. Cela ne nous empêcha pas de faire le tour de la ville pour voir les autres établissements. Nous traversions un quartier de rues calmes avec de coquettes maisons et je rêvais d’une chambre dans cet endroit. Mais les hôtels étaient dans le centre, dans des rues très populeuses où nous aurions certes pu être logés pour encore moins cher mais de façon plus sommaire. Bref nous visitions ainsi la ville en nous rajoutant 8 km au compteur avant de revenir à notre point de départ. L’hôtel sera complet le soir et je me demandais bien ce que venaient faire tous ces gens à Lumajang.

Ambiance de rue à Lumajang

 

Dimanche 11 décembre 2016 – Probolingo – 60 km

 

A la sortie de Lumajang nous tombions sur une parade de cyclistes. Plusieurs centaines de vélos de ville montés par des hommes et femmes de tous âges, certains costumés. Les vélos aussi étaient parés, de cornes de béliers en guise de guidon, de chromes façon Harley Davidson, de sonos et alarmes bien sûr. Enfin c’était sympa comme tout et nous regrettions presque de ne pas aller dans le même sens.

Parade de cyclistes à Lumajang

 

Il devait y avoir d’autres manifestations ce jour à Lumajang car ce fut une circulation démente qui venait face à nous alors que nous nous en éloignions. Bus, voitures, camions, mobs en multitudes, se doublaient en deuxième ou troisième position, en haut de côte, dans un vacarme assourdissant. A Kakla nous nous sauvions par une petite route sur la droite qui montait jusqu’à un lac au pied d’un volcan verdoyant chapeauté de nuages.

 

Un peu de paix dans ce lieu fréquenté par les pêcheurs.

Au passage vu des gens en train de laver leurs camions, mobs, vélos et les gosses jouer dans une rivière. Cette scène nous en rappelait une autre dessinée il y a au moins sept ans au Laos non loin de Van Vieng. Mais ici impossible de croquer in situ tant il est difficile de faire une pause, s’installer, contempler.

 

Lors d’une pause coca devant un supermarché un groupe d’adolescents à moto voulurent se faire prendre en photo avec nous.

Lundi 12 décembre 2016 – Pasuruan – 40 km

 

Nous roulions avec la silhouette massive du Bromo, volcan sacré de Java, sur notre gauche. L’idée de nous en approcher nous tentait mais le relief et les pluies abondantes de ces derniers jours nous firent renoncer.

 

Pasuruan a un centre plutôt agréable avec un square devant son énorme mosquée. Une famille qui se prenait en photo devant l’horrible fontaine du square voulut que nous nous joignons à eux. Un cliché, deux clichés, au quatrième nous nous sauvions en riant.

Dany se cherchait un short mais apparemment nous n’étions pas dans le bon quartier.

Le 12 décembre, jour anniversaire du prophète, les haut parleurs hurleront leurs flots de paroles, prières et chants sans discontinuer sur toute la ville. Nous étions aux premières loges et la nuit s’annonçait pénible. Hors de question d’écouter autre chose depuis 6h du matin, même portes et fenêtres fermées. Impossible d’oublier qui est au pouvoir.
Lorsque nous ressortions vers 19 h l’ambiance avait totalement changé. Il y avait foule sur le boulevard, un va et vient monstrueux de sepeda motor (ou mobylettes) dans lequel les cyclo-pousses taillaient leurs chemins à grands coups de sonnette. Un marché de nuit s’était installé et l’on pouvait manger son riz ou ses nouilles près des stands, assis sur des bouts de carton ou de plastique à même le bitume. Les boutiques du marché étaient ouvertes et débordaient à l’extérieur. Mais dans cette ambiance festive personne n’avait un verre à la main, ni même une bouteille de soda et bizarrement il n’y avait nul endroit où acheter une confiserie ou ces glaces garnies de fruits dont les Indonésiens sont habituellement friands. Nous dînions fort mal d’une mauvaise pizza, histoire de changer du riz, et rentrions dans notre chambre si calme maintenant que la mosquée s’était enfin tu.

Mardi 13 – mercredi 14 décembre 2016 – Malang – 54 km

 

Un monde fou sur la route. Jamais eu l’occasion de rouler dans une cohue pareille qui s’agglutinait en embouteillages à chaque traversée de bourg. Le pire fut en arrivant sur Malang (1 million d’habitants). Mobylettes et motos s’infiltraient alors partout entre les voitures et les camions, doublaient par la gauche, sur les bas-côtés de la route. Certaines voitures faisaient de même. La traversée de Bangkok ? , de Mexico ? Facile en comparaison.

A Malang il n’y a guère que le marché aux oiseaux à visiter. Mais cela nous occupa, avec les poissons et les fleurs, toute la matinée.

Nous avons voulu pénétrer dans les montagnes et nous voici en plein dans les nuages. C’est bien fait… « Il y a de l’orage dans l’air, il y a de l’eau dans le …  entre le …. et la Java »


Article rédigé le 25 décembre 2016 à Jogjakarta

 

Jeudi 15 décembre 2016 -  Batu – 23 km

 

Nous décidions de prendre la route par la montagne en espérant affronter moins de circulation. Raté. De Malang à Batu on est en ville constamment, on ne voit rien du paysage et le trafic est intense. Une fois n’est pas coutume, nous avions réservé notre hôtel à l’avance. Batu, à 900m d’altitude, étant soi-disant un havre de villégiature, les hôtels affichaient de nombreuses étoiles. Eh bien ce ne fut pas une réussite. La chambre et les installations étaient vétustes et sales, le lit déglingué, rien ne fonctionnait (la lumière de la salle d’eau ne s’éteignait pas…), l’eau de la piscine était glauque et quant à la terrasse sur jardin annoncée nous ne la trouvions pas. Et si les hôtels de luxe étaient en effet nombreux au bord de cette route bruyante je n’ai pas compris en quoi Batu pouvait être un endroit plaisant de villégiature. Il plut tout l’après-midi et la température chuta, au point de devenir presque fraiche.

La région est productrice de pommes. Qui ne connait les fameuses pommes de Batu en effet !? Pour ma part j’aime surtout la « battue aux pommes », celle de l’ami Noël par-dessus-tout. Rien que d’y penser j’en salive … Et je ne vous dis pas quand il y met des figues ! Ca y est, les fantasmes culinaires commencent. Il faut dire que les menus sont plus pauvres à Java qu’à Bali. A part du poulet et du riz, difficile de trouver autre chose. Même le bubur(porridge) du petit-déjeuner est au poulet ! Combien de milliards de poulets peuvent être abattus chaque jour dans le monde ? Voilà une question à poser à Google. Mais nous aimons bien le gado-gado, assiette de légumes arrosée d’une sauce aux cacahuètes. Nous faisons aussi une cure de mangues que nous achetons entre 50 et 80 centimes le kg.

Un groupe de fans

 

Vendredi 16 décembre 2016 – Kediri – 83 km

 

 

Le passage du col à 1200 m d’altitude fut beaucoup plus facile que prévu, puis ce furent près de quarante kilomètres de descente en suivant un torrent. Les montagnes, la forêt, les cultures maraîchères… nous étions ravis de voir enfin quelque chose et la circulation, bien que demandant toujours beaucoup d’attention, nous en laissait le loisir.

En arrivant à l’hôtel nous commandions un riz sauté et un œuf sur le plat. La préparation demanda une bonne demi-heure. J’avais tellement hâte d’aller faire la sieste que j’ai failli m’endormir avant d’être servie.

 

 

Samedi 17 décembre 2016 – Trenggalek – 63 km

Tout d’abord une route de campagne un peu défoncée puis la Nale 3 complètement détruite, percée de nids d’autruches, parfois transformée en piste pleine d’ornières. Nous avions retrouvé les grands paysages de rizières. Une récolte de riz devait avoir eu lieu récemment car le paddy séchait dans les cours. Près d’une rivière une entreprise fabriquait et exposait des faîtages pour mosquées, secteur très porteur par les temps qui courent. 

Dimanche 18 décembre 2016 – Ponorogo – 58 km

 

A la sortie de Trenggalek un panneau indiquait, d’après ce qu’on a pu comprendre « Route de Ponorogo complètement fermée » (Tutup total). Quelques véhicules passaient quand même. Nous y allions donc. Après la traversée d’un village animé par un grand marché, il n’y eut plus que quelques mobylettes sur la route, ce qui ne cessait de nous inquiéter. Et puis au km15, juste au début de la montée du col, nous doublions sur plus d’un kilomètre une longue file de bus, camions et voitures arrêtés. La montagne s’était éboulée et il ne restait plus qu'une demi voie pour passer.

Nul engin pour déblayer, seulement des gars armés de pelles et de pioches. Il y eut encore quelques passages difficiles, des portions de bitume tombés dans le ravin, puis nous fûmes seuls à grimper dans la forêt. Les maisons des hameaux traversés étaient plutôt jolies avec leurs longs toits débordant en varangues. Sur les vingt derniers kilomètres l’état de la chaussée fut tel que nous nous croyons sur une piste et nous arrivions tellement fatigués à destination que nous étions bien décidés à nous arrêter dans le premier hôtel. Pourtant je fis la moue en sentant la forte odeur de renfermé et d’humidité de la chambre. Il nous faudra faire le tour de la ville et visiter quatre hôtels – ce qui nous prendra une heure – pour trouver quelque chose de correcte dans nos prix. L’état du complexe hôtelier indonésien n’est vraiment pas terrible et, en rapport avec le niveau de vie, les prix sont plutôt élevés.

 

 

Lundi 19 – mardi 20 décembre 2016 - Sarangan – 45 km

Ça avait pourtant bien commencé. Une petite route tranquille qui s’enfonce dans une forêt de tecks, un marché aux bestiaux dans un village.

A 9h du matin nous avions parcouru 25 km. Les vingt suivants allaient nous demander sept heures d’efforts ! Jamais vu des côtes aussi raides. 

Nous poussions sur des kilomètres, d’abord chacun sa bécane, puis à deux pour hisser un vélo sur 30 ou 50 m avant de redescendre chercher le deuxième.

A 14 h le premier orage nous tombait dessus, bientôt suivi d’un autre, et nous poussions toujours en nous demandant s’il y avait bien un lac au bout. Ce n’était plus une route en pente, c’était une cascade qu’il fallait grimper. Notre logiciel « base camp » - lu avant de partir mais pas cru parce que ces pentes trop raides c’était sûrement une erreur…- nous avait indiqué des passages à 25, et même 30 % !

 

Quand nous arrivions enfin épuisés et trempés, autant de sueur que de pluie, le premier hôtel fut le bon. Se changer, manger – nous n’avions rien mangé depuis le petit déjeuner de 6 h du matin -, s’allonger. Notre logeuse nous apporta un thermo d’eau chaude et des sachets de thé tout à fait bienvenus. En contrepartie, il fallut faire risette à son dernier né à chacun de nos passages à l’accueil. Si la nuit précédente nous avions mal dormi à cause de la chaleur, dans cette bourgade de montagne noyée de pluie à 1 200 m d’altitude, nous supportions une couverture. Beaucoup trop fatigués pour repartir le lendemain nous votions une journée de pause, d’autant que nous n’avions toujours pas vu le lac.

En fait  il est bien triste et bien petit ce lac de retenue, entouré il est vrai de belles montagnes. Les abords sont construits d’un nombre incroyable d’hôtels, certains très chers, qui reçoivent une clientèle de touristes exclusivement indonésiens, enfin presque puisque nous  y  étions. Le pourtour de cette mare, d’une circonférence d’à peine deux kilomètres, est encombré de stands où boire un thé ou un café et manger des sathay – petites brochettes de miettes de poulet – assis sur des nattes ou des bâches. Tout le monde installait son éventaire, un couple préparait des brochettes pour d’hypothétiques pique niqueurs sur berge alors qu’il était évident qu’il allait tomber des cordes dès le début de l’après – midi.

 Sur le marché nous achetions quelques fruits avant de retourner à l’hôtel tandis que pluie et vent se déchainaient à l’extérieur. 

Mercredi 21 décembre 2016 – Surakarta (dit Solo) – 66 km

 

 

Nous n’avions pas fini de monter. Il restait encore 800 m de dénivelé positif en dix kilomètres de route. Durée : trois heures dans la pluie, les nuages, puis un épais brouillard.

Inutile de préciser que nous n’avons croisé aucun autre cyclo. A part deux fêlés de la pédale, amis qui se reconnaîtront à la lecture de cet article, qui sont passés par là voici deux ans, aucun cyclo voyageurs un tant soit peu renseigné ne s’aventure dans ces parages. Donc, avis aux copains cyclos qui envisagent de visiter l’Indonésie : à moins d’être masos, ne prenez pas la route de Sarangan !

La descente fut dingue. Un mur ! Les rues de Valparaiso ! que nous ne dévalions certes pas à fond la caisse, mais mains crispées sur les manettes. Sur des kilomètres s’alignent des stands de guingois protégés par des tôles et des bâches qui proposent café-thé et brochettes. Ils sont des centaines à espérer un consommateur. Mais de quoi vivent-ils ? Déjà au petit matin nous avions vu des femmes chargées de panières attachées par des châles dans le dos, faire le tour des hôtels pour proposer quelques friandises. Les ouvriers agricoles, eux, portent leurs charges pieds nus dans des terrasses cultivées – beaucoup d’ail et d’oignons par ici- sur des pentes abruptes. Aucun engin motorisé. Tout se fait à la main.

La ville de Solo nous parut sale et sans intérêt, excepté une fête foraine installée dans le centre-ville. 

Jeudi 22 – vendredi 23 décembre 2016 – Prambanan – 53 km

A Prambanan nous attendaient des temples bouddhistes et hindous. Et ce fut soudain l’émotion plastique, forte qui, nous le comprenions soudain, nous manquait tant depuis notre arrivée en Indonésie.
Les temples principaux se répartissent dans un vaste parc et c’était agréable de marcher en paix sous les grands arbres. Lesprangs – ou tours – des temples sont surchargés de frises, toujours les mêmes mais jamais pareilles, et ces énormes lego de pierres roses, grises et noires arrivent à vibrer dans le contre-jour si bien que tout devient flou à l’œil. Dans un petit musée des photos de la fin du XIXème montrent ce qui restait alors de ces monuments : quelques bosses enfouies sous les herbes. Un énorme travail de reconstruction a été effectué mais il reste encore pas mal de cailloux à trier.

Il y avait aussi un superbe Ganesh dont il est recommandé de caresser les pieds pour acquérir la force d’aller au bout de son voyage. Pour ma part il valait mieux que je lui caresse les genoux.

 

 

Samedi 24 – Dimanche 25 décembre 2016 – Yogyakarta – 18 km

Nous entrions dans le centre-ville de Yogyakarta  en milieu de matinée. L’avenue principale est jalonnée tout du long de boutiques et de stands de tissus et de vêtements. C’est un déballage incroyable dans lequel Daniel ne trouva pourtant pas short à son goût. Dans les contre-allées des milliers de cyclo-pousses proposent leurs services et les quelques utilisateurs observés ont l’air bien indisposés par les gaz d’échappements des mobs. Le marché couvert dans lequel nous pensions trouver des étals d’alimentation, n’est également qu’une succession d’échoppes de vêtements. « Batiks ! Batiks ! » Une foule piétine dans les étroites allées. Au bout de deux heures de ce bain de foule nous regagnions notre hôtel pour une sieste .

Dans la soirée, sur cette même avenue, des stands de nourriture installent des nattes sur le sol et des tables basses. La foule s’était encore épaissie et c’était une véritable marée humaine compacte qui coulait sur le trottoir. Nous fuyions pour aller dîner d’un très mauvais nasi goreng (riz sauté) dans un boui boui où nous étions – bizarre ? – les seuls clients.

Et nous qui redoutons tant le bruit nous avons choisi notre hôtel sans remarquer qu’il était situé juste à côté d’une église ! Si bien que pour ce jour de Noël, après l’habituel muezzin de 3 à 4 h du matin, nous avons eu droit, dès 6 h à des chants de Noêl avec des basses bien plombées, bien lourdes, un peu style Fête de la Bière si vous voyez ce que je veux dire. De plus si nous avions l’intention de visiter quelques lieux et d’aller voir un spectacle de théâtre d’ombres, eh bien c’est raté car, qui l’eut cru ?, Noël est un jour férié national dans ce pays d’Islam. A défaut de théâtre d’ombres, nous pouvions voir un gars fabriquer des marionnettes dans de la peau de buffle. Les clous qui servent à la gravure des motifs sont fabriqués à partir de rayons de mob. Rien ne se perd.

Et pour notre repas de Noël, ce fut : pochette surprise

 A 10 ans je jette mon vélo et je veux une mob comme les grands , et un téléphone ...

 

Article rédigé le 3 janvier 2017 à Garut

 

 

Lundi 26 – mardi 27 décembre 2016 – Borobudur – 41 km

 

De Yogyakarta, nous rejoignions Borobudur par des routes secondaires, avec le volcan Merapi en point de mire, traversant des rizières et des coins très enfouis dans la végétation. Toutes les étapes de la croissance du riz, du repiquage à la maturation, étaient visibles dans des champs mitoyens. Deux ou trois récoltes par an peuvent être faites sur ces terres parmi les plus fertiles de la planète.

Après plusieurs jours de vent agréable qui nous avait évité les orages, il faisait à nouveau très lourd. A Borobudur régnait une cohue, de bus, de voitures, de mobs, de monde – avec haut-parleurs, gaz d’échappement, bruits de moteurs et papiers gras- telle que nous nous éloignions d’un bon kilomètre pour trouver un petit hôtel de six chambres tenu par une famille vraiment très sympathique. C’était un peu cher mais nos hôtes firent un effort pour baisser le prix et nous reçurent avec beaucoup de gentillesse. Thé glacé de bienvenue, bananes, mangues et autres friandises comme des beignets de tofu… C’est qu’ils n’avaient pas l’habitude d’accueillir des étrangers et encore moins à vélo ! Le patron nous montra sa collection de kriss, tout au moins quelques-unes des 1 500 pièces qu’il a pu récupérer dans les maisons des villages alentours. « Car, nous dit-il, il y a un kriss depuis plusieurs générations dans chaque famille. » 

Après avoir déjeuné au restaurant tenu par la mère, la tante et la cousine, nous partions, à pied, voir deux petits temples non loin de là, avant-goût du site principal de Borobudur. Joie de se retrouver devant un grand bouddha au paisible visage. Une grosse averse orageuse se déclencha dans la soirée et nous étions ravis de pouvoir dîner devant notre chambre, grâce au repas apporté dans une boite par nos hôtes, le restaurant n’étant pas ouvert le soir.

A 6 h du matin, dans le site de Borobudur, c’était à peu près calme. A 8h beaucoup moins, à 10h la foule, à midi il était temps de s’extirper de la cohue. Le temple de Borobudur fut construit au 8èmesiècle, oublié dès le 9ème, redécouvert en triste état au 18ème, entièrement démonté – chacune des 1 600 000 pierres ayant été numérotée – puis reconstruit sur un socle de béton au 20ème. Un chantier qui devait durer 50 ans. 

Outre les terrasses et les stupas face au volcan qui font la renommée du site, il y a cinq kilomètres de frises sculptées dans la pierre volcanique. Des scènes exquises ou drôles qui firent notre bonheur pendant six heures, alors que tout autour de nous ce n’était qu’une foule de badauds locaux qui défilaient, seulement intéressés par leur propre image. Mais est-ce qu’ils n’en ont jamais marre de voir leurs tronches en photo ? Et alors, se faire prendre en photo avec des Occidentaux, quel pied ! 

Mercredi 28 décembre 2016 – Wonosobo (alt. 800 m) – 56 km

 

Notre hôtelier de Borobudur voulut nous faire cadeau d’un énorme lot de grosses bananes pour la route. Nous en prenions deux chacun bien assez lourdes comme cela mais acceptions volontiers les bouteilles d’eau. Route avec de bons coups de cul dans lesquels il fallut parfois pousser. La pluie n’attendit pas la mi-journée pour tomber et il fallut s’abriter pendant près d’une heure.

Wonosobo est dominée par deux volcans culminant à plus de 3 000 m. Nous tombions sur un vaste marché alimentaire sillonné d’allées très étroites dans lesquelles les femmes faisaient leurs courses sans descendre de mobylettes, à la vietnamienne.

Il fallut s’enfiler là-dedans pour trouver l’hôtel Nirvana et je vis bien que les chambres étaient surtout louées à l’heure. Nous y étions toutefois très au calme et, pour le prix, très correctement logés. Les nuages à ras de terre et la pluie incessante nous firent renoncer à monter jusque sur le plateau de Dieng, à 2 000 m d’altitude, où nous aurions – peut-être - pu voir des solfatares.

 

Jeudi 29 décembre 2016 – Purwokerto – 99 km

Une route étroite et défoncée, la Nale 9, surchargée de trafic, épuisante. Au bout de trente kilomètres nous options pour une route secondaire, moins passante, mais qui semblait vouloir retourner à son état d'origine de chemin de terre. Cent bornes de rodéo nous mirent le cul en fleur. 

Vendredi 30 – samedi 31 décembre 2016 – Majenang – 79 km

Je n’avais qu’une envie : prendre une journée de repos. Bien difficile de m’extirper du lit à 5 h – ¼  comme chaque matin, d’autant qu’il avait plu toute la nuit et qu’il pleuvait encore. Nous traînions un peu, profitions du petit déjeuner buffet (nouilles, riz, légumes, œufs, etc.) et ne prenions la route qu’à 7 h. Nous n’étions pas sortis de la ville que la pluie recommençait à tomber. Un thermomètre lumineux indiquait 25 °. Et ce fut à nouveau cette Nale 9, dans le même état que la veille. Nous la quittions au bout de 25 km et ce fut soudain du velours. Une route toute neuve ! Dans quel état devait-elle  pour avoir droit à une réfection ? Quel bonheur ! J’avais l’impression que nous n’avions pas roulé sur une chaussée normale, avec des côtes raisonnables, depuis notre arrivée en Indonésie. Sur le bord de la route nous déjeunions de riz et poulet frit. Pas le choix. Tout au long des kilomètres on ne voyait que cela affiché : Ayam goreng. Et puis ce fut à nouveau un tape-cul infernale, des trous énormes à éviter et, comme par hasard, à nouveau des camions, des bus, du monde. Nous remarquons cependant que les conducteurs sont très patients, qu’il n’y a pas de coups de klaxon intempestifs et qu’une file de camions peut attendre sagement derrière un cyclopousse, un gars à pied poussant sa carriole de soupe ou un touriste à vélo, jusqu’à pouvoir le dépasser sans problème. Toutefois nous roulons avec une extrême prudence, un œil sur le bitume, l’autre dans le rétroviseur. Le paysage ? Pas vu grand-chose dans ces conditions.

 

Un seul hôtel à Majenang. Le prix à payer pour se loger ne cesse d’augmenter. Cela devient bien plus cher qu’en Thaïlande et même qu’en Malaisie. Mais, à peine les sacoches et les vélos à l’abri, une pluie torrentielle se mit à tomber qui devait durer toute la soirée. Bien contents d’être arrivés avant.

Tout juste le temps de tout mettre à l'abri avant le déluge

 

Rien à voir à Majenang. Ça tombait bien, nous n’avions envie de rien faire. Nous assistions tout de même à la répétition d’un spectacle scolaire devant la grande mosquée. Les exécutantes, en plein soleil habillées de joggings et pulls à manches longues, avaient l’air de s’ennuyer ferme. Nous aussi d’ailleurs.

Le dernier jour de l’année fut une journée de lessive, sieste, internet et un peu de lecture. Couché à 20 h car le réveil allait sonner vers 4 h le lendemain matin.

 

Dimanche 1er janvier 2017 – Tasikmalaya – 77 km

 

Traversé une forêt d’hévéas et aperçu des rizières et de hautes montagnes très enturbannées de nuages. 

Toute la matinée nous croisions des groupes de cyclistes. En les voyant essuyer la sueur sur leur visage, alors qu’ils ne faisaient que descendre, je compris qu’il devait être normal que nous soyons trempés comme des soupes, nous qui ne faisions que grimper.

Lundi 2 janvier 2017 – Tarogong (Garut) – 60 km

 

 Des habitations, des villages, de grosses bourgades quasiment tout le long de la route rendaient très difficile la contemplation du paysage. Il semblerait que, plus nous allons vers le Nord, plus il y a de monde et plus la circulation est dense et anarchique.

Il y a bien des panneaux d’interdictions, mais tout le monde s’en fout.

Deux gars à vélo avec des sacoches nous rattrapèrent. Ils étaient de Bandung et s’étaient offert une excursion de trois jours. Ils nous offrirent le repas et, après la photo souvenir, reprirent leur route car il leur restait une soixantaine de kilomètres en montagne pour rentrer chez eux le soir même.

La ville de Garut était encombrée de tas d’ordures, une grande partie s’étant répandue dans la rivière. On aurait dit Palerme en période de grève des éboueurs. Ca grouillait de mobs et de voitures et nous n’avions guère envie de nous arrêter là. Pourtant, alertés par plusieurs hôtels affichant  « complet », nous faisions halte dans le premier qui avait quelques chambres libres, en sortie de ville. Il était 14 h. Une fois de plus nous n’eûmes que le temps de mettre bagages et vélos à l’abri avant que l’orage se déclenche. Une pensée pour nos deux gars qui continuaient à pédaler sous ce déluge.

A Garut nous prenions une journée pour aller voir les bassins d'eau chaude au pied du volcan, endroit très apprécié par les Indonésiens pour leurs vacances. Cela nous a paru tellement moche que nous n'avons pas pris de photos. En chemin nous faisions un petit tour dans la campagne, par des routes aussi défoncées que la route nationale mais pas plus, et voyons un gars labourant avec son buffle (pas très courant sur Java), des bassins d'élevage de poissons pour la pêche à la ligne, et puis c'est à peu près tout.

Un anniversaire à fêter

 

Article rédigé le 8 janvier 2017 à Bogor

 

Il y a 40 ans, jour pour jour, nous nous rencontrions pour la première fois à Paris, place de l’Opéra. Et devinez de quoi nous avons tout de suite parlé? De notre premier voyage ensemble : l’Islande. Pour cette occasion et cet anniversaire nous nous sommes amusés à créer une carte intitulée « 40 ans de Voyages ». Et si nous avons toujours envie de retourner en Islande, nous ne reviendrons pas à Java.

Pour voir notre carte, cliquer ici. 

Mercredi 4 janvier 2017 – Bandung – 65 km

 

Départ 5 h 30. Monté à près de 1 000 m d’altitude. Pentes des montagnes couvertes de maïs et manioc. Cette tubercule de plus en plus utilisée comme liant dans la fabrication des sirops de glucose, entremets et autres plats industriels prêts à consommer. L’Indonésie en est un gros producteur, bien que de façon très artisanale, loin derrière le Brésil et la Thaïlande.

 

Gaz d’échappement, bruit, brouillard de pollution sur toute l’étape, puis embouteillage en prime.

Jeudi 5 janvier 2017 – Cianjur – 64 km

Un embouteillage monstrueux pour sortir de Bandung dès 6 h du matin. Les gaz d’échappements sont carrément asphyxiants. Et ce sera ainsi toute la journée. Cette odeur de gaz pénètre partout, jusque dans les chambres d’hôtel tant la circulation est dense sur cette ile. Mais, à la différence des Javanais, nous ne sommes que de passage et avons, dans notre malle aux trésors, un Causse sur lequel nous pourrons nous décrasser les poumons au printemps.

 

Traverser la rue est chaque fois une épreuve. Faute de présence policière, des gars s’inventent flics amateurs. Il suffit d’être muni d’un sifflet, ou d’un drapeau rouge ou encore d’un gilet jaune. (J’ai tout cela, je pourrais donc me reconvertir si besoin était.) Ils stoppent la circulation pour faire traverser un piéton, reculer une voiture, ou organiser un peu le passage des véhicules dans les carrefours, et reçoivent en échange un pourboire de l’automobiliste ou du piéton aidé. Heureusement qu’ils sont là.

Sur les aires de stations essence, on peut faire pas mal de choses : le plein, aller aux toilettes et prier, l’un après l’autre ou en même temps, au choix.

 

Vendredi 6 janvier 2017 – Cisuara (1 000 d’altitude) – 35 km

 

Nous avions encore un col à 1 500 m d’altitude à passer. 1 000 m de dénivelé positif en 25 km. Prêts à partir à 5h30, nous devions attendre un peu que le jour soit entièrement levé. La montée se termina dans le brouillard. Des fougères arborescentes bordaient la route. Puis, dans la descente sur Cisuara, ce furent des plantations de thé, mais pas un sachet de thé à vendre dans les nombreuses échoppes. Depuis que nous en voyons des centaines s’aligner sur le bord des routes, nous n’y avons jamais vu un acheteur.

Cisuara est une station d’altitude où les gens aisés de la région de Jakarta viennent passer le week-end au frais. Aussi la route qui traverse la bourgade fut-elle complètement saturée dès midi et jusque tard dans la nuit, les voitures roulant parfois au pas. Mais que viennent-ils faire là puisqu’il n’y a aucun chemin de promenade dans la montagne, puisqu’ils n’aiment pas pique-niquer, puisqu’il y pleut tous les après-midi, puisqu’ils ne font pas de sport ? Viennent-ils ici uniquement pour passer deux jours dans l’un des nombreux hôtels de luxe, à regarder la télévision ou jouer avec leur téléphone ?

Mais, comme je l’ai déjà dit, nous, voyageurs, avons l’immense chance d’être toujours et seulement de passage. Il suffit de claquer des doigts – et sortir la carte bancaire – pour qu’un avion nous emmène sous d’autres cieux où nous avons toujours l’espoir de découvrir autre chose.

 

Samedi 7 – mercredi 11 janvier 2017 – Bogor – 28 km

 

 

Toujours dans les mêmes conditions de route nous atteignons Bogor, ultime étape de cette traversée de Java. Et ce n’est pas trop tôt. Pas très intéressante en fait cette vélochée javanaise, sauf si l’on veut se faire une idée de ce qu’est en train de devenir notre planète : une poubelle surpeuplée – de gens très gentils certes, mais la Terre entière est peuplée de braves gens - dans un nuage noir de pollution. Et la nature ? Derrière le nuage, pour ce qu’il en reste.

Après avoir tourné un bon moment, visité six hôtels, les uns trop chers, les autres franchement trop minables, ou complets, ou tout cela à la fois, par des ruelles en sens interdits, des quatre voies à traverser, des rues en pente, j’avisais par hasard, en face d’un hôtel à 1 million la chambre, une pancarte en anglais que l’on pourrait traduire ainsi : « Modeste hôtel familial pour hôtes charmants seulement ». Laissant Dany à la garde des vélos et lui-même à la garde du groom du luxueux resort, je traversais l’avenue et pénétrais dans un garage sombre. En haut de trois marches, derrière des mobylettes et une voiture, une jeune femme me reçut derrière un comptoir. Oui, il y avait de la place, non ce n’était pas trop cher. Lorsqu’elle me fit entrer dans un petit jardin protégé de murs, avec quelques arbres et des tables et des fauteuils, je sus que là serait notre refuge pour les cinq jours qui nous restaient à passer dans ce pays. La chambre est petite mais très propre, même la salle d’eau – fait assez exceptionnel pour être noté. Tout s’expliqua quand la patronne se montra : une Tchèque ayant largement dépassé la soixantaine qui règne sur son petit personnel.

Etait-ce relâchement psychologique, le fait de savoir que c’était enfin fini cette connerie ? Soudain j’étais claquée. Juste envie de dormir. A 200 m de là nous déjeunions dans une échoppe restaurant, sur un bout de planche à peine assez large pour une assiette, de riz et de légumes. Là aussi une femme régnait, toute emmitouflée dans une robe longue et un voile bleu-marine. Le plongeur n’avait peut-être pas plus de dix ans et faisait mousser le détergent dans la bassine. C’était plutôt rassurant quant à l’hygiène.

 

Repos, dessin, lecture et lessive – car toutes nos affaires sont absolument dégueulasses – seront nos occupations des jours prochains. Jakarta est à un peu plus d’une heure de train, mais nous n’irons pas.

Conclusion après 2 000 km : Tu voulais voir Borobudur et on a vu Borobudur.